Le Zimbabwe connaît une inflation sans précédent. Elle a dépassé la semaine dernière les 100 000 %, le taux le plus important du monde. Et aujourd’hui, elle a atteint les 150 000%. Quels sont les mécanismes de cette inflation? Comment les banques, les entrepreneurs et les négociants en devises s’organisent-ils? Notre correspondant à Harare a enquêté, la semaine dernière, sur le problème.
Notre correspondant à Harare Bruce Sibanda
Le dollar zimbabwéen a connu une baisse dramatique de sa valeur mercredi, en chutant de plus de 100% le jour du quatre-vingt-quatrième anniversaire du président Robert Mugabe. Les négociants en devises étrangères déclaraient, mercredi après-midi, qu’entre 16 et 20 millions de dollars zimbabwéens étaient nécessaires pour obtenir un dollar américain sur le très florissant marché noir. Un taux nettement plus
Un dollar US s’échange à 30 000 dollars locaux sur le marché officiel. Bien que la majorité des échanges de devises étrangères se fasse sur le marché parallèle, avec la participation de la Banque centrale du Zimbabwe (RBZ : Reserve Bank of Zimbabwe). Cette dernière, fréquente visiteuse dudit marché, y vient pour récupérer des liquidités nécessaires pour importer des produits de première nécessité.
Ainsi, les marchands de la fameuse Roadport de Harare ont déclaré que la banque centrale est intervenue sur le marché mercredi midi pour collecter des devises étrangères afin de payer l’électricité, la nourriture et l’essence d’ici les élections du 29 mars et rembourser
Les pénuries de nourriture, de carburant et de devises étrangères reflètent la gravité de la crise économique dont beaucoup pense qu’elle trouve sa source dans la politique populiste et controversée du président Robert Mugabe. « Nous achetons des dollars US sur le marché, ce qui semble avoir fixé le cours du change », a commenté un employé de la Banque centrale. « Il y a eu un affaiblissement soudain du dollar zimbabwéen cette semaine, et la tendance suggère que la RBZ intervient sur le marché, et qu’en fait elle achète des devises étrangères », nous a déclaré Musa Dlhomo, un négociant en devises étrangères.
La chasse aux devises étrangères
Le responsable d’une compagnie d’export nous a affirmé que sa société était incapable d’obtenir des liquidités de la banque centrale depuis plus de trois semaines parce que cette dernière avait utilisé tous les fonds, craignant que l’argent prêté prenne trop de temps pour être remboursé. Les comptes en monnaies étrangères des sociétés d’export et des ONG qui se trouvaient dans les banques locales ont été repris par la banque centrale, et il n’est plus possible d’organiser des transactions avec les banques étrangères.
Avec la baisse des revenus des exportations – incluant les revenus de l’or, qui correspondent au tiers des revenus d’exportation du pays, mais dont la valeur a chuté aux niveaux qui avaient cours avant l’indépendance en 2007 –, le responsable de la banque centrale, Gideon Gono, est pressé de toutes parts pour récupérer les devises étrangères sur le marché parallèle pour alimenter les dépenses nécessaires pour les importations à l’échelle nationale.
Le Bureau central des statistiques a établi mercredi dernier le taux d’inflation à 100 580, 2% pour le mois de janvier, ce qui correspond au plus élevé du monde. « Le taux d’inflation annuel pour le mois de janvier 2008 a été calculé sur la base des articles de l’indice des prix à la consommation. Il s’établissait à 100 580, 2% en janvier, soit une augmentation de 34 367,9 points par rapport au mois de décembre où il était de 66 212, 3 », selon Bureau central des statistiques.
Gideon Gono qui a connu la gloire au cours de ses trois premiers mois d’investiture, en 2004, après avoir bousculé le secteur financier, est le bras droit de Mugabe en ce qui concerne l’économie. Mais son optimisme du départ et son cri de ralliement (« l’échec n’est pas une option ») ont connu néanmoins un échec qui a laissé le Zimbabwe dans un terrible marasme économique.