Suite à un important déficit pluviométrique, le Burkina, en coopération avec le Royaume du Maroc, lançait en 1998 l’opération Saaga. Un concept qui avait pour but de provoquer des pluies artificielles. L’expérience pilote, jugée satisfaisante, a été reconduite en 2004 par le gouvernement burkinabé pour devenir un programme permanent. Le colonel Abraham Traoré, coordinateur national du programme revient avec nous sur les points techniques de Saaga.
Par Smahane Bouyahia
Pluies artificielles au Burkina. L’opération « Saaga » (« pluie », en mooré) a été instituée en 1999. Le programme consiste à augmenter les précipitations par ensemencement des nuages pour permettre de diminuer la sécheresse au Burkina. L’opération, initialement pilote, a obtenu le statut d’organe permanent en 2004 et est l’un des principaux axes de stratégie en matière de politique de maîtrise de l’eau dans le pays.
Le programme a été institué avec le soutien technique et scientifique du Maroc pour mener à bien les activités d’ensemencement des nuages que prévoie l’opération. Le Burkina Faso a été le premier pays à bénéficier de l’aide marocaine. « Le Burkina mène depuis 1967 des opérations ponctuelles, visant à diminuer la sécheresse du pays, mais c’est celle de 1999, qui s’est avérée être le mieux structurée puisque pratiquée par le royaume chérifien depuis les années 1980, reste la meilleure (…) Les résultats le montrent, statistiquement parlant. Les ensemencements ont donné entre 13% et 14% de pluie en plus. Soit une augmentation de plus de 10% par rapport aux trente sept années qui se sont écoulées (…) L’opération Saaga qui a été crée en 1999 pour une durée expérimentale de cinq ans, est ainsi devenue une structure permanente grâce aux résultats très prometteurs que nous avons constatés », explique le colonel Traoré, coordinateur national du programme :
Comment faire de la pluie ?
Le principe d’ensemencement, consiste à introduire dans les nuages des produits chimiques (mélange d’argent, de sodium et d’acétone) pour obtenir plus de pluie qu’il n’en serait tombé initialement. En aval, « il existe deux façons d’ensemencer des produits chimiques. La première, celle du générateur au sol consiste, schématiquement, à pressuriser les composants qui passeront par le biais d’une cheminée », explique le coordinateur du programme. La seconde, consiste « à passer directement par la base des nuages pour accélérer le processus de la microchimie de la perturbation(…) La voix du vecteur aérien, plus pertinente, nous apporte un taux de réussite plus grand. C’est celle qui est le plus souvent utilisée », ajoute-il.
En amont, « Nous avons recours à d’autres voix indispensables. Les prévisions météorologiques, en premier lieu, nous sont communiquées à chaque instant afin de mettre les équipes en alerte, lorsqu’une perturbation est à prévoir. Nous nous servons également de radars météorologiques pour obtenir plus de précisions, et de la station de radiosondage ». Quant au coût annuel d’une telle opération, le colonel Traoré répond simplement que « cela coûte très cher (…) je ne pourrais pas vous donner de montant exact, cela reste très approximatif, mais retenez simplement que cela nous coûte beaucoup d’argent, notamment pour les radars ».
Une expérience partagée
Abraham Traoré a prononcé une allocution de bienvenue à l’adresse du Souverain, en visite ce mercredi, dans laquelle il a souligné que « ce programme conforte l’option juste et rentable faite par le Royaume du Maroc d’apporter son appui au Burkina-Faso dans ce domaine ». Le Chef d’Etat burkinabé, Blaise Compaoré, a lui-même exprimé sa gratitude aux experts techniques marocains, tout en rappelant que grâce au programme Saaga, le Burkina-Faso a eu une récolte excédentaire de 800 000 tonnes de maïs.
Le succès de l’opération Saaga, expérimentée au Burkina, a conduit d’autres pays africains à solliciter le concours du Maroc. C’est le cas du Cameroun, du Mali, de la Gambie, de la Mauritanie et du Cap-Vert, pays voisins du Burkina Faso, qui tentent eux aussi d’améliorer la pluviométrie dans les zones déficitaires. D’autre part, « le CILSS (Comité Inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel, ndlr) a décidé de s’appuyer sur notre expérience réussie », rapporte le colonel Traoré. Dans un communiqué conjoint, rendu public mercredi à l’issue de la visite officielle de S.M. le Roi Mohammed VI au Burkina-Faso, les deux pays ont convenu de renforcer leur coopération par «l’échange d’expériences et de savoir-faire acquis de part et d’autre dans différents domaines». Et le programme Saaga, est, comme ne manque pas de le souligner le colonel, un bel exemple de coopération Sud-Sud.