Pleins feux sur l’agriculture camerounaise


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agriculture camerounaise
agriculture camerounaise

Vingt-quatre ans après celui de Maroua, dans l’extrême nord du pays, c’est à Ebolowa, dans le sud, que se tient le comice agro-pastoral qui jusqu’au 22 janvier présente la production de plusieurs centaines d’agriculteurs, éleveurs, artisans et entreprises du secteur agro-alimentaire du Cameroun. Un événement de dimension nationale auquel le comité d’organisation, le gouvernement et le président Paul Biya – à quelques mois de l’élection qui devrait renouveler son mandat-, ont consacré des moyens considérables.

« Pendant plus de 20 ans vous avez voulu ce comice, voici donc le comice ! », lançait Paul Biya, lundi, lors de la cérémonie d’ouverture du Comice agro-pastoral d’Ebolowa, devant une foule largement acquise à sa cause. Dans son fief, à quelques mois des prochaines élections présidentielles, le chef d’Etat camerounais, plus souriant et détendu qu’à son habitude, tenait à marquer un grand coup. Et avec un village de 48 ha créé pour la circonstance, plus de 1200 exposants et plus de 300 entreprises publiques et privées représentées, l’Etat camerounais a manifestement mis les petits plats dans les grands.

Présents sur le site, des habitants d’Ebolowa, une ville du Sud d’environ 100 000 habitants, ne cachent pas leur joie. « C’est la première fois que je vois Paupaul[[Surnom donné à Paul Biya]] à Ebolowa, c’est très important ! », s’exclame Marie-Solange. Avec elle, Freddy, un autre jeune de cette localité, se félicite des grands travaux effectués pour la tenue de l’événement et énumère ceux qui l’ont marqué. « Ca a changé notre vie, déclare-t-il. Avant, toutes les routes n’étaient pas goudronnées, maintenant elles le sont à 80%. Nous avons dorénavant une voirie, des feux tricolores, des panneaux de signalisation, des jardins publics, des jets d’eau, l’électricité dans toute la ville, un héliport… ». Une débauche de moyens qui n’est pas sans déclancher les commentaires acides de quelques visiteurs venus d’autres coins du pays. « Quand vont-ils faire un comice dans ma région ? », se demande, sarcastique, François, originaire de l’Ouest. Alors que Rodrigue, qui a fait les 168 km de route qui séparent la ville de la capitale, Yaoundé, se dit déçu par une manifestation qu’il espérait plus riche. « C’est dû à la mauvaise organisation, ça a été reporté plusieurs fois », explique-t-il, rappelant que le comice avait été annoncé pour la fin de l’année dernière.

Du côté des autorités, par contre, l’heure est à la satisfaction. Ainsi, Jean Nkuete, vice-Premier ministre et ministre de l’Agriculture et du Développement rural, salue un comice « exceptionnel », dont le faste est en rapport avec l’importance du secteur primaire dans l’économie camerounaise. « L’agriculture reste et restera encore notre véritable pétrole, notre véritable diamant, notre véritable or », affirme-t-il. Tandis que Paul Biya souligne que « le Cameroun compte sur le secteur primaire (…) pour devenir à l’horizon 2035 un pays émergeant. ». Il est, en effet, le premier producteur de denrées agricoles d’Afrique centrale – cacao, café, huile de palme, produits vivriers… Et 60% de sa population vit de l’agriculture. Cependant, depuis le début des années 1980, le pétrole est devenu la première ressource du pays. Et en dépit des nombreux programmes et injonctions présidentielles, des pénuries alimentaires frappent régulièrement la population. Un échec que reconnaît Paul Biya. « Nous avons consacré, en 2009, 500 milliards de FCFA pour l’importation de la farine, du riz et du poisson, soit 7 fois plus qu’en 1994 ! Nous devons absolument nous libérer de cette dépendance », assène-t-il, après avoir stigmatisé une stratégie gouvernementale dont « l’impression d’ensemble est celle d’une trop grande dispersion et d’un certain manque de cohérence ».

Les promesses d’un président en campagne

Plus d’aide aux producteurs, une lutte accrue contre la spéculation, le désenclavement des zones rurales, le développement d’équipements structurants… Aucune des promesses du président n’a échappé aux centaines d’agriculteurs, éleveurs, pisciculteurs et autres artisans, présents au comice d’Ebolowa. « Nous espérons qu’après les promesses fortes du chef de l’Etat, les choses iront mieux », confie Guy Albert Ngoa, producteur de bananes plantain à Bayong, dans l’Est, pour qui les subventions annoncées sont toujours restées virtuelles. « Nous ne savons pas à qui va l’argent. Pour le moment, nous nous battons seuls », constate-t-il. De même pour David Njike, producteur de cacao basé à Yokadoma, dans l’Est. « Les subventions ne nous parviennent pas, il y a des intermédiaires… », analyse-t-il pudiquement. « C’est un métier très difficile, parce qu’on n’a pas la main d’œuvre et l’appui qu’il faut financièrement. Mais ça donne bien en ce moment[[Le cacao est la première production agricole d’exportation du Cameroun, qui occupe le 5ème rang mondial après la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et l’Indonésie, avec une production de plus de 205 000 tonnes en 2009.]]. », ajoute David Njike, qui espère que sa parcelle de 6 ha lui donnera 30 tonnes de cacao d’ici 2015. Comme l’essentiel de ses confrères présents sur les stands, à l’invitation des autorités, il compte avant tout sur ses propres forces pour avancer. Mais il est heureux de participer à un événement qu’il compare à « une grand-messe du planteur » où les producteurs peuvent échanger, s’exprimer, se comparer. « Cela nous prouve que nous ne sommes pas oubliés, que nous ne sommes pas des laissés-pour-compte », conclut-il.

Le comice agro-pastoral d’Ebolowa devrait fermer ses portes samedi prochain. Avec l’organisation de cet événement, Paul Biya s’est sans doute assuré la sympathie et le vote d’une bonne partie de le population de sa région d’origine, le sud, à laquelle il a promis l’achèvement et la mise en oeuvre de nombreux grands projets structurants. Il a d’ailleurs été élevé par les habitants de cette région à la dignité de «Nnom Ngii », c’est-à-dire de « Maître suprême de la science et de la sagesse millénaires »… Un titre qu’il a accepté « de tout cœur », sous le regard impassible de son principal opposant politique, invité à la cérémonie d’ouverture de l’événement, John Fru Ndi.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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