Le 24 mars 2002, Dahuku Péré, l’ancien président de l’Assemblée nationale togolaise, dénonçait les dérives autoritaires du parti au pouvoir, dont il faisait parti, et son incapacité à réconcilier et redresser économiquement le pays. Cinq ans après, alors que Gnassingbe Eyadema n’est plus et que de nouvelles élections législatives ont lieu en juin, il fonde « l’Alliance » et appelle à la création d’une « ethnie togolaise ». Extraits de sa déclaration.
[Le] 24 Mars 2007, cela [faisait] cinq ans, jour pour jour, que j’ai pris la décision d’écrire ce que je pensais à l’époque sur la situation sociopolitique togolaise et de partager avec les autres dirigeants de mon ancienne formation politique mes inquiétudes, mais aussi mes espoirs pour que ce parti se modernise et reste durablement un parti fort dans le nouveau contexte de démocratie pluraliste. A l’époque mes propositions de réforme furent rejetées et moi-même expulsé du parti. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les nombreux événements qui ont suivi m’ont conduit finalement à décider, avec des amis politiques, de mettre sur pied une nouvelle formation politique pour capitaliser les idées brassées et le combat mené, afin qu’à terme l’espoir suscité dans le pays ne soit pas perdu. Cette formation politique est devenue aujourd’hui une réalité dénommée : Alliance Démocratique pour la Patrie, en abrégé, « l’Alliance ».
(…) L’essentiel pour nous, Togolais, aujourd’hui, c’est la terre qui nous a vu naître, ce petit rectangle de terre appelé Togo qui nous a été affecté par le Créateur pour y faire en ce monde les expériences qui nous permettront de saisir individuellement et collectivement notre chance pour y vivre heureux le temps qui nous aura été imparti.
Pour sauver l’essentiel quand tout s’écroule, c’est une « Alliance » qu’il faut. Nous avons préféré ce concept à tout autre parce qu’il suggère une image dans laquelle les partenaires se considèrent comme des puissances à part entière, venant librement à la rencontre les unes des autres pour mettre ensemble leurs atouts particuliers pour vaincre un obstacle majeur. Chaque partenaire a conscience de l’apport de l’autre et a du respect pour l’autre. Cette disposition d’esprit est capitale pour la santé des troupes, la vigueur du combat et l’issue finale de ce combat. Nous avons voulu mettre en relief ce concept pour la santé morale et la vigueur du parti et de ses militants dans le combat qui nous attend pour une mutation positive de notre pays. Nous avons voulu marquer combien est décisive la volonté de chaque citoyenne et de chaque citoyen de contribuer à l’issue de ce combat, et à quel point chacune et chacun mérite le respect et la considération de tous. Le comportement de tout responsable et de tout militant doit traduire ces vertus dans les faits.
L’ « Alliance » est « Démocratique » parce que c’est librement que chaque partenaire vient à la rencontre de l’autre, et qu’à tout moment chacun conserve la liberté de se retirer. Et parce que cette liberté existe vraiment, le choix de demeurer allié prend toute sa valeur et donne à l’Alliance toute la puissance de sa force de frappe. Elle est démocratique aussi parce qu’elle s’engage à faire une gestion démocratique du pouvoir d’Etat lorsqu’elle aura conquis le droit de l’exercer.
Enfin nous disons que l’ « Alliance », rendue puissante par la liberté et la volonté de ses militants, doit servir « la Patrie ». Celle-ci apparaît aujourd’hui au Togo comme la première richesse essentielle à sauver. Cela fait près d’un demi-siècle que l’Etat togolais est né et que nous avons l’ambition d’édifier une nation togolaise et un Etat républicain. Mais aujourd’hui encore, nous ne sommes que des Ewé, des Kabyè, des Moba, des Mina, des Akposso, des Bassar, des Tems ou des membres de telle autre des 41 ethnies habitant le rectangle de terre appelé Togo, prêts à en découdre les uns avec les autres si un fou nous en offre la moindre occasion. Nous devons nous laisser interpeller par une si dangereuse situation et prendre l’engagement de créer la 42ème ethnie, la Nation togolaise, à laquelle nous pouvons tous appartenir quelles que soient nos origines géographiques. Nous devons considérer que la construction de cette nouvelle ethnie est quelque chose de vitale pour les Togolais aujourd’hui et demain.
(…) Le Togo, c’est l’unique pays au monde que nous pouvons appeler notre patrie, celui qui ne refusera jamais de nous accueillir quelles que soient les circonstances. Chers compatriotes, sa disparition ou un mal qui lui adviendrait peut-il nous laisser indifférents ? C’est pourquoi, pendant qu’il est encore temps d’éviter tout malheur qui pourrait advenir à notre cher Togo par notre faute ou par celle d’un autre, nous devons tout mettre en œuvre pour l’éviter. Nous ne devons pas dormir aussi longtemps que nous n’aurons pas réussi à l’éviter. Le sentiment patriotique, c’est finalement cela : ressentir que nous ne pourrons pas dormir si quelque chose de mauvais arrivait à notre patrie, à la terre qui nous a vu naître, à la terre de nos pères.
(…) Laissez-vous, laissons-nous plonger au fond de notre être. Laissons notre cœur nous parler de notre patrie. Mettons-nous ensemble et conjuguons nos efforts pour rebâtir la cité. Sauvons de nos égarements et de nos turpitudes, la terre qui nous a vu naître. Pour cela, créons de façon volontariste la 42ème ethnie, la « Togolaise », celle qui pourra nous accueillir tous et nous faire vivre ensemble en frères et sœurs de la même Ethnie. Menons à son terme ce combat que notre génération doit à tout prix conclure aujourd’hui. Libérons nos enfants de ce combat, car les fronts de demain les attendent. Ils ne remporteront aucune victoire s’ils continuent à rester, comme nous aujourd’hui, divisés et opposés sur des futilités dans un monde qui se globalise irréversiblement pour devenir un monde des forts et non des faibles. Mais ils en remporteront certainement si nous leur créons aujourd’hui un nouvel espace national qu’ils apprendront à aimer et à servir, avec la volonté de se dépasser dans la pratique de la justice, de la vérité et de la fraternité pour devenir, ensemble, plus forts. Nous pourrons alors, génération après génération, laisser après nous une patrie toujours plus grande, plus belle et plus prospère.
Lomé, le 24 mars 2007
Dahuku Péré, président national de l’Alliance Démocratique pour la Patrie
Lire la déclaration intégrale sur le site de l’Alliance
Lire la déclaration du 24 mars 2002 sur Togo Confidentiel