Atlanta, capitale des femmes. L’association Iyalodè Productions et le Auburn Avenue Research Library on African American Culture and History organisaient du 19 au 22 Mars la 5ème édition du Woman of Color Arts and Films Festival. Quatre journées de célébrations placées sous le signe de l’engagement féminin dans le domaine de l’art. Reportage.
Notre correspondant aux Etats-Unis
Encourager les femmes à s’affirmer davantage dans les domaines de l’art et du cinéma, tel est la raison d’être du Atlanta Wocaf Festival. Mis sur pied il y a cinq ans par Mojisola Sonoiki, la manifestation s’est tenue a Atlanta du 19 au 22 Mars 2009, dans les locaux de la Auburn Library on African American Culture and History. Au programme, projections cinématographiques en provenance des quatre coins du globe et expo d’artistes locaux. Récit des festivités.
Hommage à la femme de couleur
« Vous parler de ma vie, vous dire d’où je viens, qui je suis, je suis une femme de couleur… ». Cet extrait du morceau phare de la chanteuse Shy’m aurait très bien pu servir d’hymne au Wocaf Festival édition 2009. Malheureusement, dans la capitale du sud-est des Etats-Unis la lolita du rnb made in France est une parfaite inconnue. Qu’à cela ne tienne, les bonnes vibrations d’Asa, la lauréate du Prix Constantin 2008, ont su mettre tout le monde d’accord, et ce bien avant qu’elle ne foule la scène de l’Atrium Center pour un showcase de clôture qu’aucun membre de la communauté nigériane d’Atlanta n’aurait su rater.
« Je suis très heureuse de vous accueillir et d’annoncer l’ouverture du 5eme volet du festival Wocaf », s’égosillait Mojisola Sonoiki, la présidente de l’évènement, devant un parterre de festivaliers autant préoccupés par le buffet que par l’annonce officielle de lancement. La deuxième sommation s’avérait plus fructueuse, même si quelques irréductibles eurent un peu de mal à se défaire de leur riz au gras agrémenté de pièces de poulet. Pourquoi mentir, j’en faisais partie. Ayant commencé à m’ennuyer ferme, j’étais bien obligé (l’excuse !) de trouver un exutoire, néophyte que j’étais dans la sphère artistique africaine et américaine d’Atlanta. Sans présentation, par exemple, comment aurais-je pu savoir que l’individu en boubou macaron qui me fixait avec défiance se nommait C.N. Okafor, Consul général du Nigéria ; que la femme tout sourire vêtue d’un haut swahili, dont le nom est Francine Henderson, préside aux destinées des murs qui nous accueillaient ; ou que la ravissante demoiselle à mes côtés s’appelait Nefertite Nguvu et était la réalisatrice d’un film au programme. Que dire également de cette beauté d’ébène en wax bleuté, dénommée Bukola Awoyemi, héroïne Nollywood du film Arugba du nigérian Tunde Kelani. Merci petit badge poinçonné sur ma chemise avec MEDIA estampillé en lettre capitale.
Un lieu empli de mémoire
Suite à un magnifique poème de Kemi Bennings, une poétesse locale, il nous fallait rejoindre ce qui faisait office de salle obscure durant les quatre jours de festivités. Je décidais pourtant de faire le tour des lieux. Le Auburn Avenue Research Library dépend du réseau de bibliothèques d’Atlanta et existe depuis 1934. Pas dans sa forme actuelle, à savoir une bâtisse colossale flanquée de baies vitrées et située en bordure de voie. Depuis 1994, dorment au chaud en ces lieux l’une des plus immenses collections d’œuvres afro-américaines. Des œuvres originales traitant de l’esclavage, de la lutte en faveur des droits civiques, des rapports entre les différentes races formant aujourd’hui la mosaïque ethnique du pays à la bannière étoilée. Pléthores de manuscrits et d’écrits rares provenant d’artistes, éducateurs, auteurs, hommes d’affaires, pasteurs, politiciens, avocats, musiciens, ou simples gens résident à Auburn Avenue. Une précieuse collection rassemblant environ 250 000 photographies, allant de 1859 à nos jours, y dort en toute sécurité, car l’on n’accède pas à la deuxième plus large source d’archives spécialisée dans l’histoire des Afro-Américains et Africains de la diaspora comme dans une pétaudière. L’enjeu de cet antre du savoir est la transmission de cet immense héritage oral, scriptural, et pictural aux générations présentes, mais surtout à celles d’après, afin que ce fil ténu avec le passé puisse se perpétuer. C’est donc à juste titre que le festival Wocaf truste une infime partie des locaux de cette caverne d’Ali Baba.
Un bébé festival prometteur
Mojisola Sonoiki, la fondatrice et directrice des débats est entré par accident dans le monde des bobines de film. D’origine nigériane, elle a vécu longtemps à Londres, le petit Lagos, où elle a eu l’occasion de rencontrer nombre de faiseuses d’images talentueuses et en mal d’exposition. Une fois aux Amériques, elle a poursuivi avec détermination sa volonté de mettre en avant les travaux de ses consoeurs. Même si la plupart des films diffusés durant cette 5ème édition sont à mettre à l’actif de la gent féminine, noire de peau, le festival Wocaf n’a été sectaire ni sexuellement et ni culturellement parlant. Preuve en est que des films provenant du Japon, d’Inde, du Pakistan, d’Hawai, voire d’Europe ont bénéficié d’une exposition identique aux autres productions. La part belle a évidemment été donnée à la prolifique industrie nigériane, officiellement « afin de donner une image aussi réelle que possible de l’Afrique, car les Américains n’ont aucune idée de ce qui s’y passe réellement, en dehors de sujets télé orientés famine ».
L’énigme Asa
L’annulation du concert de Asa fut la seule fausse note du festival. Avec 250 tickets déjà encaissés, un public et des personnalités présents devant la salle de spectacle pour un show qui n’aura jamais lieu. Un raté monumental qui n’est pas de nature à forger la respectabilité du Wocaf. Les erreurs faisant grandir, espérons qu’à l’avenir les organisateurs sauront s’entourer de personnes qualifiées à même de permettre à l’évènement d’atteindre toute sa plénitude. L’interprète de «Jailer » et son staff ont également beaucoup à voir avec ce « black » micmac. Dans un récent communiqué, Mojisola Sonoiki explique que la chanteuse franco-nigériane n’aurait pas été satisfaite du matériel sonore mis à sa disposition. Une attitude pas très rock’n’roll, lorsque l’on sait que l’Atrium Center d’Atlanta existe depuis une quinzaine d’années et a accueilli des artistes tels Usher et Jay-Z. Toujours est-il que cette trouble histoire n’arrange pas, une fois de plus, la réputation du Nigéria et de ses représentants.