Incapable de suivre à la trace tous les utilisateurs africains de logiciels copiés ou contrefaits (la majorité d’entre eux), le géant informatique se résout à la pédagogie. Le résultat semble maigre.
» Une récente étude a permis de constater un taux de piratage de logiciels informatiques avoisinant les 92 % pour la zone Afrique de l’Ouest. (…) Microsoft Corporation et Microsoft Côte d’Ivoire sont fermement décidés à lutter contre ce fléau. » Contredisant ces propos volontaires, la pratique de Microsoft et des autres éditeurs de logiciels, confrontés au piratage massif de leurs produits en Afrique, se tourne de plus en plus vers la pédagogie, faute de pouvoir coincer les fraudeurs.
Ils n’ont pas vraiment d’autre choix. Certes, les éditeurs font la plus grande publicité possible aux rares condamnations. En juin dernier, le tribunal de commerce de Rabat et Casablanca a condamné deux revendeurs de matériels, qui installaient des copies illicites de matériels Microsoft sur les ordinateurs qu’ils commercialisaient. Mais la plupart du temps, les limiers des géants de l’informatique se limitent, en Afrique, à pourchasser les réseaux les plus organisés et laissent en paix les utilisateurs individuels. On estime ainsi à 75 % la proportion de logiciels piratés exploités sur des ordinateurs africains.
Comment en serait-il autrement, expliquait récemment l’analyste Robert Bunyi au journal Post of Zambia, alors qu’un système d’exploitation Windows est facturé au Kenya 100 dollars US, et la » suite » des logiciels bureautiques Microsoft 800 dollars, dans un pays où le revenu annuel par habitant est de 250 dollars ?
Parfois des virus
Pour la plupart des experts, le piratage informatique africain est d’abord le fruit de la pauvreté. Les éditeurs en sont donc réduits à tenter de convaincre les utilisateurs du danger d’utiliser les copies. Microsoft, encore lui, vient ainsi de lancer un programme d’aide à la régularisation à l’intention des cybercafés marocains. En Afrique du Sud, le géant du logiciel s’est associé avec deux autres entreprises américaines – LAN design et Galdon Data – afin de s’adresser aux entreprises. Aucun des programmes précédents de ce type n’ont jamais vu leurs résultats publiés…
Pourtant, l’utilisation de copies peut parfois s’avérer funeste pour l’ordinateur du client fautif. Le tiers de ces copies utilisées en Afrique seraient, en fait, des contrefaçons. Or, comme l’explique l’informaticien français Nils Filc, » ces contrefaçons contiennent parfois des éléments en plus ou en moins. D’autre part, on y intègre parfois des virus, qui peuvent aider ensuite les contrefacteurs à accéder au contenu de l’ordinateur piraté « .
En Afrique comme sur d’autres continents, une petite troupe d’anti-Microsoft passionnés tente inlassablement de promouvoir Linux, un système d’exploitation concurrent de Windows dont le principal intérêt est d’être gratuit. » L’Afrique peut devenir le continent Linux « , affirme Githogori wa Nyangara-Murage, un ancien ingénieur de Xerox qui s’est converti à la bonne parole Linux et s’évertue à la diffuser dans le cadre d’innombrables conférences à l’est du Continent. Linux n’a pourtant pas que des avantages : son installation nécessite une bonne compétence informatique, et sa compatibilité avec les applications de traitement de texte n’est pas toujours parfaite.
Tant que Windows restera aussi facile à copier, Microsoft a sans doute encore du souci à se faire en Afrique. Et s’il était aussi facile de copier les médicaments contre le sida que les logiciels, l’Afrique se porterait sans doute mieux…