Les douanes françaises de l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle ont effectué, le 6 janvier dernier, une prise record de pièces archéologiques nigériennes. Cette saisie colossale, en transit sur le territoire français, compte plus 845 éléments, initialement destinés au marché belge. Les fossiles, qui englobent à eux seuls l’ensemble de l’histoire et la préhistoire de l’Afrique, ont été exposés, samedi, dernier par les autorités françaises et devraient bientôt être restitués au Niger.
Par Badara Diouf
S.O.S patrimoine historique en danger. Fossiles, dents et défenses d’animaux préhistoriques, poteries, pierres taillées, 845 pièces archéologiques volées au Niger ont été saisies, le 6 janvier dernier, à l’aéroport de Roissy (France) par la douane française. L’impressionnante collection, provenant du pays sahélien, devait être acheminée sur le territoire belge afin d’être revendue. Les objets répertoriés ont été exposés le temps d’une courte journée à la presse, samedi dernier, et seront bientôt rendus aux autorités nigériennes. Jean-François Copé, porte parole du gouvernement français, a en effet annoncé que « tous ces objets seraient, après expertise, restitués à leur pays d’origine », soulignant qu’ils « appartiennent au patrimoine de l’Humanité ».
Fossiles de dinosaure de plus de 70 millions d’années
Cette saisie reste, pour l’heure, la plus retentissante de par son importance historique et sa quantité. Les 845 œuvres, soit plus de 503 kilos de cargaison, étaient destinées au marché belge pour y être vendues à des collectionneurs privés. « Nos services ont intercepté la cargaison déclarée comme produits artisanaux », explique notre contact de la direction des douanes à Roissy. Le rapport de la douane fait état d’un butin de 101 ossements fossilisés de dinosaures datant de plus de 70 millions d’années, 668 pierres taillées ou objets en pierre datant pour la plupart du néolithique (8 000-6 000 avant J.C) et pour certaines de l’acheuléen (un million d’années-200 000 ans av. J.C). Mais aussi également des œuvres plus récentes dont l’inventaire est de 29 poteries et neuf figurines en terre cuite, qui pourraient être du matériel funéraire authentique. Des objets « d’une rare beauté provenant du système de Bura (IIe – XIe siècle), lequel se situe à cheval entre le Sud-Ouest du Niger et l’Est du Burkina Faso », a confié à Afrik.com un ethnologue proche du dossier, en fonction au musée de l’Homme au département de l’Afrique, à Paris.
« La situation est une catastrophe pour la recherche scientifique, car tout objet extrait de son site d’origine, donc de son contexte, prive les chercheurs des possibilités essentielles de décrypter et d’appréhender la vie des populations et le mode de vie des sociétés dans laquelle il évoluait (l’objet archéologique, ndrl) », déclare Marie-Hélène Moncel, archéologue au Centre nationale de la recherche scientifique (France), qui a expertisé les pièces saisies. « Au-delà de la dimension scientifique, les œuvres restent d’une beauté rare, exceptionnelle, car taillées dans des roches sublimes et d’une qualité esthétique hors pair », ajoute-t-elle.
Deuxième pillage en un an
Cette prise n’est pas la première du genre. « Déjà en mars 2004, les douanes françaises avaient saisis plus de 5 000 pointes de flèches transportées dans des valises par des voyageurs en provenance de notre pays. Dans cette affaire, notre gouvernement a porté plainte auprès des autorités de l’Hexagone pour pouvoir les récupérer, mais jusqu’à ce jour la justice entre les deux pays suit son cours. Quant à cette dernière saisie du 6 janvier 2005, elle reste de loin la plus importante », nous confie Monsieur Ali Bida, directeur du patrimoine culturel du Niger. Il avoue ne posséder aucun autre élément sur le coup de filet français que ce qu’il a appris, comme tout le monde, à travers la presse française.
Pour le moment le trésor archéologique est en lieu sûr, sous le haut contrôle de la douane française. Il devrait être restitué au gouvernement nigérien, selon l’accord régi par la Convention 1970 de l’Unesco, dont les deux pays sont signataires. Restitution qui se fera par la voie officielle. Le service protocolaire de la France a ainsi contacté l’ambassade du Niger pour lui notifier de la possession des desdits objets lui appartenant. L’enquête n’a toutefois pas encore vraiment commencée.
« Nous attendons que le Niger délivre une commission rogatoire internationale et ensuite l’enquête pourra réellement démarrer. Une fois que la remise officielle des objets au Niger sera faite par l’Etat français, notre rôle s’arrêtera à ce stade et il reviendra aux autorités de Niamey de porter plainte contre les malfaiteurs, au vu des éléments que nous leur fournirons, car il est assez aisé de remonter à la source, grâce notamment au nom de l’expéditeur du colis au Niger et son destinataire en Belgique », souligne notre source de la direction des douanes. La France en tant que zone de transit n’a donc aucun poids juridique pour mener une enquête internationale.
Mise en place d’un Conseil national de la protection du patrimoine culturel
Les pilleurs de sites archéologiques savent quoi prendre lors de leurs opérations, car seuls les plus beaux objets sont ciblés pour être revendus, à prix d’or, sur les marchés d’art parallèles. Un trafic juteux qui nécessite des mesures de taille pour lutter contre ces bandes organisées. « Le gouvernement s’atèle à la mise en place d’un conseil national de la protection du patrimoine culturel, bien qu’il existe déjà dans le pays la Loi 97 sur la protection du patrimoine », souligne monsieur Ali Bida.
Plus que le simple marché des œuvres d’art où les artisans nigériens peuvent aisément berner les tourismes en mal d’exotisme avec d’authentiques reproductions, cette affaire de trafic de pièces archéologiques s’adresse à un public beaucoup plus averti. Et donc tout à fait conscient du crime qu’il commet et du pillage qu’il encourage… pour son seul plaisir égoïste.