Pierre Claver Maganga Moussavou est le candidat du Parti social démocrate (PSD) à l’élection présidentielle du Gabon, fixée au 30 août prochain. Ministre de l’Enseignement Technique dans le gouvernement provisoire de Paul Biyoghé Mba, l’opposition lui a vivement reproché, comme à Ali Bongo Ondimba, de rester en poste alors qu’il avait annoncé ses intentions. Des critiques auxquelles il a mis un terme en démissionnant le 6 août dernier. De passage à Paris cette semaine, il a dévoilé son programme à la presse internationale et à la diaspora gabonaise.
« On me surnomme le bouvier de Moutasso ! » Assis devant un parterre de journalistes et de membres de la diaspora gabonaise, au Presse club de France, à Paris, Pierre Claver Maganga Moussavou, 57 ans, se raconte. A Mouila, la capitale de la province de la Ngounié où il est né, il est aujourd’hui un homme incontournable. Député, propriétaire d’un important parc de logements et d’un vaste ranch où il élève bœufs, porcs et poisson, il est l’homme fort de la région. Une notoriété que plusieurs passages au gouvernement ont renforcée. Docteur en relations économiques internationales, Inspecteur général des finances, ancien conseiller économique et financier puis de l’Administrateur des fonds au FMI, il a occupé depuis le milieu des années 90, sous la présidence d’Omar Bongo Ondimba, plusieurs ministères dont ceux du Plan, de l’Agriculture, des Transports, de l’Aviation civile et du Tourisme. Il n’a cependant jamais adhéré au Parti démocratique gabonais (PDG), majoritaire. Fondateur, en 1990, du Parti social démocrate (PSD), c’est sous cette étiquette qu’il s’est présenté en 1993 et en 1998 aux élections présidentielles. Et c’est une nouvelle fois sous cette bannière qu’il brigue la magistrature suprême. Intarissable sur son parcours et ses projets pour le Gabon, l’homme égratigne volontiers ses concurrents, à commencer par ceux qu’il côtoyait sous les ors des ministères. Il nous a accordé un entretien.
Afrik.com : Vous étiez membre de la majorité présidentielle et du gouvernement au sein desquels ont émergé de nombreux candidats. Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter à l’élection présidentielle ? Qu’est-ce qui vous distingue des 22 autres prétendants à la magistrature suprême ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : J’aurais pu dire que c’est parce que j’ai un meilleur programme et que je suis le meilleur. Mais pour être sérieux, je dirai que c’est parce que je suis un homme qui ne vient pas de nulle part. Quand on regarde les candidats qui se présentent à l’élection présidentielle, je suis celui qui est le mieux préparé. J’ai été au Plan, j’ai construit des routes, des ponts, j’ai œuvré au développement de Mouila, la ville la mieux équipée et la plus belle du Gabon… De plus, je suis très disponible pour la population, une qualité que le défunt Omar Bongo Ondimba appréciait tout particulièrement. Et j’ai un solide programme.
Afrik.com : Quels sont les points clé de ce programme ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : L’éthique de développement, la création d’une véritable économie, la route, l’éducation, la santé, la population et le bien-être social… Je suis pour la mise en place d’une politique nataliste. Je veux soutenir les familles nombreuses et mettre en place une politique de logement. Nous devons atteindre les 5 millions d’habitants pour donner à notre économie des chances de se développer[[Le Gabon comptait 1,4 millions d’habitants en 2005]]. Il faut inciter les Gabonais à avoir plus d’enfants et augmenter le nombre de structures de santé qui doivent aller de pair avec cet objectif. (…) Un autre aspect important de mon programme est la mise en place d’une politique de provincialisation qui va gommer le sentiment de beaucoup de Gabonais pour qui le président de la République doit venir d’une province donnée. Je m’engage à consacrer 20 milliards (de francs CFA) chaque année par province pour qu’aucune d’entre elles ne soit supérieure à une autre. Ainsi, les Gabonais n’auront plus un sentiment d’appartenance lié seulement à une même ville, un même village ou un même groupe.
Afrik.com : Au Gabon, ce sentiment d’appartenance régionale et ethnique est très fort. D’aucuns pensent que pour devenir président de la République, il faut être batéké ou fang. L’on entend aussi dire ici et là qu’après le règne d’Omar Bongo, c’est au tour des Fang de revenir au pouvoir. Or, vous êtes pounou…
Pierre Claver Maganga Moussavou : Les Téké sont-ils si nombreux ? Non. Quant aux Fang, ils ne sont pas aussi nombreux qu’on le dit. Et le groupe Fang n’est pas aussi homogène qu’on le pense. Les Pounou appartiennent au groupe méryé. Et les Méryé sont nombreux. Quoi qu’il en soit, Fang, Téké, Méryé sont tous gabonais, et comme tous les Gabonais ils peuvent prétendre au titre de Président de la République, mais pas sur des bases ethnolinguistiques. Moi, j’ai toujours refusé d’aller vers ce type de débat. Je suis fier d’être de la capitale de la Ngounié, mais je pense qu’il faut d’abord être fier d’être gabonais, et gommer l’idée que le Gabonais doit être nécessairement rassuré par un membre de son ethnie. Le fait que l’on parle aujourd’hui encore de ces questions prouve qu’Omar Bongo a échoué sur ce point.
Afrik.com : Dans votre programme, vous dites vouloir « bâtir une véritable économie ». C’est à dire ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : L’économie gabonaise n’est pas une économie. C’est une économie de cueillette, de rente. Comment expliquer que pour tant de Gabonais formés à l’extérieur il n’y ait pas d’espoir de travailler au Gabon ? Il est nécessaire de bâtir une vraie économie qui crée plus de richesses et d’emplois.
Afrik.com : Vous êtes l’un des deux ministres-candidats dont la présence au gouvernement a été vivement critiquée ces dernières semaines. Vous l’avez quitté le 6 août, mais Ali Bongo Ondimba est, lui, toujours en poste. Pensez-vous qu’il devrait démissionner, même si la Constitution ne l’y oblige pas ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : J’ai démissionné par éthique. La question n’est pas de savoir pourquoi Ali Bongo Ondimba ne quitte pas le pouvoir. Mais si le président de la République, qui doit s’interdire d’être candidat à la présidentielle, peut avoir des candidats dans le gouvernement qui l’accompagnent dans la préparation d’élections transparentes et équitables. Les membres du gouvernement ne doivent pas être candidats. Ceci ne figure pas dans la lettre de la Constitution, mais dans son esprit.
Afrik.com : Dimanche dernier, les candidats Jean Eyeghé Ndong et André Mba Obame, anciens ministres et démissionnaires du PDG, ont été empêchés de prendre l’avion pour venir à Paris. Le motif invoqué par les autorités était qu’ils avaient en leur possession des passeports diplomatiques ne correspondant plus à leur statut actuel. Or, vous aussi étiez ministre jusqu’à la semaine dernière. Comment avez-vous pu voyager ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : J’ai demandé au président de l’Assemblée nationale un passeport diplomatique. Mais il fallait attendre trop longtemps. Donc la solution a été d’avoir un passeport ordinaire, avec un visa qui me permet de voyager dans toute l’Europe. (…) Mon cas est différent de celui d’Eyeghé Ndong et de Mba Obame, qui étaient des députés du PDG et qui ont quitté le gouvernement et leur parti pour se présenter à l’élection présidentielle. Cependant, il faut bien admettre que c’est en guise de représailles qu’on[[Les responsables du PDG, ndrl]] a soulevé ce lièvre.
Afrik.com : Comment expliquez-vous qu’il y ait tant de candidats issus de la majorité présidentielle, y compris au sein du PDG qui a officiellement désigné Ali Bongo ?
Pierre Claver maganga Moussavou : Expliquer pourquoi les partis de la majorité ont autant de candidats, ce serait ne pas se rappeler combien ils étaient nombreux aux précédentes élections. Cependant, la démarche d’Eyeghé Ndong et d’Oyé Mba, qui étaient membres du PDG et se présentent contre le candidat désigné par leur parti, n’est pas très amène. Car en participant au processus de désignation du candidat officiel du PDG, ils l’ont cautionné. C’est une fois battus qu’ils ont décidé de quitter leur parti et de se présenter en tant que candidats indépendants. Un choix qui montre à tous les Gabonais que ce sont des hommes qui ne savent pas tenir leurs engagements. Quand à Mba Obame, qui a quitté lui aussi le PDG pour se présenter en tant que candidat indépendant, il est encore plus étonnant. Mba Obame, c’est un peu un enfant gâté. Avec Ali, ils étaient, si je puis dire, comme cul et chemise. Les deux considéraient les ministères de la Défense et de l’Intérieur comme leurs jouets. Et maintenant ils veulent être présidents de la République…
Afrik.com : Etes-vous serein ? Pensez-vous que votre pays va vers des élections transparentes et sans violence ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : Je suis serein. Mais je suis aussi inquiet pour le Gabon. Car j’entends dire ici et là que le processus électoral pourrait être interrompu par l’armée. Il nous faut aller au bout du processus. Et que le meilleur gagne ! (…) La majorité des programmes qui sont là ne valent pas la peine que les Gabonais s’y attardent. Ils proposent tous une gestion excentrée où les gouverneurs des provinces sont considérés comme des moins que rien, de simples agents de renseignement, alors que c’est celui qui est à côté du feu qui écoute le bruit de la marmite.
Afrik.com : Vous critiquez sévèrement les autres candidats et leurs propositions. Mais vous avez été aux affaires sous plusieurs gouvernements. Vous avez pris part aux politiques menées du temps d’Omar Bongo…
Pierre Claver Maganga Moussavou : Etre aux affaires, c’est faire partie d’un système, c’est faire pour tout le peuple. J’ai un ranch, j’élève des bœufs, des porcs, du poisson, je nourris la population, j’ai des cités où je loge des enseignants. Donc, c’est trop facile de penser qu’il n’y a pas eu de gens ici et là pour construire. (…) Il y a des gens de l’opposition, comme Pierre Mamboundou, qui critiquent beaucoup, mais qui ont bien profité des largesses du pouvoir. Le président Omar Bongo Ondimba se comportait comme un chef de village. Il donnait à des membres du gouvernement, mais il distribuait aussi des subsides à l’opposition.
Afrik.com : Si vous deveniez président du Gabon, quelles seraient les premières mesures que vous prendriez ?
Pierre Claver Maganga Moussavou : Les premières mesures que je prendrais, au regard de la situation financière, seraient de rendre transparents les revenus de l’Etat, d’assainir les finances publiques, de faire en sorte que les postes budgétaires ne soient plus liés à des individus mais à des structures, de doubler la valeur indiciaire et le SMIG.