L’association Together For Burkina Faso a organisé, le 5 mars dernier, à Ouagadougou, un événement humaniste et solidaire dans le camp de Personnes Déplacées Internes de Kalgondin. L’initiative a rassemblé plus de 400 personnes et mobilisé 9 autres Organisations de la Société Civile pour un plaidoyer sur l’émancipation de la Femme et l’avenir des enfants.
A l’occasion de la Journée Internationale des droits de la Femme 2022, l’Agence Française de Développement (AFD) propose un regard singulier sur différentes initiatives émancipatrices de la Femme Sahélienne à travers une mini série d’articles découverte. L’exclusion, la paix, l’entrepreneuriat, le développement, autant de thèmes abordés sous le prisme d’Organisations de la Société Civile qui font bouger les lignes. #JournéeInternationaleDesDroitsDesFemmes
PDI : Personnes Déplacées de l’Intérieur. Ils sont plus d’un 1,7 million de Burkinabè, essentiellement des femmes et des enfants, à avoir dû fuir leur chez eux suite aux tensions sécuritaires et à l’extrémisme violent qui secouent le Burkina Faso. Ils sont répartis dans des camps à l’intérieur du pays, jusque dans la capitale.
L’association Together For Burkina a fédéré les solidarités, le 5 mars dernier, à Ouagadougou, dans le camp de Kalgodin, pour ces réfugiés qui ne disent pas leur nom, à l’occasion d’une journée d’actions, entre dons et partage, riche en émotions.
« Victor Hugo a écrit : « il n’y a rien de plus précieux en ce monde que le sentiment d’exister pour quelqu’un ». Rappelons toujours donc à nos compatriotes meurtris, traumatisés, déboussolés, loin de leurs villages natals, qu’ils comptent pour le Burkina. Qu’ils ne sont pas seuls, encore moins abandonnés », expliquait la coordinatrice Irimeyan Mariam Ouedraogo, dans son propos introductif.
Pour Irimeyan, « la solidarité la plus nécessaire est celle de tous les Burkinabè ». Et c’est aux côtés de Salamatou, 12 ans, déplacée interne depuis 2 ans, qu’elle a pris la parole pour lancer la rencontre. Toute la force d’un symbole dans l’innocence d’un enfant.
La fête était dans le camp. Tout a commencé par un moment de détente convivial avec une séance de maquillage des femmes et des enfants à la mode peulhe (ethnie majoritaire dans le camp).
Puis, riz, huile, savon, seaux, bidons et habits, l’association n’était pas venue les mains vides. A ses fonds propres sont venus s’ajouter une collecte interne ainsi que des dons de particuliers pour boucler une action. L’occasion également de partager un repas de quelque 400 couverts.
Une association réactivée pour canaliser les nouvelles énergies
Lancée par Alizéta Ouédraogo, Together For Burkina est initialement une association suisse fondée en 2011. L’antenne Burkinabè et la dynamique actuelle sont nées à la faveur d’une activité de formation de 8 mois, « Leadership féminin et entrepreneuriat », proposée en 2021 à Ouagadougou par le réseau international Empow’her.
Irimeyan était de celles-là. Elle était alors bénévole de l’association Cœur d’or Burkina pour les veuves, les orphelins et les enfants de la rue. Elle se souvient d’Alban Tapsoba le formateur. Voyant les belles énergies du groupe, il lance l’idée d’une représentation de l’association au Burkina Faso même.
« Et si on s’unissait pour créer une activité ensemble d’entraide et de solidarité ? ». Une entité locale naît. Il en devient le président exécutif, tandis que l’équipe opérationnelle, entièrement féminine, est coordonnée par Irimeyan. Une vision commune en partage, une envie d’agir au service des autres, l’engouement est immédiat.
Un prénom sans doute prédestiné pour Irimeyan qui signifie « la famille est construite » en mooré. Elle est ci-dessous encadrée d’une partie de l’équipe Together For Burkina.
Une violente prise de conscience
Pourquoi prendre fait et cause pour les PDI ? « A chaque feu tricolore on voyait des femmes et des enfants sans savoir d’où ils venaient et ça nous attristait, explique Irimeyan.
C’étaient des PDI qui étaient obligées de mendier pour se nourrir…
Alors les membres de l’association sont allés à leur rencontre dans un camp. « Avec ce qu’on a vu ça n’était pas simple », confie pudiquement Irimeyan. « Pour ma part, j’ai pris une vraie claque. Plus que ça même ».
Ci-dessus des habitations de fortune, pour ceux et celles qui ont la chance de pouvoir construire « un toit ». Beaucoup sont obligés de dormir à la belle étoile, exposés à toutes les intempéries.
Confrontée à une réalité crue, elle se souvient du dénuement des personnes, de ce bébé né la veille, sans habit, de cette logique parentale de ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l’école car ce sont eux qui nourrissaient leur famille en mendiant…
Plutôt que de parler, l’association a décidé « d’inviter les gens sur place pour toucher les mentalités ». Parce que beaucoup ne se rendent pas compte de que les PDI vivent en plein cœur de la capitale. « Nous avons voulu inviter d’autres associations pour trouver un terrain de soutien et d’initiatives ».
L’association place la Femme au cœur de son plaidoyer. La Femme et l’enfant, comme en témoigne le slogan de Together For Burkina Faso : « Parce que la femme est le début du monde et l’enfant est son avenir ».
Pour Irimeyan : « Une femme qui est épanouie assure un avenir à toute une famille ».
Rires, sourires et émotions et après ?
Pas moins de 9 associations ont répondu à l’appel de Together For Burkina Faso : Women Rise Women Run, Amazone, Sauve Ma Patrie, Héroïne du Faso, Al-ihsane, Teeltaaba, Femme uni pour le développement de l’Afrique, Femme Engagée pour le Développement et l’Association pour la protection juridique et du genre et de la cohésion sociale.
Tout comme l’Agence Française de Développement représentée par Anne-Marie Sawadogo de la Direction Régionale Sahel. Aux femmes du camp, elle a symboliquement offert au nom de l’AFD le « Pagne de la Paix » et pris un temps d’écoute et de partage avec elles sur le drame qu’elles vivent avec leurs enfants.
Un geste qui a redonné le sourire, l’envie de l’élégance à ces femmes malgré l’adversité et une lueur d’espoir dans cette perspective du 8 mars (Journée internationale des droits de la Femme), une porte s’ouvre peut-être…
Une simple parenthèse heureuse pour les personnes du camp ? Pas si sûr. Parce qu’au plaisir du partage, à l’émotion du don, aux sourires des enfants répond à la fois une frustration de ne pas avoir pu offrir un repas à chacun (le camp compte quelque 1 200 personnes, un nombre sujet à une très forte amplitude à la hausse, notamment la nuit et avec l’arrivée continue de nouvelles PDI) et une prise de conscience collective.
Au fur et à mesure de la journée, la parole se libère. Et les réalités d’un quotidien au jour le jour et de ces vies fracturées frappent en plein cœur. Comme cette femme qui allaite son enfant avec ses seins sans lait, près de son fils de 4 ans qui en paraît 2 à cause de la malnutrition et de sa grand-mère aveugle.
A côté, deux femmes, les sœurs de la mère expliquent « qu’il n’y a plus d’hommes dans la famille. Ils ont tous été tués, tout comme l’un de leurs enfants »
De quoi renforcer et nourrir la vision de Together For Burkina Faso qui reste résolument tournée vers l’émancipation des femmes. Pour l’association, il faut « accompagner les femmes pour faire ressortir le meilleur d’elles-mêmes ». Elle mise notamment sur la formation et sur les activités génératrices de revenus et sur l’entrepreneuriat.
Et des synergies sont d’ores et déjà à l’œuvre.
Au-delà de ça, Irimeyan invite chaque Burkinabè à se poser une question : « Quelle est la réponse à mon pourquoi ? ». Une question existentielle dont la réponse fondamentale est une formidable boussole.
Le pourquoi de l’association est clair : c’est d’œuvrer à la capacitation des femmes pour en faire des modèles pour les générations à venir. La Femme est un levier de développement et un acteur de changement. « Tout le monde est interpellé et il est important et capital de se lever et de s’unir pour y travailler, tous ensemble ». Together, donc, et la boucle est bouclée.
#JournéeInternationaleDesDroitsDesFemmes