La France fait face à un sérieux manque de personnels dans des secteurs comme le tourisme. De façon générale, l’Hexagone est confrontée à un véritable problème de saisonniers. À la veille des grandes vacances, ce pays européen a besoin d’environ 200 000 travailleurs saisonniers dans des secteurs comme la restauration, l’hôtellerie, l’agriculture, entre autres. Les effectifs pourraient faire défaut, ce qui entraînerait une baisse consistante dans les chiffres d’affaires. Entretien avec William Legendre, CEO d’Optimiis.com.
Afrik.com : L’inquiétude gagne du terrain en France face à la pénurie de personnels dans des secteurs comme le tourisme. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
William Legendre : En effet, le secteur du tourisme n’échappe pas à la pénurie de profils et peine à recruter depuis plusieurs années déjà. La situation s’est empirée avec la période de Covid-19 que nous avons traversée. Il se trouve que le secteur du tourisme et de la restauration souffre de l’image qu’elle envoie par rapport aux métiers. Il y a aussi un fossé étroit entre la rémunération et les aides sociales, en France par exemple ; ce qui ne motive vraiment pas les candidats à postuler. Tout compte fait, il faudrait revoir les niveaux de rémunérations dans ce secteur.
Tous les corps de métiers touchant de près ou de loin au tourisme connaissent un manque flagrant de personnels. Quelles solutions préconisez-vous ?
Pour cela, il faut développer la formation des candidats dans les métiers de l’hôtellerie, que ce soit en interne et en externe, avec des écoles spécialisées, présentes en Europe mais aussi en Afrique, au Maghreb, à Maurice… Les employeurs se sentent prêts à investir de plus en plus dans la formation, en insistant plus sur les qualités professionnelles que sur les compétences à l’embauche pour ouvrir plus de possibilités, de façon à dénicher des talents potentiels qu’ils pourront ensuite former.
Quels étaient les pays principaux pourvoyeurs de ce personnel saisonnier ?
Aujourd’hui, il faut sortir des frontières françaises pour recruter. Historiquement, les Espagnols étaient réputés pour postuler à des métiers saisonniers. Et depuis, beaucoup de Turcs, Grecs sont arrivés sur le marché français, pendant plusieurs années, mais aussi des candidats du Maghreb, de l’Afrique.
Comment se passe le recrutement et la quête de saisonniers ?
Le recrutement dans ces métiers se fait sur les réseaux sociaux essentiellement et ensuite par cooptation entre saisonniers. C’est chronophage, mais ça fonctionne, il faut juste savoir bien utiliser les réseaux pour bien communiquer afin d’avoir une bonne visibilité.
Qu’est-ce qui a changé la donne ?
Le Covid a été une prise de conscience pour certains, même si la situation s’est compliquée bien avant. Dans beaucoup de ces métiers de l’hôtellerie, les salariés en poste se sont reconvertis dans d’autres métiers. Il faut savoir que le secteur a beaucoup perdu pendant les périodes de confinement. L’équilibre entre la vie privée et professionnelle n’est pas simple dans les métiers de l’hôtellerie. Ils ont donc profité du ralentissement de l’activité pour revoir leur orientation professionnelle en essayant de trouver de meilleurs compromis par rapport aux contraintes familiales. Maintenant, c’est une prise de conscience et une organisation à revoir dans l’hôtellerie pour attirer des talents.
Quelles pourraient être les conséquences si la situation ne changeait pas ?
Nous pouvons déjà constater que certains établissements tournent au ralenti en ayant revu leurs horaires d’ouvertures et dans le pire des cas, des entreprises ont dû fermer, faute de personnels. Nous avons dans notre métier de recruteurs des histoires qui se répètent de plus en plus, malheureusement. Pour y remédier et tenter de faire face à tous ces aléas, il faut un changement radical dans la façon d’améliorer l’image, la rémunération et l’attractivité du métier.
Quelles solutions sont mises en place pour palier à ce manque ?
Les employeurs font appel à de la main d’œuvre étrangère. Par exemple, ils se chargent même de faciliter les démarches d’obtention de visa pour aider les candidats à venir postuler en France. Les professionnels vont devoir prendre des décisions radicales comme augmenter les rémunérations, améliorer les conditions et aménager au mieux les horaires pour redevenir attractifs. Je pense que les professionnels du tourisme sauront s’adapter, ils le font déjà d’ailleurs. Ils ont compris que recruter en local et même dans leur pays devient compliqué. Le marché de l’emploi est ouvert à l’international, même pour des postes saisonniers dans l’hôtellerie.
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