George Stinney est le plus jeune condamné à mort de l’histoire des Etats-Unis. Il est électrocuté en 1944 pour le meurtre de deux fillettes blanches. Mais depuis 2005, des hommes enquêtent pour prouver son innocence. Récit d’un Noir jugé sans preuves.
Nous sommes en 1944, en Caroline du Sud, une petite localité au sud des Etats-Unis, en plein contexte de ségrégation raciale. Deux fillettes blanches âgées de 7 et 11 ans sont tuées, un Noir est arrêté et condamné à la peine de mort. Il s’agit de George Stinney, âgé de 14 ans. Il est envoyé sur la chaise électrique au terme d’une enquête bâclée, d’aveux extorqués et d’un procès lapidaire. Une première dans l’histoire de la justice moderne états-unienne. Cette condamnation, sans preuves, basée sur un seul témoignage intrigue un homme : George Frierson. Appuyé par trois avocats, ce professeur de Alcolu, en Caroline du Sud, est déterminé à éclairer cette affaire qui, à l’époque, avait déchaîné les passions.
Il a récemment déposé une demande au juge de l’Etat afin que le dossier Stinney soit rouvert, affirme la presse américaine. Il prétend disposer de nouveaux éléments permettant d’innocenter George Stinney.
Des témoignages capitaux
L’image d’un enfant de 14 ans sur une chaise électrique révolte le professeur Frierson. D’autant plus que les bourreaux de George Stinney ont éprouvé des difficultés pour l’exécuter. Tout d’abord, la chaise était beaucoup trop grande pour le jeune adolescent. Le masque, trop grand, est tombé pendant l’électrocution, exposant ainsi à l’assistance un visage tordu de douleur. Dans cet Etat des Etats-Unis, la condamnation à mort était possible dès l’âge de 14 ans.
Mais était-il coupable ? Pour ses défenseurs, assurément non. Parmi les documents réunis par George Frierson, figurent les témoignages sous serment des frères et sœurs du jeune condamné. Tous affirment que George Stinney était avec eux le jour du double meurtre, le 23 mars 1944. Ces témoignages n’ont jamais été exploités lors du procès. Et malheureusement, la famille du jeune garçon n’a pas pu être présente au procès. Cette dernière avait dû quitter la région pour des raisons de sécurité. Souvenez-vous, à cette époque, la ségrégation raciale était à son plus haut niveau. La famille de George Stinney aurait pu être lynchée par les habitants de la ville. C’est donc 65 ans après les faits, en 2005, que ces témoignages ont pu être récoltés. Autre témoignage précieux, celui d’un homme vivant dans le Tennessee, sans aucun lien avec la famille Stinney, à qui son grand-père aurait confié avoir passé la journée du 23 mars 1944 avec George Stinney. Mais ce témoin a refusé de collaborer.
Un détail de taille
Les corps des deux fillettes ont été retrouvés le lendemain dans un fossé rempli d’eau, les crânes défoncés par un objet lourd. C’est ce qui a troublé le professeur Frierson. Selon lui, il était impossible pour un garçon pesant à peine 45 kilos de frapper si violemment les deux fillettes et traîner leurs corps jusque dans le fossé.
Mais tous ces nouveaux éléments ne permettront peut-être pas la réouverture tant attendue d’un procès. Le code pénal de la Caroline du Sud est strict : il interdit l’introduction de nouveaux éléments dans une affaire déjà jugée à moins qu’ils n’aient été matériellement impossibles à obtenir avant le procès et à condition qu’ils soient susceptibles de changer le verdict final. D’après l’un des avocats qui accompagnent George Frierson dans sa démarche, les chances d’aboutir sont minces.
Ultime recours, le »Department of Probation, Parole, and Pardon Services ». Cette agence d’Etat peut prononcer le »pardon » dans le cas George Stinney. Une issue purement symbolique qui serait toutefois pour George Frierson, « un premier pas vers la réhabilitation pour un garçon qui n’a rien fait de mal ».