La journaliste française Paulette Péju a écrit en 1961 deux livres choc qui seront immédiatement saisis : « Les Harkis à Paris » et « Ratonnades à Paris ». Les éditions de La Découverte rééditent ces ouvrages-témoignages sur les atrocités commises sur les Algériens de France, au nom de la « sûreté d’Etat ».
Alors même qu’en 1961-62, tout le monde sait que l’Algérie sera bientôt indépendante, c’est à cette époque que la guerre atteint son paroxysme à Paris. Au printemps 1961, les exactions – enlèvements, tortures, assassinats – envers la communauté algérienne de la capitale se multiplient, menées par ceux que l’on nomme les « harkis ». Tandis que les groupes du FLN perpétuent des vagues d’attentats souvent aveugles, le préfet de police de l’époque, Maurice Papon, impose le 5 octobre 1961 un couvre-feu aux travailleurs algériens. En guise de protestation, une manifestation pacifique et désarmée est organisée le 17 octobre. Avec comme résultat l’horrible répression policière que l’on connaît – que l’historien Pierre Vidal-Naquet n’hésite pas à qualifier sciemment de pogrom – et les mensonges honteux du préfet de police.
Voilà de quoi parlent les deux petits livres de Paulette Péju réédités par les éditions de La Découverte. La journaliste – travaillant à l’époque pour Libération – publie « Les Harkis à Paris » en juillet 1961 et « Ratonnades à Paris » en octobre de la même année chez l’éditeur François Maspéro. Ce dernier s’exprime dans la postface et raconte comment les livres ont été saisis avant même leur brochage. Il faut donc profiter de ce qu’ils sont aujourd’hui à notre portée, pour redécouvrir une période bien sombre de l’histoire de France.
Scandale des tortures
Paulette Péju dans Les Harkis à Paris rassemble, après une introduction historico-juridique, un grand nombre de plaintes déposées par les victimes (ou leurs ayants droit) pour tortures ou meurtres accomplis par les harkis. Elle raconte la façon dont la presse, d’abord muette, donne peu à peu un espace d’expression aux victimes, et permet au scandale des tortures d’éclater. La journaliste fustige la mauvaise foi et l’hypocrisie de Maurice Papon et de ses chefs : « La Commission de sauvegarde n’empêche pas la torture, elle la cache, elle l’enveloppe, elle l’orne des fleurs suaves de la civilisation occidentale et chrétienne », écrit-elle.
Quant à Ratonnades à Paris, il est écrit sous le choc de l’événement. Paulette Péju y fait une revue de presse passionnante à travers laquelle on se rend compte de l’ampleur de l’abominable répression de la manifestation pacifique des Algériens, le 17 octobre 1961.
L’éclairage de l’historien Pierre Vidal-Naquet sur les deux textes est d’un apport nécessaire. Face au militantisme à chaud de Paulette Péju, il nous met en garde contre les généralités et apporte des références bibliographiques essentielles. Les photos d’Elie Kagan complètent le dossier : « Elie Kagan, lui était sur les grands boulevards, au coeur du drame, fixant ces corps martyrisés, ces visages ensanglantés dont ses photos demeurent aujourd’hui le plus terrible témoignage visuel » écrit Marcel Péju dans l’introduction.
Pour commander le livre aux Editions de La Découverte.