Figure de proue du R’n B congolais, Patcha Bay fait figure de pionnier du genre en République démocratique du Congo. Déjà célèbre à Kinshasa et dans le reste du pays, il développe une musique de stature internationale qui n’a presque rien n’à envier aux productions françaises. Interview.
De Brazzaville
Du R’n B made in Kinshasa ? Loin d’être une simple curiosité artistique au pays de la rumba et du ndombolo, Patsha Bay est bel et bien un enfant du pays au talent manifeste. A 25 ans, le jeune Kinois a déjà conquis la République démocratique du Congo et entend exporter sa musique bien au-delà des frontières nationales. Rencontré, guitare à la main, à Brazzaville au 5e Festival panafricain de musique, l’artiste ne faisait pas partie de la programmation cette année. Mais notre petit doigt nous dit que ce n’est qu’une question de temps. Patsha Bay est l’auteur de l’album Panik, uniquement disponible actuellement en RDC. Cette autoproduction faite à Kinshasa recèle, moyennant un nouveau mastering et de menus arrangements, un ou deux véritables tubes potentiels.
Afrik.com : Depuis quand date votre rencontre avec la musique ?
Patsha Bay : Je chante depuis l’âge de 13 ans. J’ai commencé dans un groupe où nous étions plus soul. Maintenant que je suis en solo, je fais plus du R’n B, parce que c’est une musique que je kiffe (aime, ndlr). C’est un mélange de rythme et de blues. Je rythme mes sons et je blues ma voix.
Afrik.com : Les Congolais ne semblent pas être des mélomanes très éclectiques. N’est-il pas difficile d’imposer votre R’n B à Kinshasa ?
Patsha Bay : C’est vrai que c’est difficile car c’est une tendance qui n’est pas très établie. Mais il faut bien qu’il y ait des pionniers dans toute chose. Je crois qu’il y a des jeunes dans la société congolaise qui n’écoutent que du hip-hop et le R’n B fait partie intégrante de cette culture. Je pense que d’ici deux, trois ans cela va éclater. Rares sont les personnes qui font actuellement du R’n B, mais la majorité des groupes qui se créent à Kinshasa restent des groupes de rap. J’ai du mal à croire que la musique congolaise puisse vraiment s’exporter, parce qu’elle est trop communautaire. En ce sens le hip-hop est, à proprement parler, une musique plus universelle qui s’exporte partout dans le monde.
Afrik.com : Que répondriez-vous à ceux qui vous diraient que vos orientations artistiques témoignent d’une certaine acculturation ?
Patsha Bay : Je leur répondrais qu’on ne fait que ce qu’on sent. Je ne peux faire de la musique « traditionnelle » ou typiquement congolaise tant que je ne la sens pas dans mon âme.
Afrik.com : Avez-vous fait beaucoup de concerts à Kinshasa ?
Patsha Bay : J’ai un palmarès assez lourd, surtout considérant la musique que je fais. J’ai eu l’occasion de faire deux salles mythiques à Kinshasa : le Sinepolis et le Grand Hôtel de Kinshasa. J’ai aussi fait le Maishasa Park, qui est un grand lieu de concerts en plein air.
Afrik.com : Comment le public kinois a réagi, au tout début, à votre musique ?
Patsha Bay : J’ai fait mon premier concert en solo le 26 décembre 2003. Sur les affiches que j’avais mises en ville, j’avais osé fixer le prix des billets à 5 dollars. Un prix qui ne peut être que celui d’une vedette nationale. C’était une salle de 680 places. J’ai fait exactement 460 personnes. Et tout ça sans producteur et avec mes propres moyens. On pouvait peut-être imputer ce succès à un simple effet de curiosité. Mais j’ai fait un second concert où il y a eu plus de monde. Et un troisième où il y a eu encore plus de monde.
Afrik.com : Avec le style de musique que vous avez adopté, les Kinois ne pensent-ils pas que vous venez de l’étranger ?
Patsha Bay : C’était souvent le cas. C’était l’une des questions récurrentes que les gens me posaient lors de mes premières émissions télé où les téléspectateurs pouvaient s’exprimer. Mais maintenant tout le monde sait que je viens de Kin(shasa). Et c’est la base à partir de laquelle je souhaite partir à la conquête du monde. Je suis fier de dire que je suis Congolais et Kinois.
Afrik.com : Le fait que vous ayez gardé votre vrai nom comme nom de scène n’est-il pas une revendication identitaire ?
Patsha Bay : Tout à fait. Je me disais qu’avoir un surnom ce n’était pas vendre ma personne mais une image. Mon nom, qui vient de la région du Kassaï, c’est moi. Et puis, comme souvent en Afrique, mon patronyme a une vraie signification et reste chargé de symboles. Patcha est le diminutif de mon nom complet, Patshabutuku Ne Tumonakane, qui signifie en tchiluba : « On se verra mieux lorsqu’il fera jour ». Quand ma mère m’a donné ce nom, c’était pour dire : « Les gens ne voient peut-être pas ta valeur parce qu’il fait encore nuit, mais quand ça sera le matin tout le monde s’en rendra compte ». Quant au nom Bay, c’est un héritage familial qui m’a été légué par mon grand-père, dont le père était belge et la mère kassaïenne.
Afrik.com : Beaucoup d’artistes passent par l’étranger pour être reconnus chez eux. Quelle stratégie de carrière avez-vous adoptée ?
Patsha Bay : Je pense que pour être respecté ailleurs, il faut d’abord l’être chez soi. C’est du moins la démarche que j’ai entreprise dans ma carrière. Et ça commence à porter ses fruits parce que les jeunes de 10 à 25 ans m’ont déjà adopté. Ce n’est que maintenant que je cherche vraiment à m’exporter.
Afrik.com : Quels sont les artistes que vous « admirez » ?
Patsha Bay : J’apprécie beaucoup quelqu’un comme Lokua Kanza (il est également congolais). C’est un très grand et il reste une de mes principales références africaines. Chez les francophones, j’aime beaucoup Corneille parce qu’il a de l’âme dans ses chansons. Aux Etats-Unis, je me retrouve dans ce que fait R Kelly. Il fait de l’excellente musique.