Patrick Luzayday : « Avant de donner des leçons à ceux restés en RDC, commençons par nous-mêmes ! »


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Patrick Luzayday et Rex Kazadi, dirigeants du mouvement Ba Patriotes Ya Kongo (BPK), ont été interpellés le 11 octobre suite à l’incendie qui a eu lieu à l’ambassade de la République démocratique du Congo (RDC) à Paris le 7 septembre. Patrick Luzayday a souhaité réagir sur les circonstances de son incarcération et les accusations de trahisons portées à son encontre. Interview.

Patrick Luzayday, président du BPK a été libéré après plusieurs semaines d’incarcération alors que Rex Kazadi, le porte-parole du mouvement ne sera libéré que ce soir à 21h00. Pendant sa détention, la famille de ce dernier a organisé une conférence de presse au restaurant Moussa l’Africain pour mobiliser la diaspora congolaise contre son incarcération. Une rumeur selon laquelle Patrick Luzayday aurait trahi Rex Kazadi auprès de la police en échange de sa liberté a circulé tout au long du rassemblement. Patrick Luzayday réfute toutes ces allégations à son encontre. Il a contacté la rédaction d’Afrik.com, qui a publié un compte rendu de la conférence de presse, pour avoir un droit de réponse. Explications.

Afrik.com : Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre arrestation suite à l’incendie qui s’est déclaré le 7 septembre à l’ambassade de la République Démocratique du Congo, à Paris ?

Patrick Luzayday : J’ai été interpellé suite à l’incendie qui s’est déclaré le 7 septembre à l’ambassade du Congo à Paris. Des personnes ont lancé des projectiles qui ont provoqué l’incendie, en réaction à la mort de trois manifestants qui ont été tués lors d’une manifestation des partisans de l’opposant Etienne Tshisekedi. Une enquête a été ouverte. Les enquêteurs ont commencé à fouiner pour voir ce qu’il se passait au sein de la communauté congolaise. Ils ont trouvé une vidéo qui montrait un bâtiment en flammes que Rex Kazadi avait mis en ligne sur sa page Facebook après l’avoir prise sur Youtube. En voyant cette vidéo, la police a pensé qu’on avait un lien avec l’incendie qui s’est produit à l’ambassade. Ce qui est totalement faux ! Nous n’avons rien à voir dans cet incendie et aucun membre du BPK n’est impliqué dans cette affaire. En réalité, je pense que la police s’est focalisée sur nous pour qu’on dénonce les auteurs de ces actes. Le 11 octobre, mon domicile a été perquisitionné à 6h par la brigade anti-émeute et non anti-terroriste comme certains le disent. Ils ont saisit mes outils informatiques et des documents. On m’a posé des questions sur le mouvement du BPK. Puis on m’a emmené en garde à vue. Puis, j’ai été incarcéré le 13 octobre 2011 au centre de détention de la santé à Paris, le même jour que Rex Kazadi qui a été emprisonné à Frênes.

Afrik.com : Une rumeur selon laquelle vous auriez livré des informations à la police concernant Rex Kazadi en échange de votre propre liberté circule depuis plusieurs semaines. Certains combattants du BPK se demandent pourquoi vous avez été libéré alors que M. Kazadi est toujours en détention. Que leur répondez-vous ?

Patrick Luzayday : J’ai été mis en liberté pour cause de garantie. J’ai une vie de famille. J’ai assuré au juge que j’étais la source de revenu de ma famille, et sans compter que je suis dans la vie active depuis 13 ans. J’ai effectué une demande de mise en liberté au bout de 15 jours de détention. Ce sont mes codétenus d’ailleurs qui m’ont conseillé de le faire car même mon avocat avait refusé au départ, estimant que ce n’était pas une bonne idée. Ma première demande a d’ailleurs été rejetée car les enquêteurs avaient peur que j’interfère dans leur enquête. Puis, le 31 octobre, j’ai fais appel. Ma demande a finalement été acceptée et le 15 novembre j’ai comparu au tribunal. L’avocat général a plaidé en ma faveur. Le juge des libertés a accepté finalement de me libérer.

Afrik.com : Rex Kazadi n’a pas effectué une demande de mise en liberté comme vous ?

Patrick Luzayday : Rex Kazadi a effectué la demande de mise en liberté beaucoup plus tard que moi. Il l’a faite il y a 15 jours, le 25 novembre précisément. Elle a été rejetée. Et il a fait appel. En réalité, le 25 novembre Rex devait sortir. Mais selon les dires de son frère, l’entretien avec le juge des libertés s’est très mal passé et sa demande a été refusée. Je ne peux pas vous en dire plus. Je ne sais pas ce qui s’est passé.

Afrik.com : Que répondez-vous au porte-parole par intérim du BPK, qui lors de la conférence de presse vous a accusé d’avoir trahi Rex Kazadi ?

Patrick Luzayday : J’aimerais savoir quelles informations a-t-il reçu de la police pour m’accuser de trahison ? Il travaille pour qui ? Il dit aussi qu’il a été convoqué par la police. Je me demande si ce n’est pas une taupe qui aurait été envoyée par la police pour nous diviser. Si c’est pour lancer un pavé dans la marre, qu’il montre les preuves de ce qu’il avance. D’autre part, personne ne m’a convié à la conférence de presse. Ce sont les frères de Rex qui l’ont organisé pour le soutenir. Il m’ont prévenu deux jours avant. Ils espéraient sans doute que je vienne mais j’ai trouvé maladroit de leur part d’organiser une conférence de presse de façon aussi précipitée alors que l’affaire est toujours en cours. Je préfère attendre que Rex sorte de prison pour que nous puissions tous les deux nous exprimer et éclaircir les choses. Et je ne pense pas que le gouvernement français soit derrière une affaire si minime, contrairement à ce qu’une partie de la diaspora congolaise pense.

Afrik.com : Pouvez-vous revenir sur les origines du BPK que vous dirigez

Patrick Luzayday : C’est un mouvement que nous avons créé en avril à Villiers-le-Bel. Le BPK est un groupe de pression qui a pour but d’éveiller la conscience des Congolais de la diaspora sur ce qui se passe en RDC. C’est un mouvement très actif. Nous avons saisi le Parlement européen via Eva Joly. Nous avons effectué une marche en partenariat avec l’association Ni pute ni soumises à Bruxelles pour dénoncer les viols que subissent les femmes congolaises dans le pays. De même, nous avons participé à la manifestation du 12 septembre pour contester l’arrivée de Paul Kagamé en France. D’ailleurs, dans cette contestation, il y a beaucoup d’amalgames. Je tiens à dire que le BPK n’est pas contre les Rwandais mais dénonce le régime de Kagamé, qui est un tortionnaire. Le BPK est avant tout un mouvement qui fonde son idéologie sur la justice et la vérité. Et qui dit vérité dit justice. Aujourd’hui le BPK n’est pas le seul mouvement qui dénonce la situation au Congo. Partout dans le monde la diaspora congolaise se mobilise. Elle est active à Londres, Toronto, en Corée, en Chine…

Afrik.com : Joseph Kabila a remporté la présidentielle du 28 novembre malgré une forte mobilisation du BPK contre sa réélection. Désormais comment envisagez-vous l’avenir du collectif ?

Patrick Luzayday : Notre mouvement ne s’arrête pas à l’élection présidentielle. On a créé le BPK car les Congolais ne se mobilisaient pas suffisamment concernant les affaires de leur pays. Il fallait mobiliser tout le monde pour réussir à neutraliser les forces obscures et la dépravation des mœurs. Par exemple, nous dénonçons les concerts organisés par des artistes congolais où des filles sont engagées pour danser et se retrouvent ensuite embarquées dans la prostitution. Certains artistes congolais en effet sont proxénètes et utilisent ces danseuses pour faire du profit. Une danseuse a même porté plainte pour viol contre Koffi. Désormais, il veut devenir sénateur pour échapper à la justice. Notre objectif est de créer une structure solide au sein de la diaspora. Certains membres de la communauté congolaise ont créé des associations mais il y a un manque de sérieux, de rigueur et d’organisation. Nous voulons aussi intervenir au niveau de l’éducation des jeunes de la diaspora congolaise. Les aider à mieux comprendre l’histoire de leur pays d’origine mais aussi de leur pays d’accueil. Je pense qu’il est important de respecter le pays dans lequel on vit si on veut se faire respecter. Avant même de donner des leçons à ceux qui sont restés en RDC, commençons par nous-mêmes !

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