Parrainage au Bénin : vers une élection présidentielle exclusive ?


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Joseph Djogbénou, président de la Cour constitutionnelle du Bénin
Joseph Djogbénou, président de la Cour constitutionnelle du Bénin

Au Bénin, tous les regards étaient tournés vers la Cour constitutionnelle qui devait se prononcer ce jeudi sur la question du parrainage indispensable à tout candidat à l’élection présidentielle, suivant le nouveau code électoral en vigueur. L’institution s’est effectivement prononcée, sans que les lignes ne bougent d’un millimètre. Le Bénin s’achemine-t-il vers une élection présidentielle exclusive, comme les législatives de 2019 ?

Saisie par trois citoyens, deux juristes (Nourou-Dine Saka Salé et Armand Bognon), et un médecin (Nadin Ange Tayéwo Kokodé), qui ont introduit des recours contre l’application du principe de parrainage des candidats à la Présidentielle 2021, la Cour constitutionnelle s’est prononcée ce jeudi 7 janvier 2021. « C’est un acte de volonté du pouvoir constituant. Il ne peut donc faire objet de contrôle par la Cour constitutionnelle. La Cour ne peut contrôler le respect de la procédure de révision de la Constitution », peut-on lire dans la décision de l’institution présidée par le professeur Joseph Djogbénou.

Ainsi, la Cour constitutionnelle se déclare « incompétente » sur la question du parrainage. Quelles seront les implications d’une telle décision du juge constitutionnel en principe dernier recours dans ce genre de situation ?

Le risque d’avoir une élection présidentielle exclusive

C’est le nouveau code électoral adopté en novembre 2019 par la huitième législature qui a introduit le principe du parrainage. En effet, tout candidat à l’élection présidentielle devra désormais obtenir le parrainage d’au moins 10 % des élus au nombre de 160, soit 77 maires et 83 députés. Au total, un candidat est tenu d’avoir au minimum 16 parrains. Le but visé par cette disposition est de lutter contre la pléthore de candidatures à la Présidentielle et de limiter le nombre des candidats à 10 au plus.

Seulement voilà, les 83 députés de la huitième législature, issus des élections exclusives d’avril 2019, sont tous acquis au Président Patrice Talon, puisqu’ils appartiennent tous aux deux grands blocs politiques mis sur pied par ce dernier : le Bloc républicain (BR) et l’Union progressiste (UP). Du côté des 77 maires, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) constituent la seule formation politique de l’opposition à compter 6 maires, les 71 restants étant des représentants des deux blocs de la mouvance présidentielle.

Dans ces conditions, comment les potentiels candidats de l’opposition à la Présidentielle de 2021 pourraient-ils réunir les 16 parrains requis pour valider leur dossier ? C’est la grosse interrogation qui nourrit les débats dans le pays depuis plusieurs semaines, et qui a conduit Nourou-Dine Saka Salé, Armand Bognon et Nadin Ange Tayéwo Kokodé à saisir la Cour constitutionnelle en vue de l’annulation de cette disposition du code électoral. Cependant, la décision rendue par la Cour constitutionnelle ce jour ne satisfait pas la requête de ces citoyens béninois.

A trois mois du scrutin, le parrainage reste donc un os en travers de la gorge des potentiels candidats de l’opposition.
Dans son discours sur l’état de la nation tenu devant les députés, le mardi 29 décembre 2020, le Président béninois, Patrice Talon a déclaré, au sujet de la prochaine élection présidentielle : « Je ne doute pas que nos compatriotes auront le choix entre plusieurs projets de société. Ce sera alors la fête de la démocratie, plus que jamais au service du développement durable de notre cher pays ».

Les Béninois veulent bien voir comment cette promesse publique de leur Président pourra se traduire dans les faits. Les événements sanglants de mai 2019 sont encore tout frais dans les esprits.


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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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