Papa Wemba a décidé de rentrer au pays des ancêtres après une année passée en Europe marquée par de nombreux déboires judiciaires. Le Roi de la rumba congolaise souhaite se ressourcer en retrouvant ses racines. Il revient pour Afrik sur cette décision. Il nous livre également ses sentiments sur la musique africaine et nous entretient sur son prochain album world.
Propos recueillis par Firmin Luemba Mutoto
La star de la musique congolaise, Papa Wemba, a décidé de quitter la France pour rentrer à Kinshasa. Il souhaite renouer avec l’ambiance du pays à la veille de ses 55 ans après une année difficile passée en Europe. Il caresse l’ambition de devenir un important acteur culturel en RDC, seul gage, pour lui, d’une indépendance artistique du continent. Côté discographie, « Vieux Bokul » (diminutif de bokulaka, signifiant chef ou pouvoir en lingala) prépare un album world pour l’année prochaine dont il livre à Afrik quelques éléments.
Afrik : Pourquoi avez-vous décidé de rentrer maintenant au pays ?
Papa Wemba : Je compte rentrer à Kinshasa d’ici un mois, un mois et demi. C’est le retour de l’enfant dans son pays. C’est un besoin que je ressens ardemment. Toutefois, ce n’est pas un retour définitif. Comme je possède mon titre de séjour en France, je peux revenir quand je veux.
Afrik : Pouvez-vous revenir sur vos différents démêlés judiciaires ?
Papa Wemba : Le mandat d’arrêt international, lancé par la Belgique, a été levé fin février et l’interdiction de quitter le territoire français le 23 mars. Toutefois, il reste encore certaines mesures judiciaires qui demeurent encore effectives. Je ne souhaite pas m’étendre, mais retenez que je suis aujourd’hui libre de tous mouvements. Je peux me rendre partout où je veux dans le monde.
Afrik : Comment vous sentez-vous après toutes ces épreuves ?
Papa Wemba : La liberté n’a pas de prix.
Afrik : Vous serez bientôt de retour à Kinshasa. Quel message apportez-vous à votre public local ?
Papa Wemba : Evidemment comme à l’accoutumée j’apporte ma voix, mon répertoire et ma musique. Comme message, j’apporte celui concernant la vie éternelle. Si nous passons par le nom de Jésus vers Dieu, tout nous sera donné. La prière peut nous libérer de beaucoup de choses.
Afrik : Vous allez fêter vos 55 ans, le 14 juin prochain, à Kinshasa. Avez-vous prévu quelque chose de spécial ?
Papa Wemba : Je pense que je vais donner un grand concert pour l’occasion. Certainement au Stade des Martyrs.
Afrik : A 55 ans d’âge et 35 ans de carrière musicale, que vous reste-t-il a accomplir en temps qu’artiste ?
Papa Wemba : Je compte rester dans la chanson et en même temps devenir opérateur économique, toujours dans le domaine musical. Car je ne me vois pas évoluer dans un autre cadre. J’ai envie de développer l’industrie musicale du Congo, avec des moyens conséquents.
Afrik : Neuf ans après, l’album Emotion n’a pas encore de successeur sur le plan international. Pourquoi ?
Papa Wemba : Je ne veux pas encore parler du prochain album world car je ne veux pas mettre la charrue avant les boeufs. Toutefois, retenez que cet album s’intitulera Bravo l’artiste et qu’il est prévu pour l’année prochaine. Si j’ai attendu si longtemps, c’est parce que je voulais avant tout reculer pour mieux sauter. C’est à dire que je me sentais oublié par mon public kinois qui a fait de moi, Papa Wemba, ce que je suis. A présent je suis tranquille parce que j’ai réussi à remettre mon nom sur la scène locale où il n’y avait plus que les Wenge et Koffi.
Afrik : Tout ce temps ne s’explique-t-il pas par tes difficultés présumées avec ta maison de disque Real World (dirigée par Peter Gabriel) ?
Papa Wemba : Non. Avec Real World, je n’avais pas signé de contrat, c’était juste une collaboration entre Peter Gabriel et moi, d’artiste à artiste.
Afrik : Bravo l’artiste sera-t-il une nouvelle fois produit par Real World ?
Papa Wemba : Je ne suis pas obligé d’enregistrer avec eux. Je crois que ça sera une autre grosse boîte, dont je préfère taire le nom car rien n’est encore signé.
Afrik : Pourquoi Bravo l’artiste ?
Papa Wemba : Après tous mes démêlés judiciaires, je me suis relevé pour revenir au premier plan. C’est pourquoi je dis bravo l’artiste. Et avec cet album, je compte prendre ma revanche. Je vais offrir aux mélomanes un répertoire qui va demeurer longtemps dans leur mémoire.
Afrik : Y aura-t-il du Libanga dans Bravo l’artiste ?
Papa Wemba : Jamais.
Afrik : Pourtant il y des pressions au niveau de la communauté, qui boude de plus en plus les albums sans dédicaces ?
Papa Wemba : Qu’elle boude. Elle sera obligée d’écouter l’album, comme à l’époque où elle avait écouté Emotion.
Afrik : Quel est votre regard sur la musique congolaise d’aujourd’hui ?
Papa Wemba : Actuellement nous sommes au plus bas. Car nous sommes combattus. J’ai toujours eu à faire appel à des opérateurs économiques congolais pour faire de cette musique une vraie industrie musicale. Car tant que notre musique restera entre les mains des étrangers, il nous sera toujours difficile d’évoluer. Les quelques producteurs congolais basés, ici à Paris, n’ont malheureusement pas les moyens.
Afrik : Par qui pensez-vous être combattu ?
Papa Wemba : Par la maison de disques bien sûr, Next Music. Pour des artistes, tels que Koffi et moi, Next music dépensait, il y a quelques années, 500 000 FF (75 000 euros) pour les frais de production d’albums. Cette somme est aujourd’hui réduite de 40%. C’est pourquoi je les soupçonne de vouloir nous combattre. Et puis il y a une mauvaise gérance là-bas.
Afrik : Quel est votre regard sur la musique africaine d’aujourd’hui ?
Papa Wemba : Là aussi, il faudrait que les Africains fournissent beaucoup d’efforts afin de devenir eux-même opérateurs culturels. Qu’ils soient nombreux à devenir producteurs, réalisateurs et autre… Encore une fois parce que tant que notre musique restera gérée par les étrangers, elle servira plus les intérêts commerciaux de ceux-ci que notre propre évolution artistique. C’est pourquoi j’invite les Africains à prendre exemple sur les Noirs américains qui avaient fondé leur propre maison de disques : la Tamla Motown (qui a propulsé des artistes tels que, Stevie Wonder, Diana Ross, Michael Jackson ou Marvin Gaye, ndlr)
Afrik : Que pensez-vous du mouvement rap en Afrique ?
Papa Wemba : Au départ, on pensait que c’était de jeunes voyous, des gens qui n’étaient pas forcément artistes et chanteurs, parce que souvent ils criaient et non chantaient, mais aujourd’hui, on se rend compte qu’ils vendent beaucoup de disques. Il nous revient alors de ne pas sous-estimer le mouvement, mais plutôt de l’adopter.
Afrik : Vous avez toujours gardé votre voix. Elle s’affine même avec l’âge. Quel est votre secret ?
Papa Wemba : J’évite tous les excès. Pas d’alcool, pas de cigarettes et je dors beaucoup. Je crois que ma voix s’améliore par le fait que je chante depuis longtemps, la répétition n’est-elle pas mère de la science? Toutefois, je dis toujours que je ne suis pas un super chanteur.
Afrik : Ah bon ?
Papa Wemba : Puisque c’est moi qui vous le dit.
Afrik : Etes-vous toujours la star africaine numéro un au Japon ?
Papa Wemba : Je ne sais pas, ça fait près de dix ans que je suis plus allé là-bas.
Lire aussi :