Quelles seront les suites données au Pacte mondial pour l’emploi proposé, cette semaine à Genève, par le Bureau international du travail pour affronter la crise en Afrique ? Charles Dan, le directeur du Bureau régional pour l’Afrique annonce la tenue d’un symposium au Burkina Faso.
De Genève
Charles Dan dirige le Bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation internationale du travail, dont le siège est en Ethiopie, depuis 2008.
Que représente la tenue du Sommet sur la crise mondiale de l’emploi pour le continent africain qui vient de s’achever à Genève ?
Charles Dan : En septembre 2004, à Ouagadougou, le sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine mettait, pour la première fois, la protection sociale et le travail décent à l’agenda du développement du continent. Nous considérons que ce sommet s’inscrit dans la continuité de cette décision historique. La preuve en est la participation de présidents, de vice-présidents et de premiers ministres africains à cette conférence. Nous allons, dans quelques mois, organiser un symposium au Burkina Faso, en partenariat avec l’Union africaine, où nous réfléchirons aux voies et moyens de rendre opérationnel le Pacte mondial pour l’emploi en Afrique. Nous avons fait un grand pas avec l’adoption de cette feuille de route. Nous n’aurions jamais pu obtenir un accord international à une aussi grande échelle si la crise n’était pas passée par là. Elle a rappelé que l’emploi est le garant de la paix sociale, aussi bien au niveau national qu’international.
Comment la crise se communique-t-elle à l’Afrique, notamment au marché du travail ?
Charles Dan : L’ Afrique est touchée par la crise internationale à travers cinq canaux : les matières premières, l’investissement direct étranger, le tourisme, les transferts d’argent des migrants et l’aide publique au développement. Si notre continent est déconnecté d’un système financier international, qui nous a montré son caractère artificiel, l’économie réelle, elle, est totalement connectée à l’économie réelle mondiale.
Juan Somavia, le directeur général du Bureau international du travail, considère que ce pacte est un argument à faire valoir auprès des bailleurs de fonds, surtout pour les pays en voie de développement dont les ressources seront limitées pour appliquer ce Pacte ?
Charles Dan : Le Pacte mondial pour l’emploi permettra à nos mandants tripartites (représentant les gouvernements, les employeurs et les travailleurs) de mobiliser les capacités nationales et d’attirer l’attention des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux sur l’engagement pris par leurs partenaires sociaux au niveau international. Nous avons déjà des demandes concrètes. Par exemple, le Burundi souhaite la tenue d’un rencontre nationale sur le Pacte mondial pour l’emploi.
La pierre angulaire du Pacte est la protection sociale et on a toujours l’impression qu’elle ne peut exister que dans le secteur formel. Comment promeut-on la protection sociale et le travail décent dans le secteur informel qui est majoritaire dans nos pays ?
Charles Dan : Nous ne devrions pas opposer secteur formel et secteur informel parce que l’économie sociale s’avère être le pont qui les relie. Les secteurs formel et informel sont par ailleurs interdépendants. Le BIT dispose d’un certain nombre de programmes, à l’instar du programme STEP (Stratégies et techniques contre l’exclusion sociale et la pauvreté), qui permettent la mise en place d’une protection sociale de base. Des pays, comme le Bénin, ont fait des progrès importants en instaurant des mutuelles de santé dans le secteur informel. Il est évident que ce n’est pas suffisant, mais nous pensons que le Pacte mondial pour l’emploi peut nous y aider. Il faudrait davantage mobiliser les bailleurs de fonds afin de mener nos activités à plus grande échelle et en assurer plus largement la promotion. Car, trop souvent, nous conduisons des programmes en Afrique mais sur base de projets pilote.
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