Le procès de l’ancien mercenaire français Bob Denard s’est ouvert ce lundi au tribunal correctionnel de Paris. L’ex-militaire y a comparu avec 16 autres accusés pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime », dans le cadre d’une tentative de coup d’Etat aux Comores de 1995.
Malgré son état de santé, l’ancien mercenaire de 76 ans de Bob Denard a comparu, ce lundi, avec 16 autres hommes devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris, pour une tentative de coup d’Etat aux Comores remontant à 1995. Le « mercenaire de la République » a, cette année-là, dans la nuit du 26 au 27 septembre, emmené trois commandos pour destituer le Président Saïd Djohar. L’Opération Eskazi, du nom d’un vent chaud de la région, avait pour objectif de remplacer le chef de l’Etat déchu par deux membres de l’opposition : Mohamed Taki et Saïd-Ali Kemal.
L’opération a réussi, mais les militaires français, au nom des accords de défense entre l’Hexagone et les Comores, sont intervenus le 4 février. Après le coup de 1995, les mercenaires se sont rendus et ont été rapatriés. Un scénario qui rappelle la conclusion d’une tentative de prise de pouvoir aux Comores, en 1989. Après la mort du Président Ahmed Abdallah, qu’il avait mis au pouvoir avec d’autres mercenaires, Bob Denard tenta de contrôler le pays mais en sera empêché par l’armée française à Moroni. Il fuira en Afrique du Sud, avant de se rendre en 1993.
L’avocat Saïd Larifou veut une contre-expertise
Après une dizaine d’années d’instruction, l’affaire des Comores revient sur le devant de la scène. Le principal accusé Bob Denard ne devait, en principe, pas être présent au tribunal. Une expertise médicale menée courant janvier avait conclu que l’état de santé de l’accusé, de son vrai nom Gilbert Bourgeaud, ne lui permettait pas d’assister aux audiences. L’homme souffrirait en effet d’« une maladie d’Alzheimer, diagnostiquée début 2003 et traitée comme telle depuis mars 2003 », de « troubles neurologiques (désorientation, ralentissement idéo-moteur) » et d’hypertension artérielle.
Saïd Larifou, avocat de l’ancien Président Djohar, avait dénoncé une « manipulation qui tiendrait à dispenser de peine » Bob Denard. Me Larifou entendait demander une contre-expertise et envisage, en cas de refus, de « saisir le conseil de sécurité de l’Onu (au nom de l’Etat comorien) pour que la justice française soit dessaisie. (…) Nous savons tous que ce n’est pas seulement une affaire judiciaire et qu’il y a des barbouzes autour de ce procès », a-t-il commenté. Mais contre toute attente Denard était bel et bien sur le banc des accusés.
Les services secrets français auraient cautionné
Les motivations de Bob Denard pour ce coup d’Etat ne sont pas claires. Alors que des commissions rogatoires aux Comores ont permis de déterminer que Saïd-Ali Kemal a été l’un des commanditaires du putsch, Bob Denard a expliqué avoir agi par « engagement moral » envers les Comoriens , selon lui victimes d’élections truquées et de détournements de fonds de la famille Djohar. Autres hypothèses, l’ancien quartier-maître de la Marine nationale souhaitait libérer des prisonniers politiques et récupérer des biens immobiliers. On évoque également une opération de 1,5 million d’euros, menée « avec l’intention de créer aux Comores une zone franche et un système bancaire ‘off-shore’ » afin de blanchir de l’argent.
Bob Denard, qui fut colonel dans l’armée congolaise, explique avoir mené plusieurs coups d’Etat sous la bénédiction des services secrets français. L’accusé a, en effet, été impliqué dans plusieurs putschs, notamment sur le sol africain. Il a d’ailleurs été condamné à 5 ans de prison avec sursis, en 1993, pour une tentative de coup d’Etat au Bénin en 1977. L’enquête sur l’affaire des Comores indique qu’il est « peu vraisemblable » que les « différents services français aient totalement ignoré le projet Robert Denard ». Quoi qu’il en soit, des preuves montrent que Bob Denard, qui s’est converti à l’islam et a dirigé un temps la garde présidentielle comorienne, a acheté le matériel nécessaire à mener le coup d’Etat. S’il est reconnu coupable, il risque 10 ans de prison. Mais la justice a d’ores et déjà expliqué qu’elle tiendrait compte de l’état physique de l’accusé.