L’Afrique regarde New York. Dans 11’09 »01, oeuvre collective qui réunit les films de 11 réalisateurs d’origines différentes sur les attentats du 11 septembre, Youssef Chahine et Idrissa Ouédraogo s’illustrent par des choix radicaux. Humour et poésie autour d’une tragédie.
» Reviens Oussama, l’Afrique a besoin de toi ! » Il fallait oser : c’est par cette phrase que s’achève le court-métrage d’Idrissa Ouedraogo sur le thème du 11 septembre 2001. Dans 11’09 »01, oeuvre collective de 11 réalisateurs issus de 11 pays différents, le Burkinabé s’illustre avec humour et finesse. Conte innocent de 5 enfants aux airs de pieds-nickelés qui, croyant découvrir Ben Laden à Ouagadougou, décident de le capturer pour récupérer la prime promise par les Américains. » 25 millions de dollars, ça fait combien en francs cfa ? » Les jeunes héros font une brève tentative de conversion en posant leur opération dans le sable à même le sol. Conclusion : » C’est incomptable ! »
Pour décor, le fourmillement du marché de la capitale burnkinabé et la pauvreté du continent… Les enfants partent à la poursuite du terroriste le plus recherché de la planète pour acheter des médicaments à leur mère mourante. Mais rien d’amer, rien de triste. Gags, satire et ironie ensoleillée, sur le thème du 11 septembre. Le pari était audacieux. Idrissa Ouédraogo est d’ailleurs le seul des 11 réalisateurs à avoir pris le parti d’en rire.
Les revenants de la raison d’Etat
La participation de l’Egyptien Youssef Chahine à cette oeuvre collective, si elle ne manque pas de poésie et d’imprévu, se veut plus méditative, plus didactique. Premier degré. Le cinéaste se met lui-même en scène et s’interroge, via sa rencontre avec le fantôme d’un marines mort au Liban, sur la nuance entre guerre et terrorisme. La raison d’Etat a-t-elle toujours raison ? Un peu perdu, très révolté, Youssef Chahine rend hommage à tous les morts. Américains ou Palestiniens, civils et militaires. Choix politique et esthétique : tous ses personnages, jusqu’aux policiers new-yorkais, parlent arabe. Une façon de dire que nous parlons tous la même langue ?
11’09 »01 est, à tous égards, un film poignant. Succession de regards jetés sur un massacre, sur un geste politique, un basculement de l’histoire… Chacun, à sa façon, rappelle ce qui se passe dans la partie du monde qui lui est familière lorsque se répercutent les échos d’un monument qui s’effondre à l’autre bout de la planète. Ouagadougou regarde New York… Mais faut-il attendre que Ben Laden revienne, comme le demande le petit Burkinabé de Ouédragogo, pour que New York regarde Ouaga ?
Photos
Idrissa Ouedraogo,
Image du court métrage,
Youssef Chahine.