Ousmane Touré : le retour du frère éléphant


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Ousmane Touré est l’un des frères qui composaient le mythique groupe sénégalais Touré Kunda. Avec Avenue du Monde, il revient en force sur le devant de la scène musicale internationale. Au rythme des musiques les plus variées, il nous fait partager musicalement le citoyen du monde qu’il est devenu.

Ousmane Touré est un homme candide. L’artiste sénégalais a la candeur de ceux qui sont passionnés par ce qui fait leur raison d’être. Dans son cas, c’est la musique, toute la musique et rien que la musique. Et sa seule voix suffit à vous en convaincre. Un timbre unique qui se décline sur toutes les mélodies pour votre plus grand plaisir. Mais sa passion ne l’empêche pas de se consacrer aux siens. Il a passé, en effet, ces dix dernières années auprès de sa famille pour se remettre de l’intensité du succès du groupe Touré Kunda. Ousmane Touré a pris du recul pour mieux sauter. L’enfant qu’il est, de par sa spontanéité et, peut-être aussi, de par sa coquetterie – Monsieur n’avouera pas son âge, gambade ainsi avec délectation sur l’ Avenue du monde, titre de son nouvel album solo, actuellement dans les bacs.

Afrik.com : Votre carrière musicale démarre véritablement en 1983. La musique a-t-elle fait brusquement irruption dans votre vie ou c’est quelque chose qui en a toujours fait partie ?

Ousmane Touré :
J’ai toujours chanté. Mes frères et moi, nous chantions tout le temps. Et quel bonheur ! Entre 1972 et 1976, j’étais au Conservatoire de Dakar et j’ai ainsi participé au Festival mondial des Arts Nègres à Lagos (Nigeria, ndlr). A mon retour, je suis allé en Mauritanie où j’ai rejoint Amadou, notre frère aîné. J’y ai été professeur d’éducation physique tout en menant de front une carrière musicale. J’ai en effet fait partie de l’Orchestre national de Nouakchott. Et puis en 1980, Amadou est venu en France pour y rester avec les frères (Ismaël et Sixu, le cœur du groupe Touré Kunda, ndlr). Comme vous le savez, Amadou succombera à une à une crise cardiaque sur la scène de la Chapelle des Lombards (salle parisienne, ndlr). Une belle mort pour un artiste ! C’est à la suite de cet événement douloureux que j’ai rejoint le groupe. J’en avais toujours eu envie et j’en avais fait part à mes frères. Et ces derniers le souhaitaient aussi. Ce fut le début d’une grande aventure. Grâce à eux, j’ai eu l’opportunité d’évoluer sur la scène musicale internationale. Je les remercie beaucoup pour cela.

Afrik.com : Vous avez mis près de dix ans avant de revenir sur le devant de la scène musicale. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Ousmane Touré :
Touré Kunda était devenue une machine lourde, trop difficile à gérer pour moi. Quand ça marche trop, c’est beaucoup de pression. A la fin du contrat qui me liait au groupe, j’ai eu envie de partir. J’avais envie de prendre du temps pour moi et ma famille. Quand j’ai commencé, mes enfants étaient tout petits, je n’étais quasiment par là. Les enfants ont besoin d’une présence et je voulais être auprès d’eux. Mais, c’est aussi grâce à eux que je suis revenu à la scène. Ils me l’ont demandé. Ils savaient que leur père était chanteur mais ils n’avaient jamais eu l’occasion de me voir dans mes œuvres. C’est ainsi qu’est né en 2000 à Dakar, « Lolo », un album de 8 tires qui s’est bien vendu. Ensuite, je suis revenu ici (à Paris, ndlr) et j’ai monté un petit groupe de 4 personnes. Nous jouions dans des petites salles jusqu’à ce que je rencontre les gens de Together Production qui m’ont proposé, en 2002, de collaborer avec eux. Ensemble, nous avons produit « Avenue du monde ». En fait, cette interruption m’a permis de trouver un certain équilibre. Il m’a fallu près de 10 ans pour digérer tout cela. J’ai reculé pour mieux sauter.

Afrik.com : Racontez-nous justement cette aventure musicale…

Ousmane Touré :
Quand j’ai rencontré Together Production, on a mis autour de moi les meilleurs musiciens français et chaque musicien m’a créé une chanson. Julien Tékéyan, l’auteur d’ Avenue du Monde m’a par exemple beaucoup observé sur scène pour concevoir cette chanson. Elle correspond tellement à ce que je suis que l’idée d’en faire le titre de l’album s’est imposé comme une évidence. Cet album est le fruit d’une véritable collaboration entre moi et mes musiciens. On a l’impression que la musique va vers l’Occident et que les paroles ramènent vers l’Afrique. C’est une véritable fusion.

Afrik.com : Quels sont les artistes qui vous inspirent ? Manu Dibango est, semble-t-il, incontestablement l’un d’eux …

Ousmane Touré :
Manu Dibango est une référence de la musique en général, pas seulement de la musique africaine. C’est un Africain qui joue toutes les musiques. Il me touche jusqu’aux tréfonds de mon âme. Tout petit, je rêvais de lui. Et lui m’a dit que je l’avais émerveillé dans Touré Kunda. C’était vraiment inattendu pour moi. Manu Dibango m’a fait l’honneur de me permettre de l’accompagner dans sa tournée américaine, une très belle tournée. Il m’a également initié à la musique.

Afrik.com : Dans vos chansons, il est beaucoup question d’amour mais aussi de spiritualité de la nature… Pourquoi ces thèmes vous sont si chers ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Ousmane Touré :
C’est parce que les gens oublient les ressources qui sont à l’intérieur d’eux. J’essaie de le leur rappeler à travers mes chansons, parce que j’ai l’impression que l’homme n’a pas exploité le millième des ressources dont il dispose. Nous possédons à l’intérieur de nous une richesse insoupçonnée et inépuisable qui est un don de la nature. Les éléments de la vie, l’eau, le feu…sont ainsi des sources d’inspiration pour moi. J’ai l’impression que toutes les forces de la nature nous surveillent, qu’elles nous rappellent à l’ordre parce qu’elles sont à la fois nuisibles et indispensables. L’eau est une source de vie, mais c’est aussi une puissance destructrice comme l’a prouvé le tsunami qui a ravagé récemment l’Asie. Cette ambivalence de la nature m’interpelle.

Afrik.com : Quels sont les enseignements que vous avez tirés de votre expérience au sein du groupe Touré Kunda qui vous servent dans cette carrière solo ?

Ousmane Touré :
Le respect l’autre. Chaque individu est une richesse dont nous pouvons profiter par le biais des échanges. Avenue du Monde est bien le fruit d’un mariage entre moi et mes musiciens.

Afrik.com : Que représente cet album pour vous ? Est-ce que vous le considérez comme un aboutissement ?

Ousmane Touré :
Avenue du Monde est le résultat de tout ce que j’ai vécu jusqu’ici. Grâce à mes frères, j’ai fait au moins deux fois le tour du monde. J’ai rencontré des gens d’origines et de cultures diverses. Avec cet album, j’ai eu l’opportunité de transformer tout cela en musique.

Afrik.com : En dépit de votre carrière solo qui débute, on vous parle toujours de Touré Kunda. C’est quelque chose qui vous agace ou qui vous semble normal ?

Ousmane Touré :
C’est quelque chose que je trouve tout à fait normal ! Je ne peux pas me démarquer de Touré Kunda. Touré Kunda, c’est plus qu’un groupe, c’est une famille. C’est une des étapes majeures de ma vie artistique, qui j’espère, va durer longtemps.

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