Pour la première fois depuis qu’elle a pris les armes, il y a près de vingt ans, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) a envoyé une délégation de paix à Kampala. Malgré tout, les rebelles et le gouvernement ougandais restent diamétralement opposés sur la question cruciale des inculpations prononcées par la Cour pénale internationale à l’encontre des principaux leaders de la LRA.
Au cours d’une conférence de presse commune, tenue avec plusieurs responsables du gouvernement peu après l’arrivée des délégués de la LRA dans la capitale ougandaise, le 1er novembre, Martin Ojul, principal négociateur rebelle, et Ayena Odongo, conseiller juridique, ont appelé le Conseil de sécurité des Nations Unies à ordonner, pour une durée de 12 mois renouvelable, la suspension des inculpations qui pèsent entre autres sur Joseph Kony, leader de la LRA.
« Nous ne craignons pas la CPI. La CPI est un obstacle au processus de paix. Nous espérons que la CPI et son procureur se maîtriseront pour nous permettre de concevoir des mécanismes de justice alternatifs. La CPI s’éteindra tout naturellement. Le gouvernement, qui l’a saisie, peut demander une révision [des inculpations], et celle-ci peut être réalisée », a déclaré M. Odongo. « Nous espérons que le procureur de la CPI se retiendra de prendre des mesures perçues comme politiques ».
« L’Ouganda soutient les mandats d’arrêt émis par la CPI. Les inculpations sont maintenues. Il faut lutter contre l’impunité », a insisté Ruhakana Rugunda, principal négociateur du gouvernement dans le cadre des pourparlers, tenus à Juba, capitale du Sud-Soudan.
M. Rugunda a ajouté que Kampala ne chercherait à revoir ces inculpations qu’après avoir signé un accord final portant sur la responsabilité [des parties], qui soit acceptable pour les victimes du conflit, le pays entier et la communauté internationale.
Selon les analystes, la résolution du conflit qui sévit dans le nord de l’Ouganda dépend de la manière dont M. Kony sera traité. « L’issue d’une guerre qui a déplacé près de deux millions de personnes et engendré le taux d’enlèvement d’enfants le plus élevé du monde repose sur le sort d’un seul homme : Joseph Kony », peut-on lire dans un rapport publié à la fin du mois d’octobre par le projet Enough [projet Ca suffit, pour l’abolition du génocide et des atrocités de masse].
De nombreuses questions à régler
« Les négociations en cours à Juba portent sur une multitude de questions, mais tant qu’on ne se sera pas mis d’accord sur la manière de traiter Kony et ses bras droits, il n’y aura pas d’accord de paix », indique également le rapport.
M. Ojul a lâché une colombe, symbole de la paix, au cours de la conférence de presse et a déclaré : « Je suis venu ici dans l’intention exclusive de rétablir la paix. Cela nous a pris 20 ans d’être là, et le fait que nous nous entretenions à présent avec la délégation du gouvernement est une leçon d’humilité qui démontre notre engagement dans le cadre du processus de paix. Nous espérons que nous parviendrons bientôt à conclure un accord final ».
M. Rugunda a convenu que l’occasion était propice. « C’est un moment important car la LRA est revenue chez elle. Nous les attendions depuis un certain temps. […] Cela traduit les progrès réalisés jusqu’ici, au cours des pourparlers de paix. Grâce à cela, les populations du nord de l’Ouganda vont pouvoir rentrer chez elles et recommencer une vie normale », a-t-il déclaré à la presse.
La délégation des rebelles, accompagnée de médiateurs et de responsables de l’Union africaine, devait se rendre dans le nord de l’Ouganda pour entamer des consultations publiques d’une durée de 26 jours. Ces consultations devaient être précédées de pourparlers avec le président ougandais Yoweri Museveni.
Les points de vue exposés devaient être communiqués à l’occasion d’une convention de la LRA dans le sud du Soudan, premier rassemblement de ce type de l’histoire de la rébellion. Les consultations devaient viser à trouver des solutions globales au conflit et avoir trait aux questions liées à la responsabilité et à la réconciliation.
Photo: Joseph Kony, leader des rebelles de la LRA, fait partie des personnes inculpées par la Cour pénale internationale / The Daily Monitor