L’inculpation des principaux responsables de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) par la Cour pénale internationale (CPI) « est l’obstacle majeur à la conclusion d’un accord de paix avec le gouvernement du président Yoweri Museveni », estime le mouvement rebelle ougandais dans un rapport remis jeudi au chef de l’Etat ougandais par son équipe aux négociations de paix de Juba, dans le Sud-Soudan.
Depuis le milieu de l’année, la LRA et Kampala ont engagé, dans la capitale du Sud-Soudan, des négociations de paix destinées à mettre fin à 20 années de guerre civile qui ont causé le déplacement de 2 millions de personnes dans le Nord de l’Ouganda. Dirigée par le prophète autoproclamé, Joseph Kony, la LRA a estimé, jeudi, que les mandats de la CPI étaient biaisés et partiels, faisant valoir que le tribunal s’est contenté d’écouter une seule partie, à savoir le gouvernement ougandais et ne s’est jamais soucié d’entendre sa version de l’histoire.
En même temps que quatre de ses commandants, Kony, 40 ans, est accusé par le tribunal des Nations unies de multiples crimes contre l’humanité, dont le massacre de civils et l’amputation de lèvres, d’oreilles et du postérieur de beaucoup d’autres victimes, ainsi que d’enlèvement d’enfants pour incorporer de force les garçons dans son « armée » et utiliser les filles comme esclaves sexuelles.
« La CPI s’est montrée partiale et ne nous a pas donné la possibilité de nous (LRA) entendre parce que nous ne sommes pas au pouvoir », a dénoncé Kony, avertissant qu' »un traitement ou une application inégale de la justice se traduiraient par une poursuite de la guerre ». »A moins que je parle à la CPI et qu’elle m’entende, je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour assurer ma sécurité », déclare, dans le rapport, le chef de la LRA, qui invite le procureur de la CPI à venir dans sa base sise dans une réserve de chasse à la frontière entre le Congo et le Soudan, pour écouter sa version des faits.
Le processus de paix considéré comme un piège par le LRA
Kony cite le cas de l’ex-chef rebelle congolais, Thomas Lubanga, arrêté par la CPI après un règlement négocié avec le gouvernement de transition en place à l’époque à Kinshasa et actuellement jugé à La Haye. D’après l’équipe de négociation du gouvernement ougandais, Kony considère le processus de paix avec Kampala comme un piège pour faciliter son arrestation.
Les avocats de l’équipe gouvernementale ont toutefois assuré au commandement de la LRA que la question de la CPI était en train d’être réglée à travers le processus de paix en cours facilité par le gouvernement sud-soudanais. « Les commandants de la LRA sont inculpés, à titre individuel, pour leur responsabilité en tant que dirigeants », a expliqué l’avocat Alfonse Owiny-Dollo. « La tension qui s’accroît suite aux inculpations de la CPI ne peut être aplanie qu’en abordant la question de l’impunité.
Le processus de paix de Juba est important et ceci est une opportunité pour le réaliser », a estimé Me Owiny-Dollo. Pour lui, soit les personnes inculpées rendent des comptes individuellement à La Haye, soit le gouvernement ougandais élabore un mécanisme local, telles que les méthodes de réconciliation traditionnelles pour régler cette question. Le procureur de la CPI, Louise Ocampo, a déclaré dans un entretien, trois mois après le début des négociations de paix de Juba le 14 juillet dernier, que l’Ouganda doit s’assurer que les auteurs de crimes seront traduits en justice. « Il n’y a pas de place pour l’impunité dans le monde aujourd’hui. Justice doit être faite et peut être faite en Ouganda et pas nécessairement à La Haye », avait ajouté Mme Ocampo.
L’équipe de la LRA se serait dit prête à faire face à la justice à domicile et non à La Haye. Museveni a soutenu que son gouvernement accorderait l’amnistie aux leaders de la LRA s’ils abandonnaient le combat et s’engagaient dans le processus de paix, et qu’il utiliserait le système de réconciliation traditionnelle de Mato du peuple Acholi (les ancêtres de Kony). Les négociations ont connu de nombreux revers du fait de la méfiance entre les deux parties qui ont continué à s’accuser mutuellement de violations de l’accord de cessation des hostilités signé en août dernier.