La Banque Mondiale a suspendu, ce jeudi, un prêt de 90 millions de dollars (66 millions d’euros) à l’Ouganda, par mesure de rétorsion. Lundi dernier, le président de la République de l’Ouganda a promulgué une loi qui réprime encore plus durement les personnes accusées d’homosexualité. Des mesures « contre-productives » selon le vice-président de la Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH).
Un prêt de 90 millions de dollars que la Banque Mondiale devait débloquer pour l’Ouganda a été suspendu sine die suite à la promulgation d’une loi qui durcit la répression contre les homosexuels par le président de la République Yoweri Museveni. L’annonce a été faite ce jeudi par un porte-parole de l’Institution. Des mesures que le vice-président de la FIDH qualifie de « contre-productives ».
« Nous avons reporté le projet pour mener de nouvelles consultations et s’assurer que ses objectifs de développement ne seront pas négativement affectés par l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi », explique le porte-parole de la FIDH. Le prêt concernait l’amélioration du système de santé en Ouganda. La Banque Mondiale finance plusieurs programmes de développement dans le pays.
« Aider les organisations de défense des droits des homosexuels »
Avant l’annonce faite par cette Institution, plusieurs pays européens ont déjà annoncé avoir gelé une partie de l’aide bilatérale qu’ils fournissaient à l’Ouganda. « Toute pression extérieure peut avoir des effets pervers » explique pourtant le vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et président d’honneur du Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH), Drissa Traoré.
Pour lui, le travail doit se faire avant tout avec les « acteurs de la société civile pour que la population accepte les pratiques homosexuelles » indique-t-il dans une interview au Monde. « Aider les organisations de défense des droits des homosexuels et associer les organisations des droits de l’homme encore réticentes », voilà les actions qui seraient à entreprendre, précise Drissa Traoré. « Il convient avant tout de faire en sorte que la population n’ait pas de ressentiment envers les homosexuels et que les pratiques homosexuelles ne soient pas dénoncées, pour qu’en retour les autorités soient incitées à ne pas réprimer les homosexuels ».
Les pressions sont « contre-productives »
Les pays occidentaux ainsi que la Banque Mondiale apparaissent, pour le vice-président de la FIDH, comme faisant le jeu du président Museveni. « De telles réactions de la part des chefs d’Etat de pays occidentaux sont contre-productives. Les chefs d’Etat africains et leurs populations n’ont pas été sensibilisés à la question des droits des homosexuels. Un chef d’Etat qui combat ces idées dans son pays est populaire. En Ouganda, ces pressions vont attirer davantage de sympathie de la population pour son président, car ces pratiques ne sont pas approuvées au sein de la population ».
La question de l’homosexualité en Ouganda et en Afrique plus généralement peut être perçue comme l’imposition d’une norme occidentale. Le président de la République ougandais Yoweri Museveni a déclaré récemment que les bailleurs qui ne veulent plus aider l’Ouganda peuvent « garder leur aide. Les étrangers ne peuvent pas nous donner des ordres. C’est notre pays (…). Imposer des valeurs sociales d’un groupe à notre société, c’est de l’impérialisme social ». Le vice-président de la FIDH explique alors, « les Africains ont suivi les débats occidentaux sur les droits des homosexuels, et notamment le débat sur le mariage pour tous en France, et ils ne veulent pas que cela arrive chez eux. Ils ont le sentiment que les Occidentaux veulent progressivement leur imposer leurs idées : la démocratie, les droits de l’homme, et désormais les questions homosexuelles ».
Mercredi dernier, Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a comparé la loi sur l’homosexualité en Ouganda aux législations anti-juives de l’Allemagne nazie.
La question de la défense des homosexuels en Afrique n’a peut être pas fini d’être posé révèle Drissa Traoré, « cette tendance peut se confirmer ailleurs, notamment les pays de confession musulmane. Il y a des débats au Mali et au Sénégal notamment ».