
La CPI a validé l’indemnisation de 52 millions d’euros en faveur des victimes de Dominic Ongwen, ex-commandant de la LRA. Un geste fort de justice internationale qui, sur le terrain, suscite autant d’espoir que de frustration. Jugées tardives et inégalitaires, ces réparations peinent à convaincre les survivants.
La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé, le 7 avril 2025, une indemnisation historique de 52 millions d’euros à destination des victimes de Dominic Ongwen, ancien commandant de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Si cette décision est saluée comme un pas en avant pour la justice internationale, elle suscite aussi un vif débat parmi les survivants du conflit. Jugée tardive, insuffisante, voire inégalitaire, cette compensation divise autant qu’elle apaise.
Une enveloppe record pour une justice symbolique
Dominic Ongwen, aujourd’hui incarcéré pour 25 ans, a été reconnu coupable de crimes atroces commis entre 2002 et 2005 dans le nord de l’Ouganda : meurtres, viols, esclavage sexuel, enrôlement d’enfants… En février 2024, la CPI avait ordonné des réparations à hauteur de 52 millions d’euros, incluant un paiement symbolique de 750 euros par victime (près de 50 000 personnes au total). Le 7 avril 2025, l’appel d’Ongwen a été rejeté, validant ainsi l’indemnisation.
Mais cette décision, aussi monumentale soit-elle sur le plan juridique, reste perçue par certains comme une forme de justice incomplète. Le montant paraît dérisoire au regard des souffrances endurées pendant plus de deux décennies de conflit, dans une région toujours marquée par la pauvreté et le traumatisme.
Des victimes entre scepticisme et amertume
Sur le terrain, la réception de cette décision est loin d’être unanime. Pour Sam Okello, rescapé de la LRA, cette somme n’a rien de réparateur. « C’est une insulte pour les victimes », confie-t-il. Pour lui, les 52 millions d’euros ne peuvent ni compenser les pertes humaines ni soulager les cicatrices invisibles de la guerre. Il plaide plutôt pour un réel investissement dans la reconstruction des communautés affectées : infrastructures, santé mentale, éducation.
D’autres, comme Victor Ochen, s’inquiètent des divisions que ce processus d’indemnisation risque de créer. En ne prenant en compte que les victimes de la région Acholi, la CPI alimente un sentiment d’injustice et de marginalisation chez ceux qui vivent dans des zones voisines également frappées par les exactions. « Cela risque de raviver des tensions ethniques et tribales à peine endormies », alerte-t-il.
Le défi de la mise en œuvre sur le terrain
L’application concrète de cette décision repose désormais sur le Fonds au profit des victimes de la CPI. Or, plusieurs survivants dénoncent déjà un manque de communication : ni Sam ni Victor n’ont été contactés jusqu’à présent. Cela nourrit un sentiment de flou et de méfiance quant à la réalité des versements à venir.
Dans une région où l’accès à l’information reste limité et la défiance envers les institutions est forte, la réussite de ce programme de réparation dépendra autant de la transparence que de l’inclusivité. Faute de quoi, l’indemnisation pourrait ressembler à un simple pansement sur une plaie ouverte.
Entre justice internationale et réalités locales
L’affaire Ongwen illustre les limites, mais aussi les possibilités de la justice pénale internationale. En reconnaissant les droits des victimes et en imposant des réparations, la CPI marque un précédent. Toutefois, si cette décision n’est pas accompagnée de mesures de reconstruction durable et d’un dialogue étroit avec les communautés concernées, elle risque de n’être qu’un geste symbolique, loin des besoins réels sur le terrain.