Dans la sous-région d’Acholi, dans le nord de l’Ouganda, on enterre les squelettes humains et on purifie les villages pour faciliter la réinstallation des rapatriés, qui avaient fui pour échapper aux affrontements entre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et les forces du gouvernement.
« Les réinhumations et la purification des villages font partie des activités menées pour assurer que la réinstallation des [personnes déplacées] se passe bien », explique Sophie Agwoko, chargée de programme à Ker Kwaro Acholi, l’institution culturelle responsable.
Treize squelettes ont été enterrés ces trois derniers mois et des cérémonies de purification ont été organisées dans 17 villages des régions de Gulu et Amuru, où un certain nombre de personnes ont été tuées par la LRA ou l’armée ougandaise pendant la guerre.
Acholi était l’épicentre du conflit contre la LRA, qui a fait des milliers de morts au sein des populations civiles, et provoqué le déplacement d’environ 1,5 million d’habitants.
Soixante autres squelettes humains doivent être enterrés et 48 villages doivent être purifiés dans 12 sous-comtés.
Pour l’enterrement des squelettes, on sacrifie une chèvre ou une poule près de la tombe, tandis que pour purifier un village, on égorge un mouton et on exécute des danses traditionnelles en hommage aux morts.
Sophie Agwoko a rapporté qu’un mouton avait été sacrifié au village de Lukutu, à Koch Goma, où 12 civils ont été brûlés vifs dans une case, en 1987, et un autre à Kalang, où 10 civils ont été abattus au cours d’un enterrement, en 1990.
« Des civils ont été massacrés dans les villages des quatre coins de la région ; les gens ont peur de s’installer de nouveau dans leurs villages dans ces zones : ils disent qu’ils sont attaqués par des fantômes et des esprits maléfiques », a-t-elle expliqué à IRIN, le 10 mars.
Dans certains sous-comtés de Gulu et Amuru, les rapatriés qui découvrent des squelettes humains dans leurs villages sont réticents à se réinstaller. Certains évitent les zones où ils pensent que des massacres ont eu lieu.
Dans le village d’Oroko, à 30 kilomètres au sud de la ville de Gulu, où les rebelles ont tué plusieurs civils et en ont emmené d’autres dans des cases avant de les brûler vifs, les familles rapatriées ont expliqué à IRIN que si les squelettes n’étaient pas enterrés, il leur était difficile de rentrer chez elles.
Nesarino Obol, un rapatrié, a raconté qu’il avait trouvé deux squelettes humains sur son terrain. « J’étais pétrifié quand j’ai trouvé les squelettes ; je ne rentrerai que lorsqu’ils seront enterrés », a-t-il dit.
Marino Ojok, un autre rapatrié, a lui aussi déclaré qu’il ne rentrerait chez lui que lorsque le village aurait été purifié et que les squelettes auraient été inhumés.
« Pour la communauté, c’est un signe que la guerre touche à sa fin, cela nourrit les espoirs et donne confiance aux gens qui retournent dans leurs villages », a expliqué Mme Agwoko. « Cela atténue les peurs et permet de traiter les maladies mentales et les traumatismes psychologiques ».
Rwot Othinga Atuka Othoyai, un chef culturel, a expliqué à IRIN au palais du chef suprême d’Acholi, à Gulu, que la purification des villages sous les auspices culturels d’Acholi était importante pour protéger les populations des mauvais présages.
« Les habitants de la région qui tentent de rentrer chez eux vivent encore dans la peur », a expliqué M. Othinga. « Ce programme permet de leur redonner confiance et d’assurer le retour durable des PDIP ».