Après le Sénégal la semaine dernière, le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, séjourne ce lundi au Burkina Faso dans le cadre d’une visite officielle d’un jour à son homologue Blaise Compaoré. Cette deuxième sortie officielle après sa prestation de serment, loin d‘être une simple visite de courtoisie, est considérée par beaucoup comme une rencontre historique de Ouattara avec le « facilitateur » de sa prise de pouvoir après la crise postélectorale. Une crise qui l’avait éloigné quatre mois durant, depuis le second tour de la Présidentielle en novembre 2010, de l’exercice des fonctions présidentielles.
De notre correspondante
Un voyage prématuré ? Bien que certains jugent ses sorties au Sénégal puis au Burkina Faso précipitées et inopportunes du fait des trop grandes insécurité et instabilité qui prévalent en ce moment dans son pays, le nouveau président ivoirien maintient sa tournée diplomatique. Ce lundi, Alassane Ouattara et Blaise Compaoré vont se parler d’égal à égal comme le font les Chefs d’Etats du monde entier. En visite dans le pays des hommes intègres, M. Ouattara selle définitivement et officiellement les liens forts qui ont unis la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso depuis le temps du premier Président de la République ivoirienne, Félix Houphouët Boigny, investi en 1960. Cette relation de bon voisinage a occasionné l’immigration de trois millions de ressortissants burkinabès sur le territoire ivoirien, dans le secteur informel de la capitale économique, Abidjan, et les plantations de café et de cacao en zone rurale.
Menacée après la mort d’Houphouët Boigny en décembre 1993, les relations ivoiro-burkinabè ont pris un coup sous le règne d’Aimé Henri Konan Bédié. Président constitutionnellement établi (décembre 1993 – décembre 1999), il avait introduit le débat sur l’ivoirité et sur la nationalité burkinabè de Ouattara, qui avait passé la majorité de sa vie scolaire dans des écoles du Burkina Faso.
Les relations entre les deux pays avaient finalement été assommées par des accusations récurrentes sur le rôle de l’actuel président burkinabè dans la préparation de la rébellion qui a éclaté fin 2002 en Côte d’Ivoire. Le Burkina Faso, soupçonné à tort ou à raison d’être la base arrière de la rébellion qui a finalement remis en cause la gestion du pouvoir du premier Président de la seconde République de Côte d’Ivoire Laurent Koudou Gbagbo, n’avait jamais dit un mot plus haut que l’autre. Bien au contraire, Blaise Compaoré avait prôné la discussion et réussi là où Marcoussis, Clébert, Accra I et II, l’Afrique du Sud et toutes les organisations régionales avaient échoué. Il en était arrivé à faire signer, en tant que facilitateur dans la crise ivoirienne, l’Accord Politique de Ouagadougou (Apo) le 04 mars 2007, entre le camps Gbagbo et le Chef de l’ex-rébellion des Forces Armées des Forces Nouvelles (Fafn), Guillaume Soro.
Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, une amitié particulière
Un accord qui va être utilisé quatre ans plus tard, en mars dernier, par Alassane Ouattara, pour réaliser l’unification de l’armée nationale et régulière de Côte d’Ivoire rebaptisée Force Républicaine de Côte d’Ivoire (FRCI). La grande majorité des hommes de cette armée provient des Fafn. Elle a mené, avec la force française Licorne et les forces de l’Onu, la bataille d’Abidjan et précipité, le mois dernier, la chute de Laurent Gbagbo du sommet de l’Etat où il s’était réinstallé après les conclusions du Conseil Constitutionnel.
Et fin 2010, le président burkinabè avait pris fait et cause pour Alassane Ouattara, dans le collège des cinq chef d’Etat de l’UA commis pour la médiation dans la crise post électorale née après le second tour des élections qui l’opposait au président sortant Laurent Gbagbo. Autant de raison pour lesquelles Ouattara se rend au Burkina Faso. Il y est accompagné de son épouse, Dominique Ouattara, et d’une délégation d’une vingtaine de personnes.
Blaise Compaoré aura, quant a lui, eu le triomphe court. La victoire de son favori coïncidant avec l’éclatement d’une grave crise dans son pays. Alors que le climat social était déjà tendu du fait de la vie chère, les 14 et 15 avril les militaires de la garde présidentielle ont ouvert le feu dans le palais présidentiel situé à Ouagadougou. Deux autres régiments se sont ensuite joints à eux et sont descendus dans la rue et tiré sur les maisons des officiers supérieurs, et notamment sur celles de l’ancien chef de l’armée et du ministre de la Défense de l’époque. Ils ont obtenu l’augmentation de leur indemnité journalière et le démantèlement de la hiérarchie militaire qu’ils réclamaient. Désormais, Blaise Compaoré assure les fonctions de ministre de la Défense. Cependant, malgré les promesses du pouvoir, la situation reste tendue. Samedi, des militaires ont tiré en l’air jusque tard dans la nuit, à Pô, une ville du sud du pays, pour réclamer une prime de stage, selon le gouvernement. Ce n’est donc pas un Blaise Compaoré serein qui reçoit Alassane Ouattara.