Ouattara à Paris : encore la françafrique?


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Pour sa première visite d’Etat en France depuis son investiture en tant que Chef d’Etat de la République de Côte d’ivoire, Alassane Ouattara a passé 3 jours à Paris avec un agenda particulièrement chargé…

Au menu de la visite d’Etat d’Alassane Ouattara à Paris, la rencontre avec son homologue et ami, Nicolas Sarkozy, la visite des deux chambres parlementaires françaises (Assemblée nationale et sénat), la rencontre avec le Medef, le renouvellement des accords de défense et de sécurité et la signature des contrats économiques…

A son arrivée à l’aéroport d’Orly, le numéro un ivoirien fut accueilli par les ministres de l’Intérieur et de la défense, Claude Guéant et Gérard Longuet, au « son de la musique de la garde républicaine ». Ensuite, Alassane Ouattara fut conduit place des Invalides à bord « d’un hélicoptère présidentiel escorté par deux autres hélicos de combat » avant de rallier l’hôtel cinq étoiles Le Meurice où il avait pris ses quartiers. Au programme de jeudi, le chef d’Etat ivoirien s’est rendu sur la tombe du soldat inconnu avant de remonter l’avenue des Champs-Elysées décorée aux couleurs de la France et de la Côte d’ivoire sous escorte de la cavalerie. L’accueil protocolaire et la sécurité mis en place autour de cette venue rappellent le « bon vieux temps » de Félix Houphouët Boigny et laissent penser que la rupture avec les méthodes anciennes de la Françafrique, qu’avait promise le président Nicolas Sarkozy lors de son élection en 2007, est loin d’être à l’ordre du jour. En d’autres termes, avec cet accueil en fanfare réservé au dirigeant ivoirien, Nicolas Sarkozy s’inscrit clairement dans une continuité de la politique françafricaine.

Sarkozy et Ouattara, des amis inséparables ?

Comme les doigts de la main (le titrait encore le Nouvel Obs cette semaine), Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara se sont rencontrés jeudi dernier au palais de l’Elysée. Ce qu’il convient de rappeler c’est que cette visite d’État et d’amitié, comme aiment si bien le marteler les deux Chefs d’Etat, aurait déjà dû avoir lieu un mois plus tôt, mais « si la visite d’État d’Alassane Ouattara à Paris a été reportée d’un mois, c’est notamment parce que, à la première date prévue, Carla Bruni-Sarkozy ne pouvait pas assister au dîner à l’Élysée. Le 26 janvier, elle sera là. », confiait un proche de Nicolas Sarkozy à nos confrères du Nouvel Observateur.

Amis depuis plus de 20 ans, le président français et son homologue ivoirien n’ont jamais caché leurs accointances et leur amour pour le libéralisme. L’un fut ministre du budget et l’autre ancien directeur adjoint du FMI et premier ministre ivoirien. Outre cette amitié sur le plan économique, Nicolas Sarkozy fut un soutien de poids auprès d’Alassane Ouattara pendant la période préélectorale de la présidentielle ivoirienne et plus encore lors du conflit postélectoral contre son adversaire Laurent Gbagbo. De son côté, Nicolas Sarkozy a toujours pu bénéficier du soutien sans faille de M. Ouattara durant ses multiples traversées du désert au sein de sa famille politique. Tels sont les quelques ingrédients soulignant le lien fort existant entre les deux hommes politiques.

Le volet économique, militaire et diplomatique

Une visite d’État d’une ancienne colonie francaise et d’un pays ami de la France ne peut se solder sans que des intérêts économiques ne soient au programme. Déjà la forte délégation ivoirienne qui accompagnait le président donnait une nette impression de l’ampleur de la visite. A côté de quelques personnalités du gouvernement et des gouverneurs d’Abidjan et Yamoussoukro, du président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), des hommes d’affaires en faisaient également partie. Au menu économique, beaucoup d’entreprises françaises déjà fortement implantées en Côte d’ivoire ont pu décrocher des contrats alléchants, notamment la signature du contrat d’exploitation pétrolier pour un grand gisement à la frontière ivoiro-ghanéenne, la reprise officielle par le groupe Accord de l’Hôtel Ivoire à Abidjan et le partenariat entre Air France et Air Côte d’ivoire, ainsi que plusieurs négociations autour d’un « contrat désendettement développement » de la Côte d’ivoire.

Pour ce qui est de l’aspect diplomatique, la Côte d’Ivoire reste un allié de choix pour la France sur le continent, car la France a besoin du soutien de ses anciennes colonies, aux Nations Unies comme ailleurs, pour asseoir davantage sa légitimité et son image de grande puissance… C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que l’intervention de la France au sein du conflit libyen fut fortement controversée… Et d’abord en Afrique : les pays africains n’ont pas parlé d’une seule voix, et n’étaient pas tous aux côtés de la France.

Le volet militaire fut dominé par le renouvellement d’un accord de défense et de sécurité entre la France et la Côte d’Ivoire, comparable à ceux qui furent récemment signés avec le Sénégal et le Gabon. Ce nouvel accord prévoit le stationnement permanent des troupes françaises et la non-intervention automatique de celles-ci en Côte d’Ivoire pendant un quelconque conflit.

En définitive, ce que l’on peut retenir de cette visite d’État du président ivoirien, c’est qu’elle n’est pas passé inaperçue d’autant qu’elle a permis de comprendre une chose : celles et ceux qui croyaient la Françafrique morte, peuvent désormais se détromper : elle est bien vivante, car ni Nicolas Sarkozy ni Alassane Ouattara ne sont prêts à faire table rase des vieilles traditions et pratiques postcoloniales…

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