Alors que le Fespaco bat son plein depuis six jours dans la capitale burkinabé, le maire de Ouagadougou Simon Compaoré revient sur cet événement culturel majeur. A ce sujet, il évoque avec franchise les avantages et les inconvénients de sa ville.
Simon Compaoré est un Ouagalais pure souche. Demandez-lui quel est son quartier préféré, il vous répondra qu’il n’en a pas car il aime sa ville dans son entier… Cet économiste-gestionnaire de formation est maire de Ouagadougou depuis sept ans (réélu en 2000). Si son mandat lui a permis de concrétiser des avancées en terme de développement urbain, il sait aussi évoquer les problèmes que rencontre Ouaga.
Afrik : Le Fespaco demande sûrement une organisation particulière…
Simon Compaoré : Toutes les forces de Ouagadougou se mobilisent pour que la fête soit belle et la ville joue un rôle important dans l’organisation du festival, ce qui entraîne bien sûr un certain nombre de tâches supplémentaires. Les équipes de nettoyage ont été doublées car la ville se salit plus vite en période de festival, nous mettons l’accent sur l’éclairage et les illuminations et les forces de police et de gendarmerie sont plus vigilantes. Nous sommes très impliqués et avons même institué, il y a deux ans, le Prix de la ville. Cette grande manifestation est pour le maire que je suis l’occasion de vendre ma ville.
Afrik : Justement, le festival représente une manne non négligeable…
Simon Compaoré : Bien sûr, économiquement parlant c’est une très bonne chose. Les restaurants tournent à plein régime, les hôteliers se frottent les mains, nos artisans vendent plus que d’habitude mais cela va au-delà de cet aspect. Le Fespaco est d’abord l’occasion pour les visiteurs de mieux connaître la culture burkinabé. Ce qui m’importe c’est de voir que des gens viennent à Ouagadougou et donc qu’ils ont en confiance en cette ville. La sécurité y est relativement bonne et nous constatons à chaque édition des avancées dans le cadre du développement urbain, malgré le peu de moyens dont nous disposons, et ça, ça n’a pas de prix !
Afrik : Quelles sont ces avancées ?
Simon Compaoré : Ouaga a évolué depuis 10 ans, elle a changé qualitativement. Le réseau routier a été amélioré, il y a plus de rues bitumées, certaines ont été élargies, les constructions poussent comme des champignons ce qui prouve que les gens n’ont pas peur d’investir dans la ville. Il y a eu aussi un embellissement, avec la création d’espaces verts. Le parc Bangréouéogo (le » parc du savoir « , ndlr), poumon de la ville, a été réaménagé. Il y a eu des changements visibles dans le domaine de l’assainissement. Nous construisons d’ailleurs des égouts. C’est une première en Afrique. Jusqu’ici, les eaux usées étaient drainées à ciel ouvert. Pour la première fois également, nous nous sommes dotés d’un centre d’enfouissement technique qui peut recevoir les ordures de la ville pendant 15 à 20 ans. Cela va régler le problème des ordures à ciel ouvert qui, lorsqu’il pleut, entraînent des infiltrations dangereuses pour la santé.
Afrik : Mais la ville connaît encore de gros problèmes, notamment en ce qui concerne l’alimentation en eau.
Simon Compaoré : C’est vrai que lors des grandes chaleurs, et notamment pendant le mois d’avril qui constitue un pic, il y a des coupures d’eau… c’est une période très pénible pour les populations des faubourgs. Nous avons dû mettre en place des points de forage comme infrastructures d’appoint car l’eau courante ne suffit pas à couvrir les besoins de la ville.
L’autre problème préoccupant, c’est la pollution. Ouaga est la capitale des deux roues en Afrique ! Il faudrait faire baisser leur nombre, améliorer le mélange essence/huile et mettre des capteurs pour mesurer le taux de pollution. La ville rencontre aussi des difficultés dans le domaine de la santé et de l’éducation. Il faut augmenter la capacité des écoles. De 60 000 habitants en 1960, Ouaga est passée à 1,2 million aujourd’hui et 70% de la population a moins de 35 ans. Nous devons donc mettre l’accent sur la scolarisation. 14 000 étudiants se sont inscrits à l’Université cette année.
Afrik : Ouaga bénéficie de jumelages avec des villes françaises. Y a-t-il des projets déjà mis en place ?
Simon Compaoré : Ouaga est jumelée depuis 35 ans avec Loudin, la ville de René Monory, l’ex-président du Sénat français. Nous avons un partenariat avec la ville de Lyon et, plus récemment avec Grenoble. Le maire, accompagné d’une délégation, a d’ailleurs fait le voyage jusqu’ici la semaine dernière. En coopération avec l’Université grenobloise Pierre Mendès-France, l’Université de Ouagadougou a lancé il y a trois jours un DESS (Diplôme d’études supérieures spécialisées, ndlr) sur le développement local. Un partenariat est également en train de se mettre en place entre le centre hospitalier universitaire de Ouaga et celui de Grenoble. Enfin, dans le domaine de la culture, nous construisons ensemble une infrastructure unique au Burkina et dans la sous-région : un jardin de la musique. Un ensemble de studios d’enregistrement, de salles de concerts, de lieux d’écoute. Cela permettra aux jeunes musiciens de mieux s’exprimer.