« Quand Hollywood célèbre l’Afrique » pourrait être le thème de la 79e édition des Oscars qui se déroulera dimanche prochain. Le film franco-algérien Indigènes et le Béninois Djimon Hounsou, nominé pour sa prestation dans Blood diamond, figurent au générique de ce grand show du cinéma américain. Ces nominations illustrent l’intérêt croissant d’Hollywood pour le continent africain.
La 79e cérémonie des Oscars du cinéma aura lieu le 25 février 2007 à Los Angeles. Pour la première fois, dans l’histoire de ce prestigieux rendez-vous de la plus importante industrie cinématographique du monde, il sera question du continent africain pas moins de quatre fois. Indigènes de Rachid Bouchareb concourt pour l’Algérie dans la catégorie du Meilleur film en langue étrangère. Le film revient sur le sort de ces milliers de soldats africains issus des colonies françaises qui ont aidé leur « mère-patrie », la France à se défendre contre le péril nazi. En outre, Leornado Di Caprio et le Béninois Djimon Hounsou sont nominés respectivement dans la catégorie Meilleur acteur et Meilleur acteur dans un second rôle pour Blood diamond. La fiction d’Edward Zwick dénonce, à travers le conflit sierra-léonais, le commerce de ces diamants qui nourrissent de nombreuses guerres dans les pays africains. L’acteur américain Forest Whitaker est également pressenti dans la catégorie Meilleur acteur pour sa formidable incarnation du dictateur ougandais Idi Amin Dada dans Le Dernier roi d’Ecosse de Kevin Macdonald. Ces nominations viennent confirmer l’intérêt croissant d’Hollywood pour les fictions qui ont trait au continent africain.
L’Afrique des décors
Les films américains deviennent de plus en plus engagés et la conjoncture africaine s’y prête. Notamment pour pointer du doigt la responsabilité des occidentaux dans les nombreux drames du continent. Ainsi Lord of war (2006) se penche sur le trafic des armes et La Constance du jardinier (2005) de Fernando Meirelles s’appesantit sur les agissements d’une firme pharmaceutique qui utilise des Africains comme cobayes. L’actrice britannique Rachel Weisz obtient d’ailleurs, en 2006, l’Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle pour ce film. Seulement quand il s’agit de raconter d’Afrique, l’industrie cinématographique semble manquer d’inspiration. Les films qui en parlent sont souvent des adaptations de livres. Out of Africa, Oscar du meilleur film en 1986, le célèbre livre de Karen Blixen et la La constance du jardinier adapté du livre éponyme de John Le Carré en sont quelques illustrations. Mais parfois, la réalité suffit amplement à nourrir la fiction en donnant de facto tous les ingrédients d’une bonne intrigue. C’est le cas d’Hotel Rwanda de Terry George, nominé aux Oscars 2005, qui revient sur le génocide rwandais ou de Blood Diamond.
L’époque de Casablanca, Oscar du meilleur film en 1942, où l’Afrique n’était qu’une simple évocation, est certes révolue. Mais le continent demeure encore un simple décor. L’argument vaut pour Nowhere in Africa, Oscar du meilleur film étranger en 2003, qui raconte l’exil kenyan d’une famille juive allemande durant la période nazie. Il en a été de même, plus récemment, pour Casino Royale, le dernier James Bond et Sahara (2005), où les reconstitutions des costumes et des lieux sont d’ailleurs affligeantes. Les Larmes du soleil (2003) d’Antoine Fuqua, qui dépeint un Nigeria en proie à des conflits ethniques, malgré ses ambitions, ne se résume qu’a une succession de clichés. Les Africains y sont décrits comme des êtres cupides et vils, sans personnalité, irresponsables, se comportant en éternels assistés qui sont prêts à tout pour de l’argent. Ce travers, récurrent dans les œuvres hollywoodiennes ou européennes, est encore perceptible dans Blood diamond. Il est évité parce qu’Edward Zwick s’est s’attaché les services du journaliste sierra-léonais Sorious Samura. Le cinéaste américain s’est beaucoup appuyé sur le documentaire Cry Freetown que ce dernier avait réalisé sur la guerre dans son pays en 1999. Une démarche qui devrait être celle de tous les réalisateurs étrangers qui travaillent sur le continent : s’assurer les services d’Africains, qui savent de quoi il est question, et prêter attention à leurs remarques.
Un contient que le Septième Art ne peut ignorer
Si l’interprétation des réalités africaines n’est pas toujours le fort d’Hollywood, il n’en demeure pas moins que lorsqu’elle a récompensé les Africains, elle a salué avant tout une performance. D’actrice, tout d’abord, en décernant, en 2004 à la Sud-Africaine Charlize Theron l’Oscar de la Meilleure actrice pour Monster. En 2006, c’est toujours l’Afrique du Sud qui est à l’honneur avec le long-métrage de Gavin Hood, Tsotsi qui remporte l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère. L’essai de Yesterday de Darell Roodt, nominé dans la même catégorie en 2005, se transformait ainsi. Ces Oscars qui vont à l’Afrique du Sud ne sont pas anodins. Ils rendent compte de la place de leader qu’occupe son cinéma sur un continent qui tâtonne encore en la matière. Selon Akinola Wazi, le seul attaché de presse africain de cinéma sur la place de Paris, le phénomène africain aux Oscars doit être interprété comme une « reconnaissance de talents bien réels qui s’expriment petit à petit et qui contribuent à enrichir le patrimoine cinématographique mondial ». Il constate aussi, avec dépit, cette tendance persistante qui veut que « les sujets traités ne valorisent pas l’Afrique ». D’autant plus, affirme-t-il, qu’« un dictateur, qu’il soit Africain ou non, est un dictateur ».
Le cinéma et les Oscars n’échappent pas à l’impératif qui s’impose désormais aux sociétés occidentales. Leur destin est intimement lié à celui du continent africain : elles ne peuvent plus, par conséquent, jouer la carte de l’indifférence. La cinéaste nigérienne Rahmatou Keïta, réalisatrice d’Al’lèèssi, une actrice africaine, le premier documentaire africain en sélection officielle au festival de Cannes en 2005, va même plus loin. Selon elle, l’avenir du cinéma est africain. L’assertion se défend quant on sait la contribution des Africains à la culture mondiale. A l’heure où s’ouvre la 20e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), soit quarante ans de cinéma africain, l’appel est lancé. Qui mieux que les fils du continent peuvent raconter leurs histoires, des histoires qui expriment et exposent leurs points de vue à la planète ? Mais pour l’heure, il faut seulement espérer que l’Algérien Rachid Bouchareb et le Béninois Djimon Hounsou puissent enfin orner leurs toilettes, à l’instar de toutes les gloires du cinéma américain, avec la silhouette de ce cher oncle Oscar [[Le trophée qui récompense les vainqueurs de chaque catégorie a été baptisé Oscar depuis qu’une membre de l’Académie, Margaret Herrick, a trouvé qu’il ressemblait à son oncle, Oscar]].