Les médias privés togolais ont observé ce mardi une journée sans presse. Ils font bloc contre une loi organique votée le 30 octobre dernier. Une loi qui dit avoir pour objectif de « faire face à des dérives dans la presse, pour donner plus de prérogatives à la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication (Haac) de jouer son rôle de conseil de discipline ». Les journalistes togolais soupçonnent les autorités de vouloir les museler à l’approche de la présidentielle prévue pour fin février 2010.
Notre correspondant au Togo
Les populations togolaises n’ont pas eu droit aujourd’hui aux informations en raison de la journée sans presse observée dans tout le pays par les médias privés pour protester contre le vote, le 30 octobre dernier, par l’Assemblée nationale, d’une nouvelle loi organique relative à la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication (Haac).
Pas un seul vendeur dans les rues
Les abords du « feu rouge de Déckon », d’habitude pris d’assaut de très bonne heure par les vendeurs de journaux, paraissent vides aux yeux des habitués ce matin, alors que tous les jours de la semaine, dès les premières lueurs du jour, des jeunes proposent les quotidiens aux usagers de la route se rendant au travail. Ils ont aujourd’hui « décidé, en guise de soutien au combat des journalistes, de ne pas vendre de journaux pour signifier notre participation à la journée sans presse », explique Celestin Momo, vendeur de journaux à Lomé. Il ajoute : « Si nous avons aujourd´hui ce gagne pain, c´est grace aux journalistes, et nous nous devons d´être solidaire envers eux » Du côté des stations radio, à défaut de ne rien diffuser, certaines stations comme Légende FM et Kanal FM se sont juste contentées de jouer de la musique à longueur de journée.
« Le quatrième pouvoir a parlé », se réjouissent les membres et syndicats des associations de presse togolaises. « Nous nous félicitons que cette journée ´´Togo sans Presse´´ soit une réussite », s´est réjoui Credo Tetteh, Secrétaire Général de l’Union des journalistes indépendants du Togo (UJIT). « Notre revendication a eu écho, puisque le gouvernement a demandé cet après-midi à l´Assemblée nationale, une relecture de la loi. Nous avons reçu des coups de fil de l´Assemblée nous demandant de passer pour chercher une correspondance, mais rien ne nous est notifié officiellement», a-t-il ajouté.
Seul le quotidien national « Togo Presse » et les medias gouvernementaux n´ont pas suivi le mouvement. « La presse publique n´a pas suivi ce mot d´ordre pour la simple raison qu´elle n´a pas été associé. C´est beaucoup plus la presse privée qui est visée par cette mesure », précise le Secrétaire Général de l´UJIT, qui ajoute que les journalistes seront associés à la rédaction de cette loi dans les prochains jours.
Le point de discorde
Selon la nouvelle loi organique votée par l’Assemblée nationale le 30 octobre dernier, la HAAC peut retirer les licences accordées aux organes de presse et saisir leurs équipements, après une mise en demeure publique. Elle peut également suspendre désormais des publications pour six mois et retirer des cartes de presse. Le Parlement l’autorise en outre à « organiser des séances d’audition des professionnels des médias auteurs de fautes graves ». Ce qui traduit, selon ces organisations, une volonté manifeste du pouvoir de museler la presse privée à la veille des élections présidentielles de 2010 au Togo.
Pour M. Oulégoh Kéyéwa, le ministre de la Communication et de la Culture, « les journalistes au Togo sont conscients que c’est une bonne loi, mais nous allons écouter leur doléances pour envisager une éventuelle retouche ».
La semaine dernière, Reporters sans frontières et la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) ont écrit au président de la République du Togo, Faure Gnassingbé, lui demandant de ne pas promulguer ce projet de loi.
En avril dernier, la HAAC a déjà suspendu pendant une semaine plusieurs publications et émissions interactives sur les radios et les chaînes de télévision du pays.