Le gouvernement zimbabwéen a lancé depuis vendredi dernier une campagne baptisée « Rétablissement de l’ordre » dans le pays. Elle est censée, selon le Président Robert Mugabe, enrayer la détérioration des conditions de vie dans les quartiers pauvres des alentours de Harare. L’opération ne s’est pas faite sans violence. Des milliers de cabanes du bidonville White Cliff ont été rasées par les forces de l’ordre.
Par Smahane Bouyahia
Une initiative qui « lutte contre les pauvres ». Depuis vendredi dernier, ce sont plus de 9 000 habitations de fortune qui ont été totalement rasées par la police de Harare, la capitale du Zimbabwe. En lançant l’opération « Rétablissement de l’ordre », le Chef de l’Etat, Robert Mugabe, entend « lutter contre la criminalité, rétablir la propreté et la sécurité » des villes. 17 000 personnes ont déjà été arrêtées dans les quartiers les plus pauvres. Bien que les contestations de certaines associations des Droits de l’Homme, de l’Eglise et des Zimbabwéens eux-mêmes se fassent entendre, cette chasse aux pauvres devrait s’étendre progressivement sur le reste du pays.
Une opération de police qui tourne à l’émeute
Sous l’ordre de Robert Mugabe, des policiers sont descendus vendredi dernier dans les bidonvilles de la périphérie de Harare. Armés pour la plupart de haches et de masses, leur objectif était de détruire les habitations de ces quartiers réputés pour être les plus pauvres. Un porte-parole de la police, Olivier Mandipaka, a rapporté à l’AFP (Agence France Presse), vendredi dernier, que quelque 3 000 policiers anti-émeutes, ont été déployés dans tout le pays dans le cadre de la campagne gouvernementale. Selon lui, l’opération « n’est pas une question politique, c’est (pour lutter) contre la criminalité qui a atteint des niveaux inacceptables (…) rien ne nous arrêtera ».
Selon l’AFP toujours, les forces de l’ordre auraient détruites approximativement 9 000 cabanes « illégales » dans le bidonville de White Cliff, situé à une vingtaine de km de Harare. La police a procédé à l’arrestation de près de 17 000 personnes suspectées de vendre des marchandises (sucre, pétrole, farine…) au marché noir, une pratique que le gouvernement zimbabwéen souhaite endiguer. Jugée injuste, par les Zimbabwéens issus de ces quartiers, « Rétablissement de l’ordre » a déclenché de nombreuses émeutes dans les bidonvilles alentours. Selon la BBC, les policiers tentent aujourd’hui de prévenir toutes tentatives de rébellion. Ce week-end, des troubles violents ont eu lieu entre des manifestants et la police. Il s’agirait des émeutes les plus violentes depuis la victoire du parti au pouvoir aux élections parlementaires en mars dernier. Aujourd’hui, le nombre de nouveaux sans abris dû à la destruction de ces logements de fortunes n’a pas encore été recensé. Selon le quotidien Mail & Guardian, les personnes n’ayant nulle part où se rendre après la destruction de leur logement, sont placés provisoirement dans une ferme en dehors de la capitale.
Une opération contestée
L’opposition c’est tout de suite exprimé sur le sujet. Trudy Stevenson, président du Mouvement pour le Changement Démocratique, a rapporté au Mail & Guardian que dans le quartier de Hatcliff Extension « la police a tout détruit. Ils ont exigé que les personnes sortent de chez elles (…) Ce sont entre 10 000 et 12 000 personnes qui vivent dans des logements de fortune ». Même l’Eglise s’est exprimée sur le sujet. Dans un communiqué de presse, la Conférence des Pasteurs Nationaux (National Pastor Conference), qui représente plus d’une centaine de prêtres chrétiens, a demandé au gouvernement de Robert Mugabe « d’engager une lutte contre la pauvreté et non contre les pauvres ». Ils accusent les autorités « de faire preuve de manque de compassion envers des êtres qui souffrent et qui vivent dans la misère », rapporte le Mail & Guardian. La Commission Catholique Romaine pour la justice et la paix, les avocats zimbabwéens pour les droits de l’Homme, Human Rights Trust de l’Afrique du Sud et des conférenciers d’universités, condamnent également cette opération. Selon l’Eglise, qui occupe une position importante dans le pays, l’accumulation de la pauvreté et le développement du marché noir, ne sont que les conséquences d’une sévère crise économique qui règne dans le pays depuis plus de cinq ans déjà.
Le Zimbabwe traverse en effet une profonde crise économique depuis ces cinq dernières années. Le directeur du Programme alimentaire mondial, James Morris, doit se rendre cette semaine dans le pays afin de discuter, avec le Chef de l’Etat, de la crise humanitaire qui sévit au Zimbabwe. Le Zimbabwe doit très rapidement importer 1, 2 millions de tonnes de maïs pour lutter contre une éventuelle famine menaçant 4 millions de personnes. La situation reste délicate. Toujours est-il que la chasse au marché noir, engagée par l’Etat, fait pour l’heure l’affaire des commerçants chinois. Ces derniers se plaignaient, en effet, de la concurrence du marché noir abrité dans les marchés aux puces près de leurs magasins…