Amani Tidjani vient de donner les noms de hauts responsables béninois qui ont participé ou bénéficié de ses activités illicites. Le hors-la-loi nigérien, qui sévissait dans toute la sous-région, aurait fait ses déclarations du Nigeria, où il est détenu depuis fin septembre. L’un de ses avocats doute que ces révélations soient le fruit d’un élan spontané.
Rien à perdre. Amani Tidjani est détenu par les autorités nigérianes depuis le 25 septembre dernier. Même enfermé, le célèbre malfaiteur sous-régional fait parler de lui. Le Nigérien vient de faire des révélations fracassantes. La présidence, la justice, la police, la douane… Amani emporte dans sa chute de hautes personnalités béninoises. Mais l’un de ses avocats n’est pas convaincu que ses révélations aient été obtenues de plein gré.
Amani Tidjani a manqué de créer une grave crise diplomatique entre Cotonou, sa base arrière, et Abuja en août dernier, lorsqu’il a braqué la voiture de la fille du Président Olusegun Obasanjo. Un incident qui avait provoqué une courte fermeture de la frontière entre les deux pays. Le Bénin, bien décidé à s’attirer les bonnes grâces de son voisin, s’allie aux autorités nigérianes pour retrouver le malfaiteur. Ce dernier fait jouer ses relations pour s’enfuir au Mali, d’où il prépare son départ pour l’Europe. Il se fait arrêter le 12 septembre à Bamako, avant d’être extradé vers le Bénin, puis vers le Nigeria, qui s’est juré de réparer l’offense qu’il a subi.
Les plus hautes institutions décapitées
Vent de panique chez les personnalités béninoises qui ont trempé dans les affaires du hors-la-loi nigérien. « L’homme chic » a décidé qu’il ne plongerait pas seul. Il vient de donner le nom de complices ou de personnes qui auraient bénéficié de ses services. Au tableau d’honneur : « le Procureur de la Cour d’appel de Cotonou, Thierry Ogoubi, des hauts fonctionnaires d’Etat, le directeur général de la police, Raymond Fadonougbo, ou encore un responsable de la Douane », énumère le Ministère de l’Intérieur. Tous ont été limogés sans autre forme de procès. Et la liste risque de s’allonger. Le Président béninois ne devrait pas rechigner à faire le grand ménage pour terminer son dernier mandat, qui arrive à échéance en 2006, en beauté. Des accusations de corruption feraient tache.
Aveux spontanés ? « La teneur de ces informations est crédible. Mais il nous est pour l’instant impossible de savoir si c’est bien Amani Tidjani qui les a données. Je soupçonne fortement les autorités nigérianes de l’avoir encouragé à faire des déclarations orientées », explique Maître Joseph Djogbelou, l’un de ses avocats. Pas de certitudes parce que, depuis son extradition, ses avocats n’ont pas pu le voir. « Il est tenu au secret dans un camp de la police nigériane », explique-t-il. « L’homme chic » n’a de contact avec l’extérieur que par le téléphone. C’est par ce moyen que ses avocats pu démentir des informations publiées dans certains journaux béninois qui le donnaient pour mort.
Abuja gagne le bras de fer diplomatique
Pas mort, mais pas en grande forme. « Je l’ai eu hier (mercredi, ndlr) au téléphone et il me semblait fiévreux », commente avec inquiétude Joseph Djogbelou. L’avocat craint même pour sa vie. De vives inquiétudes s’élèvent aussi du côté d’associations nigériennes et béninoises de défense des droits de l’Homme. Elles se sont mobilisées pour que les droits fondamentaux du receleur de voitures de luxe soient respectés. Elles demandent un procès équitable, le respect de la présomption d’innocence et un droit de visite pour ses avocats et sa famille.
Belle victoire pour le Nigeria qui est parvenu à faire extrader le bandit. Un combat qui tenait particulièrement à cœur au Président Olusegun Obasanjo, dont la fille avait été braquée par des complices de Tidjani. Dès qu’il a été livré au Bénin par le Mali, Abuja n’a eu de cesse de réclamer le droit de le juger sur son territoire. Difficile étant donné les règles du droit international, qui exigent qu’un criminel ne peut être renvoyé que dans son pays d’origine. Autre écueil : « Des accords signés en 1984 entre le Bénin, le Nigeria, le Togo et le Ghana stipulent qu’avant l’extradition, l’Etat demandeur doit établir la preuve d’une poursuite ou d’une condamnation de l’individu. A la suite de quoi, une enquête est menée par la nation hébergeant le malfaiteur. Elle doit déterminer le bien fondé de la requête. Ce n’est que si les conclusions sont satisfaisantes que la nation qui demande l’extradition peut accéder à sa demande », explique Joseph Djogbelou, l’un des avocats d’Amani Tidjani.
Une procédure qui prend du temps. Du côté des autorités nigérianes, il n’était pas question d’attendre, quitte à violer le règlement international. Cotonou et Niamey, quant à elles, ne pouvaient pas assumer un conflit diplomatique avec le géant nigérian. Au péril, pour le Bénin, de sa crédibilité. Abuja, « interroge Amani Tidjani de façon officieuse. Aucun chef d’inculpation n’a encore été retenu contre lui. Les autorités nigérianes n’en sont qu’au stade de l’enquête préliminaire », assure Maître Djogbelou. Ce qui n’est pas le cas de Cotonou, qui, lui, avait engagé une procédure judiciaire à l’encontre du Nigérien. Une procédure mise en veille par l’extradition du receleur. Une extradition qui s’est faite, en catimini et sous très haute sécurité, dans la nuit du 24 septembre. Peu de temps après, une centaine de voitures volées étaient restituées à leur propriétaire nigérians. Un retour à la normale plutôt rapide. Mais pour l’affaire Tidjani, les choses viennent à peine de commencer.
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