A l’Institut du Monde Arabe, le film du metteur en scène tunisien Fadhel Jaziri, « Hadhra », a été célébré par le public. Ce film qui a nécessité plus d’un an de tournage, a rassemblé 480 personnes unies par le chant, la musique et la transe, au cours d’une cérémonie de la confrérie Soufie.
Les premières images du film sont faites de lumières et de silence. Silence des visages d’enfants qui jouent avec des cierges magiques, crépitement des bougies entre leurs doigts transparents, froissement des tissus, danse nocturne des ombres et des ondes dans une prière infinie. Puis la musique éclate, faite de chair et de chant, de vibratos suspendus, de violon, de hautbois, de saxophone, de percussions, de communion et d’allégresse.
La difficulté pour le metteur en scène, c’est peut-être d’avoir eu à ‘apprivoiser le sacré. De se risquer à dévoiler un monde occulte sans le dénaturer, en passant justement par la représentation, devant l’objectif implacable d’une caméra. Comment traduire en image l’insaisissable ? Comment filmer l’invisible ? Comment révéler la lumière divine présente en chacun de ces initiés, sans risquer de la ternir, de la trahir, de l’altérer ?
Afrik : Qu’est ce qui vous a donné envie de faire un film sur une cette confrérie Soufie ?
Fadhel Jaziri : C’était la nécessité de me rapprocher de la musique et de m’éloigner des mots. Ayant beaucoup écrit pour le théâtre, je ne croyais plus au pouvoir des mots. C’est toujours par la musique qu’on peut accéder à l’irréel. Qu’il s’agisse de Mozart, de chants grégoriens ou de chants soufis, la musique reste le moyen d’atteindre le spirituel. Dans la philosophie Soufie, le chant et la voix, jouent le rôle du passeur entre l’homme et Dieu.
Afrik : En décomposant chaque fragment de la cérémonie, n’y avait il pas un risque de stopper le mouvement paroxystique qui conduit à la transe ?
Fadhel Jaziri : Aucune séance de soufisme ne se passe comme celle que j’ai filmée. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est de rendre hommage au talent immense des interprètes. Et de reconstituer mon rêve. Je l’ai rêvée comme une polyphonie rituelle, aperçue dans mon enfance. Dans la répétition de chaque geste, je tente de reconstituer une vérité. Je suis obligé de transgresser le réel pour m’en rapprocher Ce travail sur la tradition exige une retranscription dans le langage de notre époque pour être accessible. Chaque instrument, chaque voix a été enregistrée en studio. Tout procède de la reconstitution d’une cérémonie grâce à la complicité des Soufis qui m’ont fait confiance.
Afrik : Qu’est-ce que le Soufisme ?
Fadhel Jaziri : C’est une doctrine ésotérique de l’Islam qui échappe au sectarisme religieux. Les Isâwas peuvent être considérés comme les descendants islamiques des Bacchantes et du culte dionysiaque.
Afrik : Quel est votre regard sur les attentats aux USA ?
Fadhel Jaziri : Je pense que la violence et la destruction dominent notre monde et que peut-être l’art peut espérer surmonter les menaces de régression et d’obscurantisme.
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