« Non aux complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun » « Non à toute tentative de déstabilisation des institutions politiques nationales, de la part de puissances étrangères », « pour une guerre totale contre les complices de la secte Boko Haram, au niveau national ». voilà ce qu’en substance des ministres de la Lékié écrivent : entre paranoïa, provocation, bellicisme et calculs bassement politiciens !
Contre une organisation qui ne se contente pas de faire de la guerre, mais s’illustre aussi par la sophistication de sa propagande, il faut, avant tout appel public à la violence d’Etat, une véritable stratégie de contenus de la part des pouvoirs publics camerounais.
La trajectoire de mobilisation des diverses formes de soutien dont bénéficie Boko Haram dans le nord du Nigeria et du Cameroun d’une part et la trajectoire de mobilisation financière d’autre part n’ont épargné ni notre argent public ni l’enrôlement de pauvres camerounais.
Donner de la voix, oui ; donner de sa propre personne, inouï
C’est grossièrement remettre en question Paul Biya que d’appeler à la « guerre totale », alors que lui-même n’a pas encore déclaré le Cameroun en état de guerre (Si l’on excepte la déclaration de Paris, qui est à replacer dans un contexte de communication politique), alors que ces prétendues « élites » mettent en avant leur appartenance partisane, alors que les ressources nationales doivent être affectées à d’autres objectifs que l’achat d’armements… La guerre, c’est très commode contre un autre Etat, mais contre une organisation qui met en échec le géant nigérian, il faut réfléchir à ce qu’implique pour l’ensemble des Camerounais l’appel au feu et au sang. Si vraiment Eyébé Ayissi et ses cosignataires masqués veulent la guerre, qu’ils forment, en tant qu’élite, l’unité expéditionnaire qui ira au « Septentrion » prêter main forte à nos forces armées : c’est aussi cela d’être en guerre totale.
L’approche des soi-disant « élites » de la Lékié est réactionnaire en ceci qu’elle ignore la complexité de la menace, inappropriée et irresponsable parce qu’elle crée un malaise à la limite de la crise institutionnelle : le président de l’assemblée nationale ayant été obligé de s’expliquer, à tout le moins de se défendre. Leur appel est illisible et mal ficelé, il ne propose rien et se contente d’amplifier des rumeurs.
Un seul département, politiquement et sociologiquement, ne peut avoir qu’une seule élite. Ces invisibles de la politique camerounaise, élevés par des décrets, autoproclamés « élites », sont si désireux d’ être maintenus dans leurs baronnies, qu’ils n’hésitent pas à activer les leviers tribaux ou régionaux : faut-il qu’ils soient inaudibles pour se mettre à tant pour faire passer un « appel » qu’un seul aurait mieux porté ?
L’Appel du bon sens
Des propositions peuvent être faites, chaque Camerounais doit poster ses « tips », car ni la DGRE ni la défense ne savent exactement la solution qui s’impose. Je propose d’organiser notre contre-offensive en s’appuyant sur deux principes simples qui sont autant de recommandations.
Premier principe : A partir de l’expérience militaire, il faut dresser une matrice des compétences interculturelles nécessaires à l’amélioration du climat des échanges : la solution à l’expansionnisme et la radicalité de Boko Haram n’est pas strictement militaire et curative mais pédagogique et préventive : une politique de l’apaisement et de la détermination face à la folie furieuse de certains leaders religieux.
Deuxième principe : Une coopération sans exclusive avec tous les Etats de l’Afrique de l’Ouest matérialisable à travers la création d’un Think Tank transdisciplinaire qui réfléchirait aux défis que pose le vivre-ensemble et d’autre part de points focaux dédiés au dialogue interculturel de la société civile.
Ces « principes » doivent s’appuyer sur un certain nombre d’initiatives. Il faut :
* Améliorer les politiques de lutte contre la pauvreté et l’implication effective par le gouvernement à tous les niveaux.
* Assurer une audience à tous les griefs de tous les groupes d’intérêt dans la mesure du possible.
* Règlementer, à titre préventif, la prédication dans les réunions religieuses.
* Améliorer le renseignement criminel des agences de sécurité, tout en leur faisant acquérir des compétences interculturelles : un peul, un haoussa, un kanuri, ça n’est pas seulement des « wadjo ».
* Élaborer des mécanismes efficaces de conciliation, de médiation, d’arbitrage, de résolution et la transformation et de règlement extrajudiciaire des différends. C’est-à-dire créer un Ombusdman. Il nous faut un médiateur de la république, une autorité symbolique qui pourra réguler les prises de parole publiques qui mettent à mal la cohésion d’un peuple. En son temps, Paul Biya avait dit au regretté Bernard Stasi vouloir créer cette institution au Cameroun
Les « puissances étrangères » sont toutes des puissances amies, jusqu’à preuve de contraire ; les complices éventuels dans le « Septentrion » sont des Camerounais qu’il faut connaitre, comprendre, éduquer ou arrêter et juger avant de combattre par le feu, en dernier recours.
Éric Essono Tsimi,
Ecrivain, né à Monatélé.