Après son lancement en France le 12 octobre dernier, le dernier album du chanteur sénégalais Omar Pene, intitulé Ndam (le triomphe, en wolof) sort ce jeudi au Sénégal. Textes graves posés sur de douces mélodies aériennes, celui qui se surnomme « la voix des sans voix » est revenu à l’acoustique, après Moom Tamit sorti en 2007. Il confirme ici son propre style, sobre et épuré au service de son magnifique timbre vocal, quatre ans après l’album Myamba, qui lui avait ouvert les portes du public international.
C’est à partir de l’enregistrement de sa voix, accompagnée seulement de quelques filets de guitare, que les musiciens français du studio parisien où l’album a été produit, ont composé l’habillage musical des dernières chansons d’Omar Pene. Dans son nouvel opus, la grande voix de la chanson sénégalaise, renoue avec l’acoustique. Ndam (le triomphe, en wolof) est à ranger dans la même catégorie que Myamba, son premier album acoustique sorti en 2005, qui l’ a révélé au public international. Destiné à poursuivre la même trajectoire à l’étranger, Ndam place la barre à la hauteur des ambitions du chanteur, qui est le premier à reconnaître que ce disque est le plus abouti de ses albums. Alternant ballades folk, mbalax lent et complaintes jazzy, ses douze titres forment un ensemble uni et saisissant. Épuré et sobre, l’accompagnement instrumental formé de guitares, d’une basse, de percussions, de cuivres, de sabars et, touche innovante, d’un accordéon, semble n’obéir qu’à une seule fonction : agrémenter la voix de l’artiste, se mettre à son service. Dense, vibrante et profonde, celle-ci séduit toujours autant, à tel point qu’il en deviendrait presque secondaire de comprendre les textes (en wolof). Et pourtant, fidèle à lui-même, le chanteur du Super Diamono (orchestre phare de la musique sénégalaise) ne manque pas à son devoir de « voix des sans voix », comme il aime tant à se définir.
Les chansons de l’artiste engagé qu’il est abordent une fois de plus les tragédies quotidiennes de la société sénégalaise, de l’exil des jeunes aux mariages de castes, des enfants maltraités aux amours déchus. Omar Pene, le leader de « l’orchestre des voyous » de Dakar n’a pas fini de dénoncer la misère, l’injustice et le manque d’intégration africaine. Des thèmes qui ont bâti sa notoriété et celle du Super Diamono. Fils d’un agent de la bibliothèque de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Omar Pene, qui a grandi dans le milieu universitaire, est resté très proche des étudiants, donnant chaque année plusieurs concerts gratuits dans l’ enceinte de l’université. Chanteur des étudiants, des intellectuels et des laissés pour compte, il nous offre avec Ndam une nouvelle facette de sa sensibilité à fleur de peau, tout en affirmant un peu plus son style musical : une charge émotionnelle profonde alliée au mariage inouïe de la souplesse harmonique des instruments et de sa sublime voix.
Afrik.com : Avec Ndam, on vous retrouve avec un album acoustique, quatre ans après Myamba. Pourquoi ce choix?
Omar Pene : L’acoustique me sied, il met ma voix en valeur. C’est avec ce style de musique que nous avons commencé avec le Super Diamono. Je pense que cette musique est plus abordable par un public international, à qui l’album est destiné, en plus du public sénégalais. Même si je ne chante pas dans une langue internationale, mais dans ma langue qui est le wolof, les gens comprennent. La musique est un message à elle seule.
Afrik.com : Dans Ndam l’accordéon a remplacé la kora…
Omar Pene :Tout à fait. L’accordéon apporte une nouvelle coloration. En fait, l’album a été enregistré en France, par des Français qui ont composé l’habillage musical à partir de ma voix. J’ai d’abord enregistré ma voix en studio, puis ils ont composé dessus. Et le jour où j’ai reçu les versions de mes chansons avec l’accordéon, j’ai trouvé ça magnifique. Thierry Garcia (arrangeur d’Olivia Ruiz) et ses collègues, qui ont composé cet album, ont été très inspirés. Le bassiste m’a raconté qu’il a eu l’impression de chanter avec moi. Ma voix les a guidés dans leur travail en quelque sorte. Et le résultat est exactement ce à quoi j’aspirais.
Afrik.com : Ndam, la chanson-titre de l’album, signifie « Le triomphe ». De quoi est-il question exactement ?
Omar Pene :Je parle des paysans et du monde agricole. Au Sénégal, les gens ont été très contents de me voir aborder ce thème-là. Nos paysans ont du courage et de la force. Ils rendent la vie à nos terres arides. Ils peuvent savourer leur « triomphe » quotidien.
Afrik.com : Les enfants maltraités, l’exil des jeunes, le poids des traditions, vos thème de prédilection sont toujours présents. Vous portez toujours « la voix des sans voix »…
Omar Pene : Il le faut bien. Il faut que les mentalités évoluent. L’Afrique a besoin de ses fils chez elle. Et puis il y a encore de gros problème dont il faut parler. Ça me touche de voir des enfants laissés à l’abandon circuler dans les rues de Dakar, la maltraitance que certains enfants subissent et que je chante dans Sa dom (Ton fils). La chanson Jedina la (Je t’ai compris) parle des castes et des mariages impossibles, qui existent toujours. Je me mets à la place des gens en fait. Du coup, je ne me lasserai jamais de dénoncer ces situations. C’est une sorte de mission à mes yeux.
Afrik.com : Le panafricanisme est un autre thème qui vous tient à cœur…
Omar Pene :Je suis panafricaniste et je le revendique. L’avenir de l’Afrique se trouve dans son intégration, dans les Etats-Unis d’Afrique, tels que l’ont souhaité Mouammar Kadhafi et le président Abdoulaye Wade. Nous ne sommes que des micro-Etats, on ne peut pas se développer comme ça. Dans Xamlen (Le saviez-vous ?), je chante aussi les Grands Hommes de l’Afrique que sont Kruhma, Sankara, Lumumba, Cheikh Anta Diop, comme je l’ai toujours fait. J’ai chanté Mandela quand il était en prison en 1987, ça a donné le tube que l’on connaît. C’est important de rendre hommage à toutes ces personnalités qui ont fait l’Afrique.
Afrik.com : Doit-on s’attendre à vous voir seul désormais, sans le Super Diamono ?
Omar Pene : Ma carrière solo a débuté dans les années 90, quand nous sommes devenus : « Omar Pene et le Super Diamono ». Cela correspond au moment où le groupe s’est professionnalisé, où nous avons eu une structure, une organisation véritable avec un manager… Aujourd’hui, je suis en train de tracer une autre voie, avec d’autres artistes que les membres du Super Diamono, pas forcément sénégalais. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire l’album Ndam avec Thierry Garcia et ses musiciens, qui sont français.
Afrik.com : Le Mbalax ne vous manque pas ?
Omar Pene :(Il sourit.) Non. Et puis, je chante toujours avec le Super Diamono en concert, en tournée. Pour moi, la musique c’est vraiment se confronter aux autres, se renouveler. C’est extrêmement important.
Afrik.com : Peut-on parler d’un « style Omar Pene », comme on a qualifié d’ « afro-feeling » la musique que vous avez inventée avec le Super Diamono ?
Omar Pene :(Il rit.) Je n’ai pas cherché à copier pourtant… Là, c’est un style plus reposant, plus posé. On amène le public à écouter doucement l’album. Il nécessite un certain confort d’écoute. En fait, ce que je fais, je le fais pour les gens, pour le public. J’ai l’habitude de dire « ce qui sort du cœur va au cœur ». Je capte l’attention, les sentiments du public. Ma voix plait beaucoup, tous comme les thèmes que j’aborde. Bref, c’est peut-être tout cela le style Omar Pene.
Afrik.com : Un mot sur la jeune génération de chanteurs sénégalais ?
Omar Pene : Malheureusement ils copient à 70% les Ismaël Lo, Youssou Ndour, Thione Seck et moi-même. On ne trouve pas de chanteurs qui ont des styles novateurs. Sinon, du côté des rappeurs, là il y a des choses intéressantes. J’aime beaucoup Didier Awadi.
Afrik.com : Cette année le Super Diamono célèbre ses 35 ans. Comment allez-vous fêter cet anniversaire ?
Omar Pene :Nous chanterons lors de deux soirées à la fin de l’année. Une soirée de Gala à la Caserne des gendarmes de Dakar pour un public privé et un concert qui rassemblera tous les musiciens qui sont passés par le Super Diamono et qui s’adressera à tous nos fans. Ce sera gratuit. Il aura lieu à la Place de l’ Obélisque. Pour les trente ans du groupe, nous avions déjà chanté dans les mêmes conditions et plus de 200 000 personnes étaient présentes. Nous nous attendons à la même chose cette année, voire encore mieux.
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