L’hebdomadaire » La Griffe » a été suspendu sur décision du Conseil national de la Communication gabonais (CNC) : l’organe national de régulation. Pourquoi ? Le directeur de la rédaction, Michel Ogoundou, suspecte une manoeuvre de la présidence et de son entourage, éclaboussés par une affaire de crime à caractère fétichiste. Interview.
L’hebdomadaire satirique gabonais » La Griffe » , et son supplément » Le Gri-Gri » ont été suspendus le 15 février dernier sur décision de l’instance de régulation, le Conseil National de la Communication (CNC). Motif : » acharnement particulier, frisant la provocation, à l’encontre du président de la République, de son épouse, de ses enfants et autres membres de sa famille, portant gravement atteinte à son honneur « . Le CNC a par ailleurs interdit provisoirement à Raphaël Ntoutoume, rédacteur en chef et Michel Ongoundou, directeur de publication, d’exercer leur profession. De passage dans les locaux d’Afrik, celui-ci prétend aujourd’hui que cette décision est intervenue alors que » La Griffe » enquêtait sur un crime fétichiste impliquant un proche du » clan présidentiel « …
Afrik : C’est la troisième fois que La Griffe est suspendue en deux ans et demi. Là, la sanction du CNC est encore plus sévère. Et elle coïncide avec la sortie du livre d’Omar Bongo, » Blanc comme Nègre « , que vous avez houspillé. Voyez-vous un lien entre ces deux événements ?
Michel Ongoundou : C’est vrai que nous n’avons pas été gentils avec ce livre que nous considérons comme une procuration masquée dans l’affaire Elf. Mais je soupçonne Bongo de nous en vouloir pour une toute autre affaire. Nous avons reçu le 19 décembre 2000 une double assignation du président et son épouse ainsi que de sa belle-soeur, Giselle Opra. La première pour un article révélant comment Madame Bongo s’était appropriée le terrain d’un voisin, l’autre pour un crime fétichiste commis cet été et dans lequel est impliquée Mme Opra. Ces deux assignations ont été imprimées sur le même matériel, elles ont été envoyées le même jour, à la même heure. Les plaignants sont également défendus par le même avocat.
Tout indique qu’il s’agit d’une offensive du clan présidentiel contre nous. En multipliant les attaques, la présidence cherche à détourner l’attention du principal motif d’inquiétude : le crime fétichiste.
Afrik : Puisque vous êtes attaqués en justice, pourquoi le CNC est-il intervenu ?
M.O.: Parce que le 17 janvier dernier, jour de l’audience, l’affaire a été renvoyée. Car ni nous, ni Omar Bongo n’étions présents. Le procès du président a été renvoyé à début mars, celui que nous intente Mme Opra, au 21 février. Entre temps, il y a eu un événement inattendu qui ne simplifiait pas les affaires de la présidence : une grève de la magistrature qui va retarder considérablement les audiences. Ce temps gagné, Bongo et son entourage ont dû craindre que nous l’utilisions pour poursuivre nos investigations.
Afrik : Vous insinuez donc que le CNC reçoit ses ordres directement de la présidence ?
M.O.: Le président Pierre-Marie Dong a été nommé par la présidence, tout comme chaque membre de cette commission. Le lien de subordination n’est plus à démontrer.
Afrik : Qu’allez-vous faire ?
M.O. : Attaquer la décision du CNC en justice. La commission est-elle seulement qualifiée pour nous suspendre, au nom de la présidence de la République ? Nous allons également réactiver notre édition en ligne à partir de la France, puisqu’il ne nous est plus possible d’imprimer et de distribuer La Griffe.