Le départ de l’actuel Président de l’AFP, Pierre Louette, entraîne l’ouverture de la procédure de recrutement d’un nouveau Président pour l’Agence France Presse. En lice, Olivier Zegna Rata, qui fut il y a dix ans l’un des fondateurs d’Afrik.com, et actuellement directeur des relations extérieures du groupe Canal+. Il s’explique pour nous sur sa candidature.
Afrik.com : En 2000, la création d’AFRIK.COM, en 2010, la candidature à l’AFP. Un lien entre ces deux dates ?
Olivier Zegna Rata : La même passion, la passion d’informer et de développer les médias. Lorsqu’en 2000 nous avons décidé, avec quelques amis et collègues venus du journalisme ou de la télévision, de créer AFRIK.COM, c’était face à un constat : la pauvreté du paysage multimédia en Afrique, l’absence de l’information africaine sur le réseau Internet. Le discours général était : « L’Afrique doit rattraper son retard et développer Internet… » Mais en même temps, il n’y avait pas de contenu africain sur Internet. Donc avant même d’inciter les Africains à s’informer sur Internet, il fallait faire l’effort de leur permettre de s’y exprimer. La réponse a été AFRIK.COM, c’est-à-dire un journal quotidien en ligne réalisé par des journalistes qui sont pour la plupart africains ou à tout le moins originaires de l’Afrique… Et la formule était suffisamment forte pour qu’AFRIK ait pu développer deux éditions, française et anglaise, et une multitude de sites de services ou de sites magazines, comme afrik-foot, Beautés d’Afrik ou afrikeco… Avec en perspective proche, je le sais, le développement d’une activité d’agence vidéo sur l’Afrique parce que là encore, il faut profiter du multimédia, désormais bien installé sur le continent, pour faire mieux circuler les images d’un pays à l’autre et du Sud au Nord… Et là encore AFRIK.COM va innover pour défricher un nouveau marché et rendre service à l’Afrique en lui offrant des outils performants pour s’exprimer dans une société de l’Information mondialisée… Je crois que le projet initial que nous avions en créant AFRIK.COM s’est développé comme nous l’avions envisagé et je suis particulièrement heureux qu’on trouve aujourd’hui des anciens journalistes d’AFRIK.COM dans beaucoup de rédactions, non seulement à Jeune Afrique, mais à France 2, à Radio France, à l’AFP, et évidemment dans mon cas à CANAL+… Je crois que tous les anciens d’AFRIK.COM restent attachés à cette aventure parce qu’elle reste inspirante.
Afrik.com : Mais l’AFP est aussi présente en Afrique…
Olivier Zegna Rata : Evidemment ! C’est même l’Agence la mieux implantée en Afrique. Mais toute la différence est là : AFRIK.COM est un média, l’AFP est une Agence de Presse. AFRIK.COM a pour vocation de délivrer quotidiennement et gratuitement à ses lecteurs une information généraliste. L’AFP donne à tous les médias du monde les moyens d’informer de ce qui se passe en Afrique, notamment. Les deux missions ne sont pas concurrentes. Elles sont complémentaires. Elles n’ont ni les mêmes ambitions, ni les mêmes moyens, ni le même public. Maintenant si la question est : est-ce que je mettrai au service du développement de l’AFP en Afrique ma connaissance du continent, les liens que j’y ai noués, la réponse est : évidemment oui ! Sur le plan médiatique, l’Afrique est un continent en mutation. La croissance économique du continent est forte et régulière, à faire pâlir d’envie les puissances européennes sur toute la dernière décennie. Et avec le développement fulgurant de la téléphonie mobile, l’Afrique saute les étapes dans sa consommation de l’information : je connais plusieurs opérateurs mobiles qui sont prêts à innover en Afrique, pour développer de nouveaux types de services sur leurs terminaux et pourquoi pas en partenariat avec l’AFP ? Il faut étudier toutes les pistes pour renforcer la circulation d’une information fiable, rigoureuse, vérifiée, indépendante, et trouver de nouvelles ressources pour la financer. Nous sommes dans l’ère de l’information démultipliée, mais souvent fantaisiste. L’AFP est une référence mondiale. Elle doit innover pour imposer ce label et cette référence. On a l’impression que la démultiplication de l’information affaiblit sa valeur. Mais en réalité, la valeur de l’exactitude, la valeur de la pertinence, ne fait que croître. Et de plus en plus d’acteurs vont être prêts à payer pour elle !
Afrik.com : Le même raisonnement vaut aussi pour les autres continents ?
Olivier Zegna Rata : Probablement. La situation est néanmoins différente selon les stades de développement médiatique. En France, en Europe, la force de l’AFP est dans son effacement, elle est un outil à la disposition des rédactions et elle a vocation à passer inaperçue derrière ses clients, qui doivent pouvoir lui faire totale confiance, à la fois dans le contenu de l’information et la manière dont elle leur est proposée. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien changer : aujourd’hui un journaliste travaille en permanence sur Internet, il cherche l’information en utilisant les liens hypertexte et les moteurs de recherche. Le problème, c’est que les moteurs de recherche effectuent leur tri en fonction d’algorithmes complexes, mais qui n’ont rien à voir avec la recherche de l’information juste. L’une des responsabilités de l’AFP est donc de faire évoluer la présentation de ses dépêches et la navigation offerte à ses clients journalistes dans la base de données qu’elles constituent. Il faut que les journalistes puissent naviguer dans l’information AFP plutôt qu’à travers les résultats d’une recherche sur Google. On évitera ainsi beaucoup d’erreurs ou d’approximations. Tout cela a déjà été engagé par Pierre Louette et les équipes de l’AFP, cette mue de la dépêche et de ses outils d’indexation est en cours, il faut maintenant l’achever très vite pour que l’AFP puisse reconquérir des parts de marché en France comme dans le reste du monde !