Election présidentielle dans les délais constitutionnels, candidature unique de l’opposition, appel à la candidature de Moise Katumbi, etc., Olivier Kamitatu, l’ex-ministre du Plan et figure emblématique du G7, l’une des principales plateformes de l’opposition en RDC, répond aux questions d’AFRIK.COM à l’heure où l’avenir politique du Congo-Kinshasa demeure encore incertain.
A Kinshasa,
Les élections des gouverneurs se sont tenues le 26 mars dernier. Quels enseignements tirez-vous de leurs résultats ?
Le G7 n’a pas participé à ces élections et ne se sent donc pas concerné par ces résultats. Par ailleurs, le corps électoral, composé de députés provinciaux élus en 2006 et dont les mandats n’ont jamais été renouvelés, n’a pas facilité l’exemplarité de ce scrutin. Tout indique qu’il faut plutôt évoquer un simulacre d’élections. Les conditions minimales d’ouverture, d’égalité de traitement des candidats et de transparence n’ont pas été respectées. Ainsi, avant même le scrutin, l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir a-t-elle abouti à l’invalidation de nombreux candidats indépendants suspectés par la Majorité d’être proches du G7 ou de Moïse Katumbi. Tout a été mis en œuvre afin d’empêcher ces candidats de se présenter. Et même quand ils sont passés à travers les mailles de filet et l’ont emporté, ils ont été rattrapés par des procès et autres recours intentés par la majorité. Que dire de plus, c’est une parodie d’élections.
La CENI a été vivement critiquée, ces dernières semaines, pour sa partialité. Comment y remédier ?
La CENI est avant tout un instrument technique d’appui. Elle ne peut donc se substituer au politique. L’idéal serait un réaménagement de fond en comble de cette institution. Cependant, si nous voulons respecter les délais constitutionnels, le temps d’un tel nettoyage nous manque. Il nous faut donc renforcer la crédibilité de la CENI. Un mécanisme de concertation et de suivi de cette instance existe. Il s’agit d’une commission tri-partite composée paritairement de membres de la Majorité, de l’Opposition et de la Société Civile. Il convient donc de renforcer cet instrument par un recours systématique à ses avis qui doivent être liés. Sur une base régulière, la CENI doit rendre compte de ses travaux devant l’Assemblée nationale en prenant soin d’assurer la plus large publicité possible à ses débats. Enfin, un soutien et un appui technique en expertises de la part de la MONUSCO à la CENI nous parait indispensable pour améliorer et optimiser son fonctionnement afin que la CENI puisse s’aligner sur les exigences des délais constitutionnels.
L’élection présidentielle peut-elle encore se tenir dans les délais constitutionnels ? Si oui, comment y parvenir ?
En ne finançant pas à temps la CENI pour l’organisation des élections, l’Exécutif a délibérément et artificiellement créé les conditions d’un éventuel glissement, mais toutefois, l’élection présidentielle peut encore se tenir dans les délais prévus par la Constitution. Elle est la plus simple et la moins onéreuse de toutes les élections qui doivent être organisées. La toute première condition de crédibilité de ce scrutin réside dans la qualité du fichier électoral. La révision du fichier actuel pour y intégrer les jeunes majeurs qui auront atteint l’âge de 18 ans est une urgence absolue. Il s’agit donc d’une révision partielle qui, selon les experts de l’OIF qui ont audité le fichier actuel, ne devrait pas prendre plus de 5 mois. Tout est donc encore possible s’il y a une volonté politique. Le financement n’est pas insurmontable. En deux ans, le gouvernement a dépensé plus d’un milliard de dollars dans des projets et des acquisitions non budgétisés. Peut-on manquer de 200 à 300 millions pour l’élection présidentielle ? Certainement pas. Il faut désormais se concentrer sur l’élection dont le calendrier est fixé dans la Constitution – autrement dit, la présidentielle – pour éviter de tomber dans un schéma de présidence intérimaire.
Si l’élection présidentielle ne peut se tenir à la date prévue par la Constitution, comment envisagez-vous l’éventuelle période de Transition après le 19 décembre 2016 ?
Il est essentiel de dire, ici et maintenant, que les Congolais doivent savoir que si l’élection présidentielle ne se tient pas à la date prévue, c’est qu’il y a un responsable qui a failli à ses obligations et engagements au regard de notre Constitution : le Président Joseph Kabila et son Gouvernement. Dans son esprit et dans sa lettre, la Constitution précise les conditions qui régissent le pouvoir en cas de non-tenue des élections dans les délais. Ne pas organiser les élections dans les délais relève d’un échec flagrant. Quelles que soient les raisons de cet échec, et surtout pas le manque de moyens financiers, les responsabilités doivent être dégagées. Le refus de répondre à la question sur la non tenue des élections dans les délais est un fait aggravant. Et de l’incompétence avérée, le pas est vite franchi pour dénoncer la complicité qui confine à la trahison des engagements souscrits de respecter et faire respecter la Constitution. Dans ces conditions, la vacance du pouvoir est constatée. Le 19 décembre, en vertu de l’honorabilité et de la respectabilité de sa fonction et de l’institution qu’il incarne, le Président Kabila est invité à suivre l’exemple de M. Martelly en Haïti.
La plateforme G7, dont vous êtes l’un des responsables, s’est réunie les 29 et 30 mars derniers pour porter la candidature de Moise Katumbi à la prochaine Présidentielle. Quelles sont les raisons de votre choix ?
Comme vous le savez, le G7 comme Moise Katumbi ont quitté la majorité car le doute qu’ils avaient sur la volonté du Président Kabila de respecter la Constitution s’est transformée en conviction à la suite de trois courriers adressés à Joseph Kabila qui sont demeurés sans suite. Cette intime conviction s’est renforcée au vu des pratiques et comportement des gouvernants qui ont bloqué le financement des élections, instrumentalisé les institutions en revendiquant un dialogue politique pour s’arroger gratuitement une extension du mandat, voire même un référendum constitutionnel pour modifier les règles du jeu. Les déclarations des communicants de la majorité traduisent un état d’esprit et une posture de défi permanent. Le G7 et Moise Katumbi partagent en commun non seulement un long parcours dans l’ancienne majorité mais également un socle de valeurs communes dont en particulier le respect de la Constitution, la défense de la démocratie et des libertés en RDC. Face aux défis à relever au Congo, le G7 veut un candidat présidentiel rassembleur et capable d’assurer la sécurité des Congolais, de transformer l’économie congolaise en s’appuyant notamment sur les partenariats public-privé et la requalification du capital humain congolais, un meneur d’hommes capable de redonner confiance aux Congolais et fierté au grand Congo.
Le parcours exceptionnel de Moise Katumbi, dans le secteur privé comme dans la gestion publique avec des résultats flatteurs – notamment à la tête du Katanga – démontre qu’il est un leader visionnaire et exemplaire sur lequel le Congo peut désormais compter. C’est un homme courageux et ambitieux qui incarne la réussite. Nous voulons que son talent, avec le concours de tous, soit mis à la disposition du Congo pour qu’ensemble, nous tournions la page Kabila et construisions un Congo gagnant pour tous.
Pensez-vous possible une candidature unique de l’opposition à l’élection présidentielle ? Ne craignez-vous pas le cavalier seul de l’UDPS ?
Dans une élection à un tour, il nous semble indispensable de donner toutes les chances au camp du changement pour battre les Kabilistes à plate couture et sans bavure. L’unité de l’opposition est donc une exigence majeure pour que l’espérance du peuple congolais l’emporte sur le désespoir. Ainsi, pour créer les conditions du succès, nous, G7, avons, en toute humilité, fait taire nos ambitions égoïstes en désignant une personnalité indépendante comme Moise Katumbi, notre candidat présidentiel. A nos yeux, il est le plus capable de rassembler l’opposition et susciter une adhésion populaire des Congolais au projet d’alternance 2016. Moise Katumbi travaille à réunir l’opposition dans un large rassemblement pour ouvrir le chemin de l’espérance à la victoire du peuple. Dans cette dynamique, il a engagé des discussions avec les leaders de l’opposition notamment Vital Kamerhe, arrivé 3ème à la dernière Présidentielle, et le leader de l’UDPS, M. Etienne Tshisekedi. Tous les partis de l’opposition veulent le respect de la Constitution, la consolidation de la démocratie et plus de développement pour le Congo. Sur cette base de valeurs communes, je n’ai aucun doute sur le fait que nous trouverons le chemin d’un accord pour une candidature unique à la Présidentielle pour le plus grand bien du peuple. Celui qui jouera cavalier seul en portera toute la responsabilité devant les Congolais et l’histoire.
Burundi, Ouganda, Congo-Brazzaville et bientôt Rwanda, ne craignez-vous pas qu’en RDC, le président sortant ne cherche également à s’éterniser au pouvoir ?
Ce sont tous nos voisins avec qui nous avons des histoires heureuses et parfois malheureuses. Si les différents Présidents partagent effectivement la volonté de rempiler, la RDC a une histoire et des réalités différentes de ces pays. Chez nous, personne n’a gagné la guerre, personne ne l’a perdue. De transitions en transitions, nous avons gagné la culture du compromis. Ainsi, le Président Joseph Kabila est-il le fruit d’un compromis politique obtenu lors du Dialogue Inter-Congolais de Sun City, tout comme notre Constitution, socle de la 3ème République, qui est à la base de la paix et de la stabilité actuelle de la RDC. La voie prise par le Burundi est inquiétante et risque d’avoir un impact très négatif pour la paix dans la sous-région. Il en est de même du Congo-Brazzaville dont nous suivons avec beaucoup d’attention la situation préoccupante. Nous déplorons l’évolution de ces pays et compatissons pour les pertes inutiles en vies humaines, sans compter les milliers de déplacés et de familles déchirées.
En ce qui concerne le Congo-Kinshasa, le peuple ne veut pas de tripatouillage constitutionnel avec pour finalité de voir s’éterniser M. Kabila au pouvoir. Tout mouvement en ce sens risquerait de plonger la RDC dans un chaos indescriptible dont l’impact, sur le plan sécuritaire et humanitaire, serait épouvantable et terrible pour la paix et la sécurité de la sous-région. Personne n’a envie de revivre le drame humanitaire qui s’est passé au Congo et a cassé la stabilité économique en cours. Ainsi avec la résolution 2277, nous nous réjouissons que l’ONU ait pris la mesure de la situation en demandant clairement au pouvoir congolais d’organiser les élections dans le respect de la Constitution et des délais constitutionnels.