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Créée en 1993, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a transformé le paysage économique de 17 pays africains. Trois décennies plus tard, son bilan témoigne d’une révolution juridique majeure au service du développement du continent
De Dakar à Brazzaville, l’OHADA a profondément modernisé l’environnement des affaires dans ses États membres, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun, trois poids lourds économiques de la zone. L’harmonisation du droit des affaires a considérablement simplifié les procédures de création d’entreprise et renforcé la sécurité juridique des investissements. Ces avancées ont fait de l’organisation un acteur incontournable pour les investisseurs internationaux sur le continent.
La dernière décennie a vu l’adoption de réformes majeures, transformant radicalement le paysage entrepreneurial africain. L’introduction de la Société par Actions Simplifiée en 2014 a modernisé le droit des sociétés et facilité les levées de fonds internationales. En parallèle, l’intégration du droit des sociétés coopératives a ouvert la voie à l’économie sociale et solidaire, permettant l’émergence de milliers de structures dans la région.
Gouvernance et transparence : les nouveaux chantiers de Dakar
La 58e session du Conseil des ministres s’est tenue le 15 février 2025 à Dakar. Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a insisté sur la nécessité d’une gestion budgétaire rigoureuse : « Je vous exhorte parallèlement à assurer la mobilisation abondante des ressources que vous aurez allouées aux différentes institutions, mais également à une affectation rigoureuse et conforme des deniers que nos États mobilisent avec beaucoup de sacrifices ».
Cette session a également relancé la réforme attendue du droit des co-entreprises, qui devrait faciliter les joint-ventures internationales et renforcer les partenariats économiques sur le continent. La nomination d’un nouveau comité de surveillance financière témoigne de cette volonté de renforcer la gouvernance institutionnelle.
Les défis de la transformation numérique
Face à l’essor des fintech africaines, l’OHADA prépare une réforme ambitieuse de son cadre juridique. L’organisation travaille sur l’adaptation de ses textes aux nouvelles réalités numériques, notamment concernant les crypto-actifs, les smart contracts et le financement participatif. Un projet d’Acte uniforme sur l’économie numérique est attendu pour début 2026. « Nous devons adapter notre droit aux crypto-actifs, aux smart contracts et aux nouvelles formes de financement participatif » nous a expliqué un participant.
La modernisation touche également la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). Son nouveau système de médiation en ligne, prévu pour septembre 2025, devrait accélérer la résolution des litiges commerciaux.
L’OHADA à l’horizon 2030
L’organisation se fixe des objectifs ambitieux : digitalisation complète des procédures d’ici 2027, création d’un registre unifié du commerce entièrement numérique, et harmonisation avec les standards internationaux de protection des données. La prochaine conférence des chefs d’État, prévue en décembre 2025 à Libreville, devrait valider cette feuille de route.
Dans un contexte de compétition juridique accrue, notamment avec le Common Law est-africain, l’OHADA doit aussi relever le défi de l’harmonisation avec le droit islamique dans des pays comme le Mali et le Tchad. La création d’un comité spécial sur cette question est à l’étude.
Après trois décennies d’existence, l’OHADA reste un moteur de l’intégration économique africaine.