Les Européens boudent les organismes génétiquement modifiés (OGM) mais les Etats-Unis ne désespèrent pas. L’Afrique semble se présenter comme un débouché de choix pour les grandes firmes américaines, leaders mondiaux dans ce domaine. Le sommet qui se tient actuellement au Burkina Faso en est une preuve tangible. Mais l’Afrique est-elle prête pour les OGM ?
Ouagadougou accueille, depuis lundi dernier, une conférence ministérielle inter-africaine dont le thème est « Exploitation de la science et de la technologie pour accroître la productivité agricole en Afrique : perspectives ouest- africaines ». Cette rencontre, co-organisée par le département de l’Agriculture des Etats-Unis et le Burkina Faso, remet à l’ordre du jour la question de l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) en Afrique. Quinze pays africains participent à cette rencontre qui s’achève ce mercredi.
A travers cette manifestation, les Etats-Unis affichent clairement leur intérêt pour le continent en ce qui concerne les OGM. L’Afrique se présente comme une alternative de choix pour les firmes américaines leaders sur ce segment. Elles sont en effet boudées par le marché européen. Selon L’Observateur Paalga, au démarrage de la conférence, le secrétaire du département de l’Agriculture, Ann Veneman, a invité depuis les Etats-Unis, «les Africains à saisir l’opportunité pour ne pas rater la révolution verte avec l’avènement des nouvelles technologies agricoles ».
Offensive commerciale
Les OGM sont, certes, une opportunité pour l’Afrique en termes de croissance des rendements agricoles et voire, pour les plus optimistes, une solution pour lutter contre la famine en Afrique. C’est le point de vue des Américains. Seulement certains scientifiques se montrent plus circonspects, comme le docteur Amadou Moustapha Beye, généticien et responsable technique du Réseau semencier africain. Il se dit « perplexe » quant à l’introduction des OGM en Afrique. Pourquoi ? « Il n’y a pas assez d’études qui ont été menées sur le terrain » pour démontrer notamment de l’impact économique des semences génétiquement modifiées.
Exemple avec le cotonnier. « Pour le protéger pendant un an, les Américains utilisent 200 l de pesticides contre 5 l sur le continent. Dans ces conditions, conclut l’ingénieur agronome, un OGM cultivé aux Etats-Unis est automatiquement rentable. Dans le cas africain, ce n’est pas vérifié. Les seules études sur le coton qui se déroulent actuellement au Burkina Faso ne se sont d’ailleurs pas avérées très concluantes ».
Dépendance économique
Notons qu’utiliser des OGM exige un réapprovisionnement annuel. Ce qui représente une contrainte économique supplémentaire quand on connaît la bourse des paysans africains. Dans la même optique, le Docteur Seri Gérard, coordonnateur du Réseau semencier africain, note « qu’aucune expérimentation n’a été menée sur des cultures qui sont largement consommées sur le continent, comme le mil et le sorgho ». Et il est vrai que les recherches abouties ne portent que sur le maïs, le soja et le coton.
Concernant la rencontre au Burkina Faso, il déplore qu’elle soit plus politique (c’est une conférence ministérielle) que scientifique. Le Dr Beye exhorte d’ailleurs ses confrères à s’impliquer davantage dans les applications biotechnologiques qui présentent un intérêt pour l’Afrique. « Depuis 20 ans, nous n’arrivons pas à augmenter les rendements du sorgho », regrette le scientifique. Les Etats-Unis en organisant cette rencontre au Burkina ont pris les devants pour que les pays africains ne suivent pas l’exemple zambien qui avait refusé l’aide alimentaire américaine. Forme par laquelle le maïs transgénique est introduit en Afrique.
Les chefs d’Etats malien, ghanéen, nigérien et burkinabé, à l’ouverture de la conférence, se sont déclarés « favorables » à l’utilisation des OGM à condition qu’ils ne représentent « aucun danger pour les populations et l’environnement ». Gageons qu’ils sauront se montrer vigilants et attentifs aux avis des spécialistes.