Odon Vallet, enseignant à l’université, spécialiste des religions, faisait partie de la délégation du Président François Hollande qui était à Cotonou, la capitale économique du Bénin, jeudi, première étape de sa tournée africaine. L’occasion pour lui de présenter au chef de l’Etat le travail de sa fondation dans ce pays d’Afrique de l’Ouest où il délivre, chaque année, près de 1 000 bourses à des étudiants béninois.
Odon Vallet est un personnage atypique. En 1999, il décide de mettre sa fortune personnelle, héritée de son père, au service d’une fondation. Depuis 13 ans au Bénin, ce sont 12 000 étudiants qui ont pu bénéficier des bourses scolaires qu’il distribue dans tout le pays. A l’occasion de la visite de François Hollande au Bénin, il a été invité par le chef d’Etat français à qui il a présenté le travail de la Fondation Odon Vallet.
Chaque année, près de 591 collégiens et lycéens reçoivent 340 euros tandis que 412 étudiants boursiers dans l’enseignement supérieur bénéficient de 731 euros, dans 25 établissements publics sur l’ensemble du territoire béninois. Alors que sa Fondation attribue au départ des bourses aux étudiants français de l’Académie de Paris, puis à des étudiants au Vietnam, il choisit de s’implanter au Bénin en raison de la stabilité de ce régime démocratique depuis 1990. « La traversée de long en large du Bénin se fait assez aisément, et il n’était pas envisageable pour moi de réserver les bourses aux seuls élèves de la capitale », justifie-t-il. Créé avec le concours de la Fondation de France, elle est dotée de près de 150 millions d’euros.
« Un grand ami du Bénin »
Chaque année, les 120 élèves béninois qui achèvent leurs études sont remplacés par de nouveaux boursiers. Les meilleurs élèves reçus au certificat d’études primaires, au brevet d’études, au baccalauréat dans chaque filière et les trois premiers du concours de mathématiques bénéficient à chaque fois d’une bourse qu’ils conservent tant qu’ils ne redoublent pas. Il finance à une rare minorité d’étudiants des études en France où tous leurs frais sont pris en charge, soit entre 10 000 et 15 000 euros par an et par élève, qu’il rencontre toute les semaines dans un bistrot de Montparnasse à Paris.
« Le bonheur n’est pas séparable d’un pessimisme actif », explique-t-il. Celui qui se définit comme « un grand ami du Bénin » ne fait rien au hasard et ne se fait pas d’illusions. Chaque année, à date fixe, il effectue trois voyages de 10 jours au Bénin, au cours desquels il parcourt le pays, accompagné de deux soldats armés. Il rend ainsi visite aux étudiants, il rencontre leurs familles, leurs professeurs et leur remet l’argent en cash, main à main. Le bénéficiaire recompte l’argent devant lui et le place sur un compte d’épargne dont les activités sont surveillées par des travailleurs sociaux. Il n’est pas question pour lui que « le père d’un étudiant s’en serve pour s’acheter une nouvelle femme », dit-il.
L’intégralité de sa fortune au service de sa fondation
Nourri par une réflexion de près de 20 ans, Odon Vallet ne fait pas les choses au hasard. Il décide ainsi en 1999 de mettre sa rigueur académique, acquise au cours d’une carrière de professeur dans les universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Paris 7 Diderot pendant vingt-cinq ans, au service des étudiants. « Si je n’étais pas enseignant dans le supérieur, si je n’étais pas président de jury au bac, jamais je ne pourrais animer cette fondation », déclare-t-il. La Fondation Vallet a déjà accordé plus de 41 000 bourses depuis sa création.
Agé de 67 ans, Odon Vallet ne se fait pas d’illusion sur la pérennité de sa fondation. L’important, pour lui, est d’apporter une action dans le présent et le futur proche. A la mort de son père, issu d’un milieu modeste, quand il a 7 ans, il hérite d’une fortune de 100 millions d’euros qu’il fait fructifier par des placements. En souvenir de son père qui rencontra des difficultés à financer ses études et de sa mère qui était particulièrement généreuse avec les associations, il décide de mettre l’intégralité de sa fortune au service de sa fondation. N’ayant pas le goût du luxe, il explique que les 5 000 euros qu’il perçoit chaque mois, qui correspondent au salaire de son métier de professeur qu’il exerce dorénavant à mi-temps et aux droits d’auteurs sur la vente de ses livres, lui suffisent « largement » pour vivre.
Aujourd’hui, ses étudiants boursiers du Bénin ont un taux de réussite aux examens de 97% toutes filières confondues et affichent un niveau de chômage trois fois inférieur à la moyenne nationale au moment de leur insertion sur le marché du travail, dans un contexte pourtant difficile. Ils ont presque tous trouvé des emplois dans la médecine, dans des ONG ou encore dans l’agroalimentaire et la banque notamment. Outre les bourses qu’elle attribue, la Fondation Odon Vallet a créé au Bénin « le plus grand réseau de bibliothèques d’Afrique francophone », notamment à Porto-Novo, gratuites, qui accueillent chaque mois près de 50 000 visiteurs.
« Je n’aurais sans doute pas créé cette fondation si j’avais eu une famille à charge », déclare-t-il. Il n’a pas d’enfants mais il explique que ses étudiants donnent un sens à son existence.