Internet et le vaudoun, ou la modernité au service de la tradition. Le site consacré à l’animisme au Bénin utilise la magie des images pour évoquer la magie des rites. Sans recherche de couleur locale : les photos, prises dans les années 50, sont en noir et blanc.
Joseph Codjovi, Maître-assistant d’Histoire de l’Art à l’Université Nationale du Bénin, n’a pas mis en ligne l’impressionnante collection de photos prises par l’ethnologue Pierre Fatumbi Berger dans le seul but de rappeler un folklore plaisant. Les images de son exposition virtuelle imposent le respect dû aux pratiques religieuses et incantatoires. Rapport au divin de l’animisme, rapport à la nature, à la Vie. Elles rappellent le lien indéfectible des hommes, du ciel, de la terre et du feu, dans la crudité de leur monochromie.
Mythos et logos
Les vaudouns ont l’humilité des sages, et rampent, dans leur costume d’apparat, sur un sol habité de forces telluriques. Qui serait tenté de prendre à la légère ces pratiques se verrait indirectement rappelé à l’ordre par le texte profond qui ouvre cette galerie on line : » le vodoun est un ensemble de pratiques magiques condamnées du reste par les « autres » religions qui feignent d’oublier que l’orthodoxie absolue est chose rare et que la magie est consubstantielle à l’homme « , écrit Codjovi. Et d’ajouter : » L’Homme jamais n’a su appréhender ces éléments premiers de la civilisation qu’à travers des mythes qui parlent à son subconscient « .
Le sens est là, par les mots, par les sorts, qui dessinent une réalité libérée de la dimension plate du » subconscient » comme moteur fermé sur lui-même de nos explications ontologiques. Pas de Dieu lointain, riche des promesses d’un au-delà, pas de » travail analytique » pour enfermer l’homme dans la solitude du verbe : le vaudoun et les multiples déclinaisons de son panthéïsme, s’inscrit dans le présent de ses adeptes et leur ouvre les portes d’un monde où le logos retrouve sa place originelle, dans l’harmonie violente de la Nature.
Devoir de mémoire
Le vaudoun a des visages changeants et ne saurait être saisi au singulier. Sans viser à l’exhaustivité, l’exposition de ces photos des années 50 exhibe aussi bien la fierté des adorateurs d’Achina, de Hebiosso, Legba, Ninsssouhoue, et de bien d’autres… Les photos, parfois dures, comme cet instant volé entre la vie et la mort d’une adepte Sakpata qui attend sa résurrection, sont toutes assorties d’une légende qui ne laisse pas de place à l’ironie. La puissance évocatoire de l’image sert une démarche prosélyte sans être militante : ce qui commence à s’oublier, ces cérémonies qui se sont perdues, font disparaître une force magique que l’homme béninois ne saura remplacer. Si Segbo Lissa, vaudoun du destin de tous les humains, a déserté les lieux, et si les jeunes filles ne se parent plus pour lui des plus belles perles de cauris, qui prendra soin des hommes ? Si les cérémonies et les offrandes ne célèbrent plus la Vie, n’est-ce pas la mort qui vainc ? Qui saura vous ressusciter, ô cultes béninois ?