Le charme et un destin politique marqué par une jeunesse insolente. La candidature du sénateur démocrate Barack Obama aux présidentielles a soulevé un vent de nostalgie au Etats-Unis. Sa prestance et ses discours enflamment le monde et l’Amérique. Là-bas, on le compare à un autre démocrate, le président John F. Kennedy (JFK). Si l’association est politiquement pertinente parce que JFK est un mythe aux Etats-Unis, elle paraît incongrue quand on s’intéresse à l’homme.
On le surnomme désormais « le John Kennedy noir ». Le charisme de Barack Obama, le candidat démocrate à la Maison Blanche, rappelle celui du président américain John F. Kennedy assassiné en 1963 à Dallas. L’homme et son destin tragique ont marqué à jamais l’imaginaire américain. Le sénateur de l’Illinois se fait fort depuis le début de sa campagne de se réclamer de son héritage. Une bonne stratégie ?
Des quadras très charismatiques
Si l’on considère le poids des Kennedy dans la vie politique américaine, la réponse ne peut être que positive. L’appui du camp Kennedy a été un élément décisif dans la course à l’investiture dans le camp démocrate. Après son éclatante victoire en Caroline du Sud, c’est Barack Obama qui l’obtiendra au grand dam de la sénatrice Hillary Clinton. Caroline, la fille du président assassiné, annonce son soutien au sénateur de l’Illinois en publiant le 27 janvier, dans le New York Times, une tribune intitulée Un président comme mon père. Pour la fille de John F. Kennedy, Barack Obama véhicule les mêmes idées de changement que son père. « Toute ma vie, écrit-elle, les gens m’ont dit que mon père avait changé leur vie. » Plus loin, elle conclut : « Je n’ai jamais eu un président qui m’ait inspiré autant que les gens disent l’avoir été par mon père ». « Mais, pour la première fois, je crois avoir trouvé l’homme qui pourrait être ce président. Pas juste pour moi, mais pour une nouvelle génération d’Américains ». Le lendemain, ce sera au tour de son oncle Edward Kennedy, sénateur du Massachussetts, de se rallier au clan Obama. Les kennedy voient en lui le digne héritier du 35e président des Etats-Unis.
Les deux hommes ont un autre point commun : les critiques sur leur incompétence lors de la campagne présidentielle. « En 1960, rappelle François Durpaire, historien et auteur de L’Amérique de Barack Obama publié aux éditions Démopolis, on se demandait si ce jeune sénateur de 43 ans ferait le poids alors que l’Amérique était en pleine guerre froide. Face à lui, il avait un Nixon qui avait été vice-président d’Eisenhower et dont la compétence ne faisait aucun doute ». Pendant la course à l’investiture démocrate, la rivale de Barack Obama, Hillary Clinton, ne cessera d’opposer son passif de première dame expérimentée, parce que très active aux côtés de son mari Bill, à la jeunesse et à l’idéalisme supposé de son adversaire de 46 ans.
Sur les traces d’un mythe politique
L’association Obama-Kennedy est aussi liée à l’histoire personnelle du sénateur de l’Illinois. C’est grâce aux efforts « d’un jeune sénateur du Massachussetts », John F. Kennedy, et à une bourse accordée par la Kennedy Foundation aux étudiants kenyans que son père Barack Hussein Obama aura l’opportunité de venir étudier aux Etats-Unis. Il y rencontrera sa mère et de leur relation amoureuse naîtra Barack Obama junior. « Ainsi, c’est en partie grâce à leur générosité (des Kennedy) que mon père est venu dans ce pays, et parce qu’il l’a fait, je suis devant vous aujourd’hui – inspiré par le passé de l’Amérique, rempli d’espoir pour son futur et déterminé à contribuer à l’écriture d’un nouveau grand chapitre (de son histoire) », a rappelé le candidat démocrate dans un discours prononcé le 28 janvier dernier.
Barack Obama recevait officiellement à cette date le soutien du clan Kennedy à l’Université Américaine de Washington. C’est dans ce campus que JFK a lancé un appel à la paix au monde en 1963. Pour lui, la Pax Americana ne pouvait être obtenue par les armes. Hasard du calendrier, c’est un discours similaire dans le fond qu’a tenu Barack Obama à Berlin où il a entamé ce jeudi sa tournée européenne. Le candidat démocrate s’est exprimé à quelques pas de la Porte de Brandenburg où le président Kennedy prononçât son célèbre : « Ich bin ein Berliner » (Je suis un Berlinois). Il aurait aimé y délivrer, lui aussi, son message d’unité entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde. « Une nouvelle génération, notre génération, doit laisser sa marque dans l’histoire. Face au terrorisme, au réchauffement climatique, à la drogue, la prolifération nucléaire, « nous ne pouvons pas nous permettre d’être divisés », a-t-il déclaré dans la soirée devant 200 000 personnes venues l’acclamer. « Aucune nation, aussi grande et aussi puissante soit-elle, ne peut relever seule ces défis », a-t-il poursuivi. « L’Amérique n’a pas de meilleur allié que l’Europe ». A Berlin, Barack Obama a été d’une éloquence rare pour un candidat à la magistrature suprême américaine, mais le symbole en moins. La chancelière allemande Angela Merkel a estimé que Berlin ne saurait être une « coulisse électorale » et refusé d’accéder à la requête d’Obama de discourir au pied de la célèbre Porte.
Autre faux pas pour Obama, victime du syndrome Kennedy : exposer ses enfants. A maintes reprises, Michelle et son époux avait martelé qu’ils n’arriveraient pas à de telles extrémités. Ils ne souhaitaient pas bouleverser la vie de leurs enfants à cause de la campagne. Mais début juillet, Malia, l’aînée des filles Obama participe à une émission dénommée « Access Hollywood ». L’opération de communication ne sera pas bien accueillie par l’opinion publique. Barack Obama jure après la diffusion qu’on ne l’y reprendra plus. « Je ne pense pas que cela soit sain, et c’est quelque chose qu’on évitera à l’avenir », a-t-il déclaré lors de l’émission « Good Morning America » sur ABC. « C’est une exception, c’était l’anniversaire de Malia, on était dans le Montana, tout le monde s’amusait bien. Je pense qu’on s’est laissé un peu emporter ».
JFK, une destinée pas toujours enviable
Emporté, encore une fois, par cette envie de faire resurgir l’image du couple Kennedy et de leurs enfants. La stratégie politique et les « coups » des stratèges en communication du candidat Obama font recette auprès du public américain. « Il fait sa campagne sur le thème du changement, note au passage François Durpaire, mais il nous ressort des figures du passé. Mais, poursuit-il, ce qui intéresse Barack Obama, c’est d’activer le mythe Kennedy. Il active toute la mythologie américaine. Obama a fait sa déclaration de candidature dans la ville d’Abraham Lincoln. En associant son image à celle de Kennedy, le sénateur de l’Illinois tente de capter l’attention d’un électorat qui a été baigné dans le mythe Kennedy. Les plus jeunes lui étant déjà acquis.»
Vu d’Amérique donc, l’association Obama-Kennedy est des plus pertinentes. Mais quand on écarte du centre du monde, une autre vision émerge. Quel intérêt – la question est légitime quand on ne baigne pas dans cette mythologie – de souhaiter associer son image à un destin aussi tragique que celui de JFK ? La maladie obligeait le président Kennedy, perclu de douleurs, à ingurgiter un nombre incalculable de médicaments pour faire face à ses obligations. Son amour immodéré des femmes et du sexe l’on conduit à de nombreux excès couverts par les services secrets américains. Sa relation avec la torride Marilyn Monroe n’est que la face cachée de l’Iceberg. Que peut bien envier Barack Obama, père et mari exemplaires, à un John Kennedy qui n’était pas un modèle de vertu ? Sa présidence ? Le bilan de John F. Kennedy fut l’un des plus mauvais de l’histoire des Etats-Unis. La fin de son mandat est encore moins enviable : le 35e président américain a été assassiné. De quoi inquiéter plus d’un supporter d’Obama quand on sait les menaces qui pèsent sur la vie du candidat démocrate à la Maison Blanche. Hillary Clinton s’est même permis d’en faire l’écho en évoquant la possibilité d’un attentat contre son rival. « Mon mari n’a pas empoché la nomination en 1992 avant (…) la mi-juin. Et nous nous souvenons tous que Bob Kennedy a été assassiné en juin (1968, ndlr) », a-t-elle confié dans un entretien publié le 23 mai par The Sioux Falls Argus Leader. Barack Obama, à part Hillary Clinton du fait de son rang d’ancienne première dame, est le seul candidat à la Maison Blanche à bénéficier d’une protection des services secrets américains, un dispositif de sécurité payé par l’Etat.
A Paris, où il arrive ce vendredi, Barack Obama ne sera pas le seul homme que l’on compare à Kennedy. Le président français Nicolas Sarkozy jouit également de ce privilège. Ainsi les « JFK » semblent proliférer sur la planète alors que le monde commence à assister à l’émergence d’un destin exceptionnel : celui de l’unique Barack Obama.