Obama au Caire : restaurer la confiance


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Clinton (Etat de New York) – D’aucuns critiquent le Président Barack Obama pour avoir choisi la ville du Caire pour prononcer son discours à l’intention du monde musulman. A en croire certains militants des droits de l’homme et de la démocratie, ce choix validerait les régimes autocratiques en général et celui du président Hosni Mubarak en particulier. Mais alors, où voudraient-ils qu’il le prononce ?

Le Caire est le siège de l’Université Al Azhar, ce haut lieu de la pensée islamique classique.

C’est aussi le siège des principales universités du monde arabe, celles où étudient les générations futures. Peut-on trouver mieux pour s’adresser aux peuples de la région, pour se faire entendre de la jeunesse et des musulmans du monde entier ?

Quoi qu’il en soit, le message de M. Obama ne doit cibler ni un chef d’Etat, ni un pays en particulier. Son message doit cibler tous ceux qui ont perdu leur foi en les Etats-Unis aux cours des dix années passées. Son but doit être de restaurer cette foi.

Pour y parvenir, M. Obama doit faire un retour aux sources. Il doit renouveler l’engagement des Etats-Unis envers la justice et la primauté du droit – cheminement qu’il a amorcé en interdisant la torture et en s’opposant au système de détention indéfini qui avait cours à la prison de Guantanamo Bay.

Barack Obama doit défendre les valeurs américaines telles que la démocratie, non pas parce que nous cherchons à imposer nos valeurs aux autres, mais parce que nous croyons que la démocratie est notre meilleur bouclier contre le radicalisme et le meilleur garant de la stabilité et d’une gouvernance équitable. Les gens qui participent à leur propre gouvernement par le jeu démocratique n’ont aucune raison de rechercher des alternatives radicales, qui débouchent souvent sur des grands discours mais rarement sur des droits réels.

Si les élites des pays à majorité musulmane craignent l’extrémisme, le meilleur antidote serait d’ouvrir le paysage politique afin de donner plus de place aux citoyens qui, ainsi, agiraient à l’intérieur du système au lieu d’en être les victimes.

Quelle que soit l’éloquence du message, une terminologie maladroite peut déformer le message, surtout s’il doit passer par la traduction. Un exemple : combien de fois faisons-nous vraiment la distinction entre « terroriste » et « islamiste » ? Si M. Obama veut être bien compris, il ne doit pas confondre dévotion et déviation.

La rhétorique du contre-terrorisme et l’anti-islamisme primaire des nouveaux croisés de l’Amérique ont donné aux Etats-Unis, dans de nombreux pays, le visage d’un ennemi de l’islam plutôt que celui d’un ennemi du terrorisme. Cette profonde erreur a eu des conséquences dévastatrices sur l’opinion mondiale, au Moyen-Orient en particulier.

Si importants soient-ils, les mots ne remplaceront jamais la politique et les actes des Etats-Unis, surtout s’agissant des Palestiniens et de l’Iran. Trop de gens, dans le Moyen-Orient et dans le monde musulman en général, voient dans la politique américaine à l’égard d’Israël et des Palestiniens une équation de somme zéro : nous sommes du côté d’Israël, donc nous sommes contre les Palestiniens.

En fait, en l’absence d’une relation forte avec Israël, nous ne pouvons pas aider les Palestiniens. Mais M. Obama, à la faveur de son discours, peut faire savoir que la souffrance des Palestiniens est l’antithèse de la politique américaine dans la région et que l’atténuation de cette souffrance est tout en haut de ses priorités. Cette profession de foi ne peut être ni déléguée ni ignorée.

S’agissant de l’Iran, le président doit exprimer son intention de continuer dans la voie du rapprochement évoquée dans son discours du Nouvel An persan. La coopération sur des questions de sécurité régionale comme l’Afghanistan et l’Irak pourrait contribuer à amener la paix et la stabilité dans la région et à reconstruire la confiance qui est nécessaire à l’établissement de relations diplomatiques saines. L’Iran exerce une grande influence dans la région et Obama aurait intérêt à faire savoir qu’il est prêt à travailler avec le gouvernement iranien afin d’assurer que son rôle soit constructif.

Ce discours du Caire donnera au président Obama l’occasion de prouver que les Etats-Unis ont enterré une fois pour toutes le triomphalisme exhibé ces huit dernières années. Ce sera l’occasion de convaincre le monde que nous avons renoncé aux faux prophètes selon qui nous avons toujours raison et nous avons le droit d’imposer notre “American way of life” à d’autres sociétés. Ce sera l’occasion de montrer que nous sommes prêts à écouter les autres et à travailler avec eux.

Edward S.Walker Jr., ancien président du Middle East Institute, ancien secrétaire d’Etat pour le Moyen-Orient, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël, en Egypte et dans les Emirats Arabes Unis, est actuellement professeur adjoint au Middle East Institute et professeur de sciences politiques internationales au Hamilton College. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).

Source: Service de Presse de Common Ground (CGNews), 5 juin 2009,
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