L’un a été contraint de partir la queue entre les jambes et doit à présent retourner à son poste toute honte bue. L’autre qui, de dépit et d’exaspération, en était venu aux mains, a vu « casser » sa décision par Yaoundé et Brazzaville, et doit désormais ravaler son courroux : bonne digestion !
Il faut se rendre à l’évidence, les deux principaux acteurs de cette bouffonnerie, cette farce, sont des victimes: un bouc émissaire et un dindon
« Le côté obscur de la force »
Une espèce de culte de la personnalité à l’envers est voué à Antoine Ntsimi. On lui suppose des pouvoirs qu’il n’a pas, pour mieux l’accabler de sanctions qu’il ne mérite pas. L’organe suprême de la Cemac est la Conférence des Chefs d’Etat. Aussi, convient-il de dire aux « consultant[s] camerounais » à Bangui, experts improvisés en droit international, « témoin[s] permanent[s] » (un œil partout, jusque et y compris dans les sanitaires et les poubelles du président de la Commission), officiers traitants auto-employés, et autres ambassadeurs itinérants de l’autodénigrement, que les considérations sur la personne ou la morale d’Antoine Ntsimi n’intéressent que modérément les peuples de la Communauté.
Il n’y a pas de crise diplomatique entre Bangui et Yaoundé. L’on a en revanche essuyé un « incident diplomatique », c’est-à-dire un comportement susceptible de compromettre gravement la nature des relations entre les peuples centrafricains et camerounais.
Alors à ceux qui ne veulent pas « soutenir l’insoutenable », mais avancent en tout bien tout honneur que Cameroun et RCA sont à ce point sur la même longueur d’ondes que, à la décision de l’un, répond le silence décisif de l’autre, à l’ambition de l’un qui voudrait sortir de sa retraite un ancien dirigeant de la BEAC (banque des états de l’Afrique centrale), répond l’envie de l’autre, qui ne voudrait pas voir pointer son brillant compatriote à la CNPS (caisse nationale de prévoyance sociale), à ceux-là nous demandons instamment de tenir leur promesse de ne pas soutenir l’insoutenable.
« Ce pele, ce galeux, d’où (viendrait) tout leur mal »
Pauvre Ntsimi : pourtant si riche ! Toutes les langues semblent à présent se délier, surtout celles des vipères… Ntsimi, Laomédon nègre (Laomédon, simple roi troyen, qui devait penser que de sa lignée descendraient Jésus, Socrate et Nelson Mandela, avait essayé d’emprisonner le foudroyant Zeus, dieu de tous les dieux de l’Olympe !) ; Ntsimi, Strauss-Khan tropical ; Ntsimi, nouveau maître Yoda de la forfanterie ; Ntsimi, septième président de cette Communauté à Six : juste Ciel ! En quoi est-ce un blasphème ? Entre arrogance par-ci et bêtise par-là, les peuples de la Communauté voudraient n’avoir jamais à choisir !
Dans la dictature camerounaise, on est libre d’injurier ses compatriotes, d’ignorer ou d’outrager Biya, son épouse, ses enfants, ses ministres, les hommes de Dieu et Dieu lui-même… Alors la thèse d’un président centrafricain outré au plus haut point par la superbe du président de la Commission Cemac, c’est trop gros pour être vrai !
Il n’y a pas de « problème Ntsimi », juste des fantasmes entretenus par des voisins et des insulteurs aux ordres, qui ont bien voulu croire que le Cameroun avait l’intention de s’annexer la Cemac. Quand sur Vox Africa, un Chef d’Etat déclarait que c’est la faute à Ntsimi, si la Cemac avait le nez dans le caniveau et si les Chefs d’Etat ne se réunissaient pas depuis deux ans, il n’exprimait pas simplement une animosité personnelle envers Ntsimi. C’est en réalité à un coup bas au Président Biya et une critique involontaire au président en exercice de la Cemac, Sassou Nguesso, que le dirigeant centrafricain se livrait.
Le principe de rotation des nationalités à la tête des institutions n’a jamais été exclusif du renouvellement d’un premier mandat. Il faut prendre garde à ne pas faire de la Cemac l’organisation économique régionale la plus bête du monde (il y a encore un doute à ce sujet). Elle est déjà la plus pauvre (c’est un fait !) et sans conteste la plus jeune (si l’on considère 1999 comme date de l’entrée en vigueur du traité de la Cemac).
Les Camerounais ont bon dos
Le Cameroun est le pays le plus accueillant de l’espace communautaire : Tchadiens, Centrafricains, et même Nigérians n’ont jamais été inquiétés en raison de leurs origines, non d’abord pas parce que celles-ci sont immaculées et eux-mêmes impeccables, mais surtout parce que les Camerounais sont tolérants. Ils aimeraient bien que leurs « frères » de la Communauté s’en souviennent de temps en temps.
C’est à quelques nuances près l’histoire du Japonais qui avait écrit une thèse pour démontrer que les Chinois étaient les plus grands criminels, les statistiques ne laissant aucun doute sur le fait qu’ils étaient les plus régulièrement condamnés à mort et les plus largement exécutés. La population camerounaise fait à elle seule près de 50% de la population totale de la Communauté. Et si les Camerounais sont les plus exécrés, c’est sans doute parce qu’ils sont les plus nombreux et les plus dynamiques, ceux que l’on retrouve partout. La prétendue arrogance de Ntsimi, les troubles de la personnalité qu’on lui prête, sont le reflet de la détestation du leadership camerounais et de la cristallisation sur un « innocent » de haines viscérales. Va-t-on s’excuser d’être si peu aimés ? Va-t-on accuser l’horrible dictature et de ce qu’elle fait (mal) à l’intérieur et de ce qu’elle ne peut pas faire (de bien) à l’extérieur ?
Contrairement à ce qui se dit au sein même de l’Etat-RDPC, le Cameroun a une diplomatie généralement efficace (une école prestigieuse et des fonctionnaires compétents), mais manque de bol, il n’a aucune politique étrangère, en tout cas celle-ci manque de cohérence ou de lisibilité ou des deux : on réagit en permanence par à-coups. On se tait en Côte d’Ivoire, on condamne au Mali, on contemple en Syrie…
Paul Biya ne sera présent à la prochaine Conférence des Chefs d’État que si Antoine Ntsimi doit être reconduit dans ses fonctions. Quant à Elie Dotié, proposé par Bangui pour succéder à Antoine Ntsimi : qui est-ce ? Un ancien ministre centrafricain des Finances et ancien responsable de la BEAC. Mais encore ? Pour le savoir, il vous est loisible de saisir son nom dans un moteur de recherche (google par exemple) : les résultats sont ceux de Centrafricains eux-mêmes qui le taxent de « voleur et incompétent », des qualités qui feront sans doute oublier l’arrogance de Ntsimi !
Comme dirait Yoda : accepter cela, nous ne devons.
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