D’ici 2015, seuls quelques pays africains devraient réaliser l’objectif du Millénaire pour le développement (OMD) relatif à la mortalité infantile et maternelle. Ce qui signifie que beaucoup trop d’enfants et de femmes à travers le continent seront victimes d’une mort aisément évitable. Pourtant, ainsi que le relève Afrique Renouveau dans cet article, volonté politique, financement et innovation peuvent changer les choses.
Théophile Ndabereye est un infirmier satisfait. Le dispensaire de Mayange au Rwanda où il exerce a connu récemment des changements importants : installation de nouveaux équipements et embauche de personnel supplémentaire notamment. Ce qui rend possible des accouchements hygiéniques effectués en toute sécurité. “Avant, nous avions seulement trois infirmières spécialisées et la plupart des mamans accouchaient chez elles ; nous en avons maintenant dix-huit,” explique M. Ndabereye. Désormais, la plupart des mères de la région accouchent au dispensaire et l’espérance de vie des nouveau-nés s’est améliorée.
Ces changements sont le fruit de la mise en place du programme d’assurance-maladie du gouvernement, les Mutuelles de santé, gérées par des représentants de la communauté et les fournisseurs de soins de santé locaux. La participation au programme est passée de 7 à 85 % de la population entre 2002 et 2008. Les participants au ne paient qu’une cotisation annuelle équivalente à 2 dollars américains. Les femmes qui passent quatre visites médicales pendant leur grossesse accouchent gratuitement.
Les premiers résultats sont impressionnants : la mortalité infantile a diminué de plus de 30 % depuis 2005 et la mortalité maternelle de 25 % dans les années qui ont précédé 2005. Il est vrai cependant que d’autres actions ont contribué à ces résultats, dont l’augmentation du pourcentage de la population utilisant des moustiquaires traités à l’insecticide qui est passé de 4 à 67 % entre 2004 à 2007 ; et une baisse du taux de prévalence du VIH qui se situe désormais à 3 %.
Ces succès sont d’autant plus remarquables que globalement, les progrès accomplis sur le continent dans ce domaine sont à peine perceptibles. A l’horizon 2015, la majorité des pays africains ne réalisera d’ailleurs pas les objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Le Rwanda de son côté atteindra certainement l’objectif fixé pour ce qui est de la réduction de la mortalité infantile et maternelle. Le cas rwandais illustre les progrès réalisables lorsque volonté politique, politique innovante et soutien financier se conjuguent.
Des taux de mortalité alarmants
Les statistiques relatives à la mortalité maternelle sont particulièrement alarmantes en Afrique. Sur les 536 000 femmes dans le monde qui meurent chaque année de complications liées à la grossesse et à l’accouchement, 99 % vivent dans des pays en développement et parmi celles-ci, la moitié se trouve en Afrique subsaharienne. De plus pour chaque femme qui meurt, 20 autres souffrent de blessures, d’infections et de handicaps à long terme.
Les statistiques relatives à la mortalité infantile sont elles aussi préoccupantes. Sur les 10 millions d’enfants de moins de cinq ans qui meurent chaque année dans le monde, 99 % vivent dans des pays en développement. En Afrique subsaharienne on compte 160 décès pour 1000 naissances.
Au niveau mondial, la mortalité infantile n’a cessé de décliner ces 20 dernières années, mais certains signes indiquent un ralentissement des progrès. Plus grave, dans certaines régions d’Afrique au sud du Sahara on remarque à nouveau une tendance à la hausse.
Pourtant, la majorité de ces décès et de ces invalidités pourraient être évités.
Des solutions innovantes
La mise à disposition de “financements innovants” pourrait être la solution au problème, estime le Premier Ministre britannique Gordon Brown, très impliqué dans les efforts pour atteindre les OMD sur la mortalité infantile et maternelle. Il a récemment appelé les pays développés à “aider les pays pauvres à sortir de la récession par le biais des échanges commerciaux et à fournir des soins de santé élémentaires aux plus vulnérables.”
Des préoccupations similaires ont été exprimées sur les OMD par la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). “Nous savons le prix à payer pour atteindre ces objectifs ” a déclaré madame Thoraya Obaid, ajoutant que “nous savons aussi, hélas, le prix à payer pour l’insuffisance de notre action.”
Les mesures nécessaires pour résoudre cette crise ont été définies par le “Consensus concernant la santé maternelle, néonatale et infantile”, un programme soutenu par l’ONU qui souligne la nécessité d’une volonté politique et d’une mobilisation communautaire ainsi que d’une responsabilisation à tous les niveaux. Le document met également l’accent aussi sur la nécessité d’un financement et de ressources humaines adéquats.
Le coût de ce programme est estimé à environ 30 milliards de dollars pour la période 2009-2015. Les coûts annuels devant progresser de 2,5 à 5,5 milliards de dollars sur la même période. Le Groupe de travail de haut niveau sur les financements innovants estime que 5,3 milliards peuvent être obtenus au moyen de contributions volontaires de solidarité sur les billets d’avion, de conversion de dettes, d’extension des mécanismes de financement des campagnes de vaccination utilisés actuellement et autres méthodes innovantes.
De l’avis de certains acteurs cependant, la volonté politique et un financement accru ne suffisent pas. D’autres facteurs font obstacle aux progrès souhaités. Parmi ceux-ci, figurent les mariages précoces, les taux de scolarisation inférieurs des filles, les taux d’analphabétisme élevés chez les femmes, le difficile accès aux moyens contraceptifs, les mutilations génitales féminines, la violence contre les femmes, les taux de nutrition inférieurs des filles et des femmes et la stigmatisation associée au VIH/sida et à la fistule.
Il y a deux ans, l’UNICEF relevait rapport que “les causes de la mortalité et de la morbidité maternelles sont si claires – tout comme le sont les moyens de les combattre – qu’il est difficile de ne pas en conclure qu’elles sont restées négligées en raison du statut social, politique et économique subalterne des femmes dans de nombreuses sociétés.”
Il reste que ces objectifs sont réalisables, affirme le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, “Nous savons ce qu’il faut pour sauver des vies. Nous savons comment améliorer la santé des femmes, des nouveau-nés et des enfants. On dit qu’une société peut être jugée par la manière dont elle traite les femmes et les enfants. De la même façon qu’aucune femme ne devrait mourir en accouchant, aucune personne dotée d’une conscience ne devrait rester les bras croisés alors que des morts aussi absurdes continuent de se produire.”
Stephanie Urdang, écrit pour Afrique Renouveau, une publication de l’ONU.