Nouvelle Constitution du Kenya : un tournant décisif


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Les Kenyans ont adopté hier par référendum une nouvelle Constitution. Celle-ci est censée limiter les pouvoirs du président et redresser des « injustices historiques », notamment foncières, qui avaient alimenté les violences postélectorales meurtrières fin 2007- début 2008.

On pourrait l’appeler la Constitution de l’espoir. Par ses mesures, le texte est censé mettre fin aux tensions qui durent depuis l’indépendance du pays en 1963. Le régime présidentialiste dominé par le KANU (Kenyan African National Union, parti majoritairement Kikuyu, la principale ethnie du pays, au pouvoir depuis 1963) a été plusieurs fois remis en question. Ces tensions ont culminé lors de l’élection présidentielle de 2007. L’opposition entre le président sortant Mwai Kibaki et son rival Raila Odinga a dégénéré en conflit ethnique et entrainé la mort de 1500 personnes. Pour apaiser les tensions, le nouveau gouvernement de coalition formé par les deux hommes a décidé de créer cette nouvelle Constitution. Elle a été votée mercredi et adoptée jeudi avec un score de 67,25%, selon les résultats annoncés par la Commission électorale kenyane.

Même si elle maintient un pouvoir présidentiel, plusieurs dispositions sont censées réduire la toute puissance dont l’exécutif bénéficiait depuis l’indépendance du pays en 1963. Les nominations faites par la présidence (ministres, procureurs généraux, ambassadeurs, etc.) sont désormais soumises à l’approbation du Parlement. Le mandat présidentiel, qui peut désormais faire l’objet d’une procédure de destitution par le Parlement, est limité à deux fois cinq ans. Les membres du gouvernement ne devront plus, comme c’est le cas actuellement, être obligatoirement députés.
Pour Dominique Connan, chercheur français, spécialiste du Kenya, « Le nouveau texte est assez important en ce sens qu’il réduit considérablement les pouvoirs du Président par deux mécanismes : celui du renforcement considérable du pouvoir législatif avec la création du Sénat, et du renforcement du pouvoir judiciaire avec la création d’une Cour suprême ». Cour suprême, qui sera notamment chargée d’arbitrer les éventuels litiges des élections présidentielles. Le nouveau Sénat quant à lui, sera composé de quarante-sept membres représentant les comtés, auxquels viennent s’ajouter seize membres désignés par les partis politiques en fonction de leur représentativité, deux représentants de la jeunesse et deux représentants des personnes handicapées.

La réforme foncière, pierre angulaire de cette Constitution

La réforme foncière est qualifiée de cruciale dans ce pays essentiellement agricole qui a subi de grandes injustices dans la répartition des terres. Le projet ouvre la voie à un examen des modalités d’acquisition de terres qui appartenaient auparavant à l’État et dont certaines ont été accaparées de façon illégale par les plus hautes sphères du gouvernement. Il donne autorité à une future Commission nationale des terres, indépendante, d’enquêter de son propre chef sur « les injustices historiques » concernant les terres. Il envisage la possibilité de limiter la taille maximale d’une propriété privée et de supprimer la propriété perpétuelle pour les étrangers en la ramenant à un bail de 99 ans au lieu des 999 ans actuels.

La citoyenneté s’acquiert à la naissance, par mariage, adoption ou séjour régulier prolongé dans le pays. Le nouveau texte autorise la double nationalité et autorise les femmes à transmettre leur nationalité à leurs enfants. L’avortement est maintenant autorisé dans le cas où la vie ou la santé de la mère est en danger. Les libertés d’expression, de culte, d’association, de manifestation, de la presse, d’opinion politique et d’accès à l’information sont protégées.

La nouvelle Constitution devrait entrer pleinement en vigueur aux élections générales prévues fin 2012. Le premier ministre Odinga restera à la tête du gouvernement de coalition mis en place en février 2008. Mais pour le quotidien indépendant privé le Standard, le vote du référendum était la partie facile : « La prochaine étape (la mise en place de la Constitution) sera encore plus difficile, en particulier pour réconcilier les attentes de la majorité et les craintes de la minorité ».

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