Au fil des jours et des répressions, les appels à manifester de la coalition Wakit Tama trouvent de moins en moins de répondants au Tchad. La manifestation annoncée pour ce mercredi 19 mai n’a pas eu l’envergure souhaitée par les organisateurs, dispositif militaire oblige.
À N’Djamena, ce mercredi 19 mai 2021, ce n’était pas la grande mobilisation pour les responsables de Wakit Tama qui, après les événements du 27 avril puis du 8 mai, avaient choisi cette nouvelle date pour manifester et protester contre le Conseil militaire de transition (CMT). Et pour cause, les nouvelles autorités tchadiennes n’entendent laisser aucune marge de manœuvre à la coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques de l’opposition. Tôt le matin ce mercredi, un dispositif militaire impressionnant, composé de « bérets rouges », avait été déployé dans la capitale tchadienne, principalement dans les 6ème, 7ème et 9ème arrondissements considérés comme très favorables à l’opposition.
Contrairement aux propos tenus par Younous Mahadjir, vice-président de l’Union des syndicats du Tchad, une organisation membre de Wakit Tama, qui, le 11 mai dernier affirmait ceci : « Nous sommes déjà habitués, mais nous n’allons pas lâcher parce qu’il y a la répression. Nous nous attendons à cela, cela fait déjà plusieurs semaines que nous avons lancé ces actions, nous n’allons pas nous taire, nous continuerons à marcher jusqu’à ce qu’il y ait changement comme on le souhaite », le dispositif militaire a bel et bien dissuadé les manifestants qui ne sont pas sortis nombreux. Certes, des manifestations ont été observées dans certains quartiers, avec des pneus et quelques drapeaux français brûlés. Mais il est clair que ce n’était pas la grande mobilisation à N’Djamena où il y aurait tout de même eu au moins 17 personnes arrêtées. En revanche, dans le sud du pays, le mouvement a été mieux suivi, mais avec des arrestations à la clef, là aussi.
Le combat du pot de terre contre le pot de fer
La lutte que mène la coalition Wakit Tama contre le régime de N’Djamena semble très déséquilibrée. En effet, à chaque appel à manifester de la coalition, le CMT déploie le matériel de guerre. Lors des manifestations du 27 avril, les organisateurs ont dénombré au moins 15 morts et plus de 700 arrestations. Le 8 mai, même schéma : nouvel appel à manifester, nouvelle répression des forces de l’ordre. Ce 19 mai était le troisième rendez-vous, manqué, puisque la mobilisation n’a pas été à la hauteur de ce qu’auraient souhaité les organisateurs.
Dans ces conditions, Wakit Tama ne devrait-il pas changer son fusil d’épaule et revoir sa stratégie de lutte ? Puisque les militaires au pouvoir au Tchad ne semblent connaître que la méthode de la force, et ne s’en cachent d’ailleurs pas : « On a voulu autoriser mais, eux, ils se sont radicalisés. Ils veulent l’affrontement avec nous. S’ils veulent l’affrontement, ils l’auront », avait déclaré Abdramane Koulamallah, porte-parole du gouvernement tchadien, à la veille des manifestations du 8 mai.
Aller à l’affrontement avec un pouvoir qui a la gâchette facile contre des manifestants non armés, c’est le combat du pot de terre contre le pot de fer. Si Wakit Tama veut continuer la lutte et espérer avoir gain de cause, alors ses responsables devront trouver une stratégie autre que celle des manifestations de rue qui exposent les militants aux canons d’une armée qui n’hésite pas à s’en servir comme si elle avait affaire à des rebelles. Ceci d’autant plus qu’avec l’entrée au gouvernement de certains partis de l’opposition qui en étaient membres, la coalition a quand même perdu quelques plumes.