Les coiffeurs ont le vent en poupe dans la capitale mauritanienne. Les salons se multiplient et aller se faire coiffer est devenue une habitude pour toutes les Mauritaniennes. Petit tour d’horizon de la mode actuelle.
A chaque coin de rue (ou presque), on tombe sur un salon de coiffure à Nouakchott. Pour homme ou femme, avec plus ou moins d’espace et de produits… chacun et chacune y va de sa spécialité : coiffeur des » représentants « , coiffeuse ès tresses, coiffeur » moderne « . Il y en a pour tous les goûts. » Il n’y a pas de cadre juridique qui réglemente la profession « , explique Maïmouna Mint Salek, directrice du centre de formation pour coiffeuses Exotif’s. » Tout le monde peut ouvrir son salon et comme c’est une activité lucrative, cela attire beaucoup de gens. Résultat : c’est un peu la pagaille ! »
Et la fièvre de la coiffure n’épargne aucun quartier, aucune bourse, aucune couche sociale. » Se faire coiffer est vraiment entré dans les mœurs des Mauritaniennes. Ce n’était pas le cas il y a trente ans « , se souvient Maïmouna. » Quand je suis arrivée à Nouakchott en 1977, il n’y avait que deux salons de coiffure, l’un tenu par une Libanaise, l’autre par une Sénégalaise. A ce moment-là, aller chez le coiffeur était tabou. C’était tellement mal vu par la société que les femmes y allaient en cachette et incognito, le visage voilé et avec des lunettes noires ! Moi, j’avais 15 ans et j’avais grandi en prenant l’habitude de me faire coiffer, chose que mon père tolérait parfaitement. Mais je ne devais en parler à personne… »
Le postiche, c’est fantastique
Aujourd’hui, les choses ont bien changé et même si seuls les hommes sont habilités à coiffer les hommes et les femmes la gent féminine, on voit même des petites filles de 5 ou 6 ans venir se faire coiffer en compagnie de leurs mamans. A Nouakchott, on se coupe surtout les cheveux. Les coiffures traditionnelles, subtiles alliages de tresses compliquées, ne se font quasiment plus. » On en trouve encore quelques traces au fin fond du pays lors des cérémonies officielles et des mariages. Mais le tressage est alors réservé aux tresseuses de la famille qui ont tressé la grand-mère et la mère de la future mariée. La jeune fiancée se fait tresser chez elle et pas dans un salon, cela reste privé « , explique Maïmouna.
Les postiches ont remplacé les deux ou trois jours de travail que nécessitaient les coiffures traditionnelles. On pose à présent des diadèmes en cheveux ou des nattes déjà tressées et décorées, suivant le niveau de richesse de la famille, par des vraies ou fausses perles et par de l’or ou du métal doré. C’est plus rapide et surtout moins douloureux, évitant des » accidents » plus ou moins graves comme des boutons, des démangeaisons voire des infections ou des chutes de cheveux. » C’était un calvaire ! » Maintenant, plus la peine de souffrir pour être belle, le postiche est même devenu un bijou de famille dont les sœurs héritent de mariage en mariage.
Coiffeur pour messieurs
Pour les coiffures de tous les jours, les Négro-africaines, qui pour la plupart ne cachent pas leurs cheveux, osent les tresses simples et les » rasta « . A la mode actuellement parmi cette population : les tresses dites » américaines » et les dread locks. Les Maures sont plus sobres. Elles préfèrent lisser leurs cheveux avec le brushing. Le but : avoir les cheveux raides et plats puis les tirer en chignon. La seule fantaisie qu’elles s’autorisent est la coloration. Les couleurs qui ont le plus de succès sont celles qui sont prisées dans les pays arabes, à savoir toutes les teintes du henné, surtout le rouge acajou, ou du noir pour cacher les cheveux blancs, subterfuge auquel ont aussi recours beaucoup d’hommes…
Car les hommes sont aussi de bons clients pour les coiffeurs. D’ailleurs, Maïmouna a le projet de créer un module de formation de trois mois pour hommes. Pour le moment, les coiffeurs apprennent sur le tas… Un homme de classe moyenne et aisée ira une fois par mois se faire couper les cheveux (la coupe coûte autour de 1 000 ouguiyas, environ 3 euros) et se faire raser la barbe au moins une fois par semaine (280 ouguiyas, 1 euro). Les femmes quant à elles, se réservent un budget par mois et dépensent au moins 1 000 ouguiyas pour le minimum requis du » shampoing-brushing « . Les prix grimpent dès qu’il y a coloration… Mais qu’importe, les Mauritaniens ont décidé de ne pas se faire de cheveux dès qu’il s’agit de leur beauté capillaire !
Petite visite de l’école de coiffure de Maïmouna Mint Saleck, créée en 2000, en plein centre de Nouakchott. L’école dispense des cours qui touchent à toutes les problématiques liées à la coiffure : shampooing, séchage, coupes, brushing, pose de postiches et de mèches, tressages…
Les élèves travaillent sur des mannequins pourvus de cheveux naturels. Tous les jeudis, elles coiffent une personne de leur entourage pour s’entraîner en conditions réelles.
Les cours sont dispensés en français et en arabe, les inscriptions peuvent se faire tout au long de l’année et les professeurs assurent un suivi personnalisé car toutes les jeunes filles n’évoluent pas à la même vitesse. Les formations peuvent se faire à plein ou à mi-temps.
En ce moment, une quinzaine d’élèves sont inscrites mais l’école peut en accueillir jusqu’à 60.
Du 12 au 14 avril 2001, Maïmouna Mint Saleck a organisé le premier Festival national de la coiffure mauritanienne (Fencom) à Nouakchott. Trente coiffeuses venues de tout le territoire mauritanien y ont participé afin de faire revivre la coiffure traditionnelle, patrimoine culturel en voie de disparition.