Dans le Nord du Mali, les affrontements perdurent entre l’armée et les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad. Les appels au cessez-le-feu et au dialogue, qui se multiplient au Mali et à l’étranger, n’ont rien donné. Plusieurs milliers de personnes ont fui les combats dans les pays voisins. Les autorités maliennes entendent minimiser l’ampleur de la crise en muselant les médias.
Les autorités maliennes sont dans l’impasse. La multiplication des appels au cessez-le feu et au dialogue dans le pays et à l’étranger n’ont pas permis de trouver une issue au conflit qui oppose depuis la mi-janvier l’armée et les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Le groupe milite pour l’indépendance de l’Azawad, région située dans le nord-est du Mali. Le MNLA est issu de la fusion du Mouvement de libération de l’Azawad et du Mouvement touareg du Nord-Mali de Ibrahim Bahanga, le chef de la rébellion en 2006 décédé fin août 2011. Le mouvement indépendantiste est composé d’anciens rebelles touaregs, de militaires déserteurs et d’officiers supérieurs dont certains ont longtemps servi dans l’armée libyenne du colonel Mouammar Kadhafi.
Pour tenter de trouver une solution à la crise, Henri de Raincourt, le ministre Français de la Coopération, s’est rendu jeudi en urgence à Bamako pour discuter de la situation avec le président Malien Amadou Toumani Touré. Pour Paris, il s’agit de s’assurer que les autorités maliennes ont bien engagé les négociations avec les rebelles du MNLA. D’autant plus que six ressortissants français ont été enlevés par Al-Qaïda au Maghreb islamique dans le Sahel. Le ministre s’est notamment rendu à Niamey, la capitale nigérienne. Il achèvera cette tournée régionale à Nouakchott pour tenter de convaincre le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, de prêter main forte au régime de Bamako pour faciliter le dialogue entre les deux parties.
La crainte d’une propagation du conflit au Sahel
La crainte que le conflit se propage dans la région du Sahel, notamment au Niger est réelle. Les Touaregs nigériens vivent dans une zone frontalière avec la Libye. Selon un diplomate qui s’est confié à RFI, le Nord-Niger pourrait bien servir de base arrière pour le MNLA et réveiller des alliances entre Touaregs et forces pro-kadhafi. Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, une centaine de Touaregs qui combattaient en Libye ont regagné le mali avec leurs armes et leurs équipements. Pour les autorités, ils sont en parti responsables de la reprise des hostilités dans le Nord du Mali. Le ministère de la Défense du Mali a attribué le 16 janvier l’attaque de Ménaka, dans la région de Gao (nord-est), proche de la frontière avec le Niger, à « des militaires rentrés de Libye auxquels se sont joints d’autres éléments se faisant connaître sous l’appellation du MNLA ». « Ces rebelles ne représentent qu’eux-mêmes », a estimé un collaborateur du président malien. « Ce sont des bandits qui visent à détrousser les gens. Leur objectif n’est pas politique mais pécuniaire. Nous avons essayé à plusieurs reprises d’ouvrir des négociations avec les représentants du MNLA. Cela n’a rien donné », a-t-il affirmé.
Une position loin d’être partagée par Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, Député de Bourem, à Gao. Proche du MNLA, pour lui « ce mouvement a essayé pendant des mois de se faire entendre auprès de Bamako. En vain. Il a donc décidé de prendre les armes pour obtenir son indépendance. Il réunit des milliers d’hommes issus de toutes les communautés du nord (Touaregs, Peuls, Arabes, Songhaïs), tous unis pour achever la guerre d’indépendance commencée dans les années 1960 », rapporte La Croix.
Des médias censurés
Ces tensions ont aussi gagné la capitale du Mali, Bamako. Selon une correspondante d’Afrik.com, plusieurs jeunes ont agressé des ressortissants Touaregs et Maures, brûlant leurs résidences ou saccageant leurs commerces. Une ministre touareg, qui a vu sa maison brûlé, a fui le Mali et écrit une lettre au président de la République. Le gouvernement refuse de communiquer des informations sur la question et n’hésite pas à les censurer. Dernièrement, tous les responsables de radios privées ont été convoqués par le ministre de la Communication pour soi-disant être mis en garde contre cette situation alors qu’en réalité les autorités souhaitent avoir la main mise sur toutes les informations en rapport avec le conflit. Le PDG de Radio Kledu, un ressortissant français, a été convoqué par le comité de régulation de l’information suite à la diffusion d’une interview d’un militaire de Kidal, qui a accusé le régime d’être le principal responsable de ces affrontements. Le militaire a mis en cause le président malien, l’accusant d’être « le chef de la rébellion ». Le PDG a suspendu le journaliste qui a recueilli le témoignage ainsi que le rédacteur en chef de l’antenne. Finalement, leurs sanctions ont été levées après l’intervention du promoteur de la radio qui a jugé que cette solution n’était pas la bonne.
Des milliers de déplacés
De leur côté, les autorités n’ont apporté aucun démenti à ces informations. Le président de la République qui a reçu des épouses de militaires s’est contenté d’expliquer que « certaines radios ont raconté des mensonges » sans entrer dans les détails ni même préciser de quels mensonges ils s’agissaient. Les responsables politiques refusent également de répondre aux questions des journalistes à propos du conflit. Le nombre de morts exact n’est pas connu ni celui de déplacés d’ailleurs. Mais au moins 30 000 personnes auraient fui les combats pour se réfugier au Niger, au Burkina-Faso et en Mauritanie, selon le comité international de la Croix rouge. Même l’Algérie est confrontée à une vague de réfugiés. En Mauritanie, les autorités et le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU mettent en place un camp de réfugiés près de la capitale, Nouakchott. A Ougadougou, les autorités, appuyées par l’ONU, s’activent pour gérer l’arrivée des déplacés.
Le conflit semble prendre de l’ampleur. Mais jusqu’où ira-t-il si les autorités maliennes et les rebelles du MNLA ne trouvent pas rapidement un terrain d’entente ?